Texte intégral
Bernard Mazières : Vraiment, l’ancien ministre de la Culture aime « Star Wars » ?
Jack Lang : Pourquoi pas ? on ne va quand même pas taper bêtement sur ce film parce que son seul tort est d’être américain ! Georges Lucas, son réalisateur, est le formidable pionnier d’un nouvel imaginaire. Il faut savoir que cet homme, à ses débuts, a eu le courage de braver Hollywood. Il s’est mis tous les « majors » à dos. Et vous savez, là-bas, ce ne sont pas des tendres ! Les auteurs, ils s’en fichent : ce qui les intéresse, ce sont les dollars, la recette. Son combat, c’était David contre Goliath. Et il l’a gagné ! le risque, c’est qu’il devienne lui-même, à son tour, une puissance. A de nouvelles générations de prendre, à son exemple, la relève de l’audace et de proposer d’autres alternatives.
Bernard Mazières : Pour quelqu’un qui défend, comme vous, l’«exception culturelle », c’est surprenant…
Jack Lang : Rassurez-vous : je défense encore l’exception culturelle et on me colle toujours cette étiquette de pourfendeur de l’américanisation de notre société. Mais, pour être franc, j’en ai ras le bol de tous ceux (et ils sont nombreux) qui se donnent des grands airs, gueulent (il n’y a pas d’autre mot) sur ce thème-là et ne font pas grand-chose ! Il faut, une fois pour toutes, comprendre que l’exception culturelle ne se défend pas seulement dans les colloques, mais par des actes concrets : dans son village, dans sa région, dans son pays. Redonnons, par exemple, au budget du ministère de la Culture les trois milliards qu’il a perdus en quelques années !
Bernard Mazières : Ce qui vous a fait réagir également, cette semaine, c’est le projet d’interdire la vente de tabac au moins de 16 ans…
Jack Lang : Oui. Comment empêcher un ado qui a envie de fumer de le faire ? j’en parle en connaissance de cause : jusqu’à mon agrég de droit, et j’avais 32 ans à l’époque, j’ai fumé trois paquets par jour. J’étais un toxico. C’était un délice suicidaire. Mais quelle loi aurait pu m’empêcher de fumer ? Quand on est jeune, la mort, c’est pour les autres. La seule interdiction de vendre des cigarettes à des moins de 16 ans serait inopérante. Il faut s’attaquer à la racine du mal par une véritable croisade anti-tabac.
Bernard Mazières : Vous avez aussi retenu le Pacs, voté mercredi…
Jack Lang : Ah oui ! le Pacs, c’est la gauche que j’aime, la gauche qui ose et bouscule les préjugés. Humaniste et généreuse. Je suis fier d’appartenir à cette gauche-là. C’est une grande victoire.
Bernard Mazières : Enfin, à Paris, vous observez les affaires municipales et l’effervescence qui règne…
Jack Lang : Ne comptez pas sur moi pour taper sur Jean Tiberi : ses « amis » s’en chargent. Je n’aime pas le lynchage. Par ailleurs, je tiens à rester à l’écart du tohu-bohu parisien. Des journaux me mettent malgré moi, en scène dans des scenarii imaginaires. Je refuse d’être l’otage des stratégies individuelles de telle ou telle personnalité socialiste. Je me sens définitivement étranger aux querelles de clans.
Bernard Mazières : Mais vous vous verriez bien maire de Paris ?
Jack Lang : J’ai beaucoup fait pour cette ville quand j’étais ministre de la Culture. En tout cas, une chose est sûre : il faut à Paris un maire à temps plein. Et qui n’aurait qu’un seul et unique objectif : le bonheur de ses habitants. Au moment où Londres, Berlin, Rome explosent de vie et de projets, Paris sommeille. C’est géré un peu comme une sous-préfecture de province. Et à l’exception du musée du président Chirac, l’État ne propose aucun projet emblématique pour la capitale. Il faut une nouvelle ambition à Paris.