Interview de M. Michel Péricard, président du groupe RPR à l'Assemblée nationale, à RTL le 4 mars 1997, sur la fermeture de l'Usine Renault de Vilvorde, la lutte contre le Front National et le projet de loi Toubon sur la poursuite des propos racistes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

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O. Mazerolle : Les salariés de Renault se mobilisent un peu partout, aussi bien en France qu’en Belgique et en Espagne. Croyez-vous que l’industrie automobile française doit subir une restructuration aussi radicale que celle de la sidérurgie il y a une vingtaine d’années ?

Michel Péricard : C’est un peu difficile de dire cela à chaud mais, en tout cas, la nouvelle est tombée brutalement et je peux vous dire qu’elle était inattendue pour tout le monde, y compris pour le monde politique. L’industrie automobile française, par exemple le groupe PSA, ne se porte pas trop mal même s’il a cette année de moins bons résultats que ceux qu’il a eus l’année dernière. Alors, cette décision a surpris et cette décision choque un peu d’abord parce que c’est en Belgique qui est proche de la France. Mais c’est la stratégie des grands groupes industriels et je crois qu’ils sont dans une logique qui n’est évidemment pas celle des ouvriers de chez Renault.

O. Mazerolle : Devant une telle situation, quelle doit être la stratégie des pouvoirs publics ?

Michel Péricard : Les pouvoirs publics doivent quand même tempérer les choses. Je vous entendais, tout à l’heure sur RTL, dire que ce n’était pas prévu. On a l’impression que tout est toujours un peu improvisé. C’est vrai qu’il n’y a aucune raison pour que les choses soient aussi rapides, aussi brutales et que personne ne soit prévenu et personne ne soit préparé.

O. Mazerolle : Les deux constructeurs français avaient proposé au Gouvernement un plan de rajeunissement étalé sur plusieurs années, prévoyant 40 000 suppressions de postes et qui a été refusé. Était-il légitime de le refuser ?

Michel Péricard : Je ne pense pas que ce soit exactement comme cela que le problème s’est posé, le Gouvernement l’a refusé tel qu’il a été présenté. Il veut avoir la garantie qu’il s’agit bien de créer de nouveaux postes ou si c’est simplement une façon de supprimer des emplois sans pour autant attirer des jeunes. C’est vrai que ces grandes entreprises très modernes, très performantes ont besoin de jeunes. Il y a sans doute des ouvriers et des cadres qui maintenant sont un peu âgés. Cela doit se faire dans la douceur.

O. Mazerolle : Est-ce que le patron de Renault, Louis Schweitzer, doit reprendre les discussions avec les Belges et aussi avec les syndicats français ?

Michel Péricard : On doit toujours reprendre les discussions. Je ne crois pas qu’on puisse venir et dire que c’est comme cela et pas autrement. C’est lui qui dirige son groupe, mais je pense que la méthode a un peu surpris.

O. Mazerolle : Est-ce que vous redoutez un boycottage des produits français en Belgique ?

Michel Péricard : Non, je ne crois pas. Les Belges sont des gens raisonnables. Ils savent bien que ce n’est pas la France qui est, dans cette affaire-là, responsable de tout et que personne ne veut de mal à la Belgique. Au contraire, ça nous touche beaucoup. Ce que je voudrais dire aux Belges, bien qu’ils n’y trouveront aucune consolation, c’est que nous aussi, nous avons eu notre lot. On les a rappelés tout à l’heure. Nous avons eu notre lot de délocalisations – Hoover, Grundig, Gillette, etc. C’est la stratégie des grands groupes mondiaux.

O. Mazerolle : Qu’est-ce qui vous paraît en cause dans cette affaire, c’est l’inaptitude des industries françaises ou bien la responsabilité de l’Europe qui s’ouvre au grand large ?

Michel Péricard : Je crois que c’est plutôt la deuxième raison. C’est aussi qu’on fabrique trop de voitures maintenant pour les consommateurs qui veulent en acheter. Cela me paraît évident. Ces espèces de piqûre de soutien qu’ont été la « balladurette » puis la « jupette » étaient complètement artificielles. Leur suppression a au moins un mérite, le seul peut-être, c’est de mettre les gens en face de la vérité.

O. Mazerolle : Ce n’était pas forcément de bonnes mesures, alors ?

Michel Péricard : Non, je ne crois pas.

O. Mazerolle : Est-ce que le RPR n’est quand même pas écartelé entre ceux qui, comme Édouard Balladur, pensent qu’il faudrait davantage de flexibilité pour s’adapter au monde moderne et ceux qui, au contraire, comme Charles Pasqua, demandent le maintien d’un système social à la française ?

Michel Péricard : Écartelé est peut-être un mot excessif mais c’est vrai que c’est un vrai débat qui a cours et qui n’est pas terminé. Quand des hommes comme Balladur ou Pasqua parlent, ce n’est jamais indifférent. Mais pour l’heure, je crois que les réformes entreprises par Alain Juppé, à la demande de Jacques Chirac, montrent bien une volonté d’adaptation de la société française. C’est la première fois que l’on essaie de l’adapter et je crois que l’on arrivera à des résultats sans que l’on ait besoin d’avoir de grands débats théologiques.

O. Mazerolle : Autre sujet : les dernières déclarations de Jean-Marie Le Pen, qui dit qu’il y a un complot juif qui tient le président de la République.

Michel Péricard : Je crois que Le Pen commence déjà à dater beaucoup. La vieille idée du chef d’orchestre clandestin qui courait il y a trente ans, il la conserve. Ce complot, qui n’existe que dans sa tête, est sans doute, pour lui, la seule explication qu’il trouve à ses échecs. Parce qu’on parle toujours des succès du Front national mais le Front national, qu’est-ce qu’il a réussi à faire ? Gagner des voix, gagner une élection. Mais finalement, c’est un échec.

O. Mazerolle : D’autres villes également, il n’y a pas eu qu’une seule élection.

Michel Péricard : Oui, quatre. Ces élections municipales sont un peu particulières. En tout cas, Le Pen voit le pouvoir reculer, il ne le voit pas s’avancer vers lui, surtout si on fait un peu attention.

O. Mazerolle : Est-ce que vous pensez que lui et Mme Mégret devraient être poursuivis pour leurs propos ?

Michel Péricard : Je partage complètement l’avis de Pierre Mazeaud. Il faut poursuivre. L’idée que la législation n’est pas adaptée est une idée peut être vraie mais on le verra bien. Si les juges ne trouvent pas dans notre arsenal législatif de quoi condamner eh bien, on changera la loi. Mais il ne faut pas précéder en changeant la loi.

O. Mazerolle : Poursuivre et Jean-Marie Le Pen et Claude Mégret ?

Michel Péricard : Mme Mégret, on me dit que c’est plus compliqué parce qu’elle a fait ses déclarations à l’étranger. Cela me semble un peu spécieux. On peut bien fermer une usine à l’étranger, on doit dont bien pouvoir poursuivre Mme Mégret à l’étranger.

O. Mazerolle : Est-ce que la majorité ne regrette pas de n’avoir pas tenu la balance plus équilibrée. Ils ont voté la loi Debré mais ils refusent de voter la loi Toubon sur le racisme, qui permettrait des poursuites.

Michel Péricard : La loi Toubon nous a paru une loi de circonstance. Je crois que, surtout, il y a un débat pour savoir s’il faut parler ou ne pas trop parler du Front national. Mais en tout cas, il ne fait pas le persécuter. Il ne fait pas lui en donner l’impression car je crois que c’est le plus grand service que l’on puisse lui rendre. C’est un peu le reproche que nous faisons à la loi Toubon qui n’a pas beaucoup de partisans.

O. Mazerolle : Mais vous êtes pour les poursuites pourtant ?

Michel Péricard : Je suis pour les poursuites mais dans la cadre de la loi qui existe mais non pas dans le cadre d’une loi que l’on aura spécialement inventée pour un délit qui aurait été commis.