Texte intégral
Paris-Normandie : On ne peut pas dire que les raisons fondamentales de la dissolution apparaissent clairement, surtout s’il s’agit de reconduire la majorité et de poursuivre une politique identique…
Jean-Louis Debré : La décision de dissoudre, prise par le Président de la république, est une décision sage. Et pour deux raisons essentielles.
La première est économique. Tout le monde sait que la reprise s’annonce, que des signes, certes insuffisants, mais encourageants, apparaissent. Pour que nous ne rations pas les effets de cette reprise, nécessaire à l’emploi, il nous faut poursuivre les réformes engagées, et les amplifier ; alléger les charges sociales, conduire la baisse des impôts. Mais tout ce que nous aurions fait en ce domaine aurait été objet de polémique, à un an des élections. Les blocages commençaient déjà. L’enjeu est trop grave. Il fallait casser ce climat, et empêcher que la machine ne se bloque.
La dissolution a l’avantage de limiter la durée du blocage.
Dès mai–juin et jusqu’en avril 98, des rendez-vous européens importants nous attendent. Notamment la conférence intergouvernementale qui va décider de l’évolution des institutions européennes. Et la France a besoin de parler fort et d’imposer ses vues ; pour cela il faut que les représentants français ne soient pas contestés. Cette situation était impossible à envisager à quelques mois des législatives alors que les représentants anglais, et d’autres aussi, eux, auront été relégitimés.
Paris-Normandie : Les Allemands auraient été dans le même cas l’année prochaine – eux aussi auront des élections -… Et puis, vous connaissez le calendrier européen depuis longtemps…
Jean-Louis Debré : Nous connaissions le calendrier, mais ce que nous avons mal mesuré au début, c’est combien la position de la France était loin d’être partagée par tout le monde, notamment à propos des institutions européennes.
Au sein des institutions européennes, pour prendre des décisions, la France veut donner plus de pouvoir aux ministres et aux chefs d’États. Aujourd’hui, cette thèse n’est pas sûre de triompher : il y a toujours des tendances supranationales contre lesquelles il faudra lutter ; notre Europe à nous, c’est celle des nations, c’est celle de la diversité.
Paris-Normandie : Quant aux raisons économiques invoquées en faveur de la dissolution ne sont-elles pas étranges ? S’il s’agit de faire la même politique…
Jean-Louis Debré : Je m’élève contre ce que disent nos adversaires lorsqu’ils prétendent : « Ça veut dire que Juppé va continuer ».
D’une part, c’est le Président de la République qui choisit le Premier ministre. D’autre part, Alain Juppé dit lui-même qu’il n’est pas candidat à sa propre succession. Vous savez, au sein de la majorité, beaucoup d’hommes ont des idées, et des capacités. Le Président de la République tiendra compte des leçons du scrutin.
Paris-Normandie : Vous disiez à l’instant que ces élections avaient été précipitées pour ne pas casser la reprise économique. D’autres prétendent qu’il s’agit plutôt d’anticiper un creusement prochain des déficits…
Jean-Louis Debré : Aujourd’hui, les déficits se comblent ; la rigueur a existé pendant deux ans, justement pour redresser les comptes de la France. Pensez que nous avons trouvé une situation très endettée et qu’il faut rembourser cette énorme dette socialiste. Eh bien, nos réformes, et la rigueur, ont permis d’améliorer la situation. C’est pour cela que désormais, nous pouvons envisager une nouvelle politique. C’est très exactement l’enjeu de ces élections : une nouvelle politique, conduite par un nouveau gouvernement.
Ces élections sont un retour à la démocratie. Nous avons montré l’exemple en commençant à réformer la France ; la Défense nationale, les lois sur l’immigration, la sécurité et la police… Après la rigueur, la France doit être à flot pour les réformes qui faciliteront la relance de l’économie.
Paris-Normandie : Vous avez été l’un des plus fervents partisans de la dissolution auprès de Jacques Chirac au motif que la majorité conserve de fortes chances. Votre loi sur l’immigration n’a-t-elle pas, en créant quelques flottements à gauche, participé à la création d’une situation plus favorable à cette majorité ?
Jean-Louis Debré : Sans doute… Mais ce n’est pas seulement la loi dite Debré, c’est tout ce qui s’est fait depuis deux ans en matière d’immigration qui compte. J’ai été le seul ministre de l’Intérieur a renvoyé plus de 25 0000 personnes ; nous avons fait 40 charters ; j’ai fait expulser des clandestins, j’ai aussi lutter contre les filières d’immigration illégale. J’ai fait le contraire de ce que fit la gauche en 81 ou en 88, en régularisant les immigrés illégaux et, finalement, en laissant s’installer le racisme et la xénophobie. Voilà pour tous ceux qui disent que la droite et la gauche c’est pareil.
En cette action, je la mène dans un souci de défense de la République. Sur notre sol la loi doit être respectée. Par tous.