Texte intégral
Déclaration de Lionel Jospin
Le Président Jacques Chirac a confirmé ce soir ce que nous avait annoncé depuis plusieurs jours la rumeur : l’Assemblée nationale élue en 1993 est dissoute avant terme.
Les Françaises et les Français, pris par surprise, auront ainsi, à l’issue d’une campagne électorale très courte, la responsabilité d’élire une nouvelle assemblée pour cinq ans.
Cette décision est celle du président de la République. Elle n’est pas la nôtre. Nous en prenons acte.
Rien n’imposait cette précipitation. Il faut donc chercher à en pénétrer les raisons. La droite et, au premier chef, le Premier ministre, Alain Juppé, veulent faire voter les Français avant que ne se confirment trois événements : l’échec aggravé de la politique économique du gouvernement, son intention de recourir à une nouvelle cure d’austérité, le développement des affaires le concernant.
Démentons ce calcul. Faisons de cette dissolution tactique l’occasion d’un acte de vraie démocratie.
Tout indique – même si la droite prétendra le contraire – que celle-ci s’apprête à faire un nouveau pas vers le capitalisme dur.
L’échec de sa politique, les intérêts financiers qui la dominent, sa façon d’aborder sans condition le rendez-vous de la monnaie unique, l’y conduisent.
Dans notre pays, le chômage ne cesse de progresser, les inégalités se creusent, aucun progrès n’est escompté et le sens de l’avenir se dérobe. Il faut changer de politique.
Le Président Chirac a énuméré des explications pour cette dissolution de convenance qu’il excluait il y a quelques mois encore. Je dois dire qu’elles ne m’ont pas convaincu, et n’ont pas modifié mon analyse. D’autant que nous gardons le souvenir de ce qu’il aurait promis il y a deux ans. 1997 ne peut être 1995.
L’élection qui vient sera l’occasion d’un choix politique, mais aussi d’un choix de société, j’ai dit hier, d’un choix de civilisation.
Choix politique : pourquoi garder le même Premier ministre, Alain Juppé, pour plusieurs années et avec une politique aggravée ?
Choix de société : pourquoi dériver vers un modèle anglo-saxon, mondialisé et inégalitaire, au lieu de reconstruire l’équilibre économique et social français dans l’engagement européen.
Je veux l’Europe, mais une Europe pour les citoyens. Je veux l’Europe sans renoncer à la France.
C’est ce projet de société et ce modèle de civilisation que je vous proposerai pendant cette campagne. Avec vous et pour vous, nous sommes prêts à gouverner notre pays.