Texte intégral
Propos sur la défense - Août 1996
Avant-propos du Ministère dans le rapport annuel d’Études de l’ÉNA : « La Défense, de la Nation à l’Europe »
* Défense (fonction régalienne, armée-nation)
L’École nationale d’administration trouve largement ses racines dans les hommes et l’esprit de la Résistance. Elle a donc noué avec la défense du pays des liens naturels, dont l’existence d’une « épreuve d’audace » pour l’admission aux concours a pendant longtemps été une marque. Aujourd’hui encore, prévaut le principe de l’accomplissement d’un service militaire dans les forces pour ses élèves masculins qui ne l’auraient pas encore effectué au moment de leur admission.
Le lien entre le monde des administrations civiles et celui de la défense – ce dernier souvent marqué par une culture et des rites propres, des pratiques jugées dérogatoires – ne va pas de soi, malgré la féroce tendresse prodiguée indistinctement à l’une et à l’autre par un Courteline. Bien des clichés subsistent encore, même chez des administrateurs avisés, sur la vie des armées, des services et des industries de défense, qui n’ont guère de rapport avec leur activité réelle, leur mission, leurs moyens.
Il est donc apparu nécessaire à la direction de l’École de familiariser les futurs administrateurs avec cette grande fonction, dont le Général de Gaulle disait qu’elle était « la raison d’être de l’État », à laquelle il ne saurait manquer sans se perdre lui-même.
Faisant appel à plus de 500 000 hommes et femmes, deuxième budget de notre administration, au premier rang pour celui de l’équipement, appuyé par des entreprises employant 300 000 personnes, développant un système de formation considérable, fortement ancré sur le territoire et participant à son aménagement, le ministère de la défense est un acteur particulièrement complet de notre vie publique.
* Réforme des armées
Le séminaire de 1995, placé sous le signe de l’insertion de la défense dans la nation et de sa transition vers une pleine dimension européenne, a permis aux élèves, je l’espère, de découvrir ce qu’est une politique de défense et d’en comprendre les fins et les modalités. Cette rencontre m’est apparue d’autant plus opportune qu’elle intervenait au moment où notre défense s’apprêtait à connaître, conformément aux orientations fixées par M. Jacques Chirac, président de la République, une mutation sans précédent depuis le début de la Ve République dont la professionnalisation complète des armées, le débat sur l’avenir du service national ou la réforme du système industriel constituent les marques les plus apparentes.
A en juger par la qualité générale des travaux présentés, les lecteurs intéressés trouveront ici, non seulement des synthèses précieuses sur les principaux aspects de notre politique de défense mais aussi, comme le veut la tradition, des analyses critiques et des propositions dignes de considération.
Il y a exactement vingt ans, M. Giscard d’Estaing, alors Chef des armées, décrivait ainsi les défis en matière de défense : « On croit souvent à tort que, dans notre histoire militaire, les succès et les échecs sont uniquement imputables à l’ampleur des moyens ou à la clarté de la réflexion. Si on observe bien les faits, on s’aperçoit qu’ils ont fait tenu pour l’essentiel à l’existence ou à la non-existence d’un effort méthodique d’organisation. Les grandes périodes de l’histoire militaire navale ou terrestre, plus récemment aérienne, ont été des périodes où à l’homme ou à un groupe d’hommes ont conduit avec ténacité et sobriété un effort systématique d’organisation.
Le président e la République, dès le début de son septennat, a affirmé avec netteté sa volonté d’une réforme en profondeur. Les principes et les moyens en sont aujourd’hui connus. Il appartiendra au gouvernement de l’État, une fois que le parlement se sera prononcé sur les différents volets législatifs qui lui sont soumis, de la conduire fermement.
Puisse cet objectif rassembler administrateurs de l’État, militaires et citoyens conscients de l’enjeu !
Propos sur la défense - Septembre 1996
Éditorial du Ministre de la Défense du numéro 1 de la Lettre de la Défense.
* Réforme des armées (mise en œuvre)
Au mois de juin dernier, le vote par le Parlement d’une nouvelle loi de programmation militaire a permis d’engager la grande réforme de notre défense. A présent commence la phase la plus délicate et la plus décisive, celle de la mise en œuvre.
Les défis sont devant nous : garder la capacité opérationnelle des armées tout en vivant une transformation sans précédent : réussir la professionnalisation complète en recrutant 48 000 engagés en six ans : changer le format des armées sans loi de dégagement des cadres.
* Reconversion professionnelle militaire
Ce dernier objectif est difficile, car des officiers et des sous-officiers ne peuvent envisager sans émotion de quitter des armées, de tourner une page aussi riche, faite d’idéal, d’honneur, de fraternité d’armes. C’est pourquoi nous avons voulu offrir à ceux qui seront volontaires les moyens d’un nouveau projet personnel. Pécule, congé de reconversion, prorogation des dispositions qui permettent les reclassements au sein de la fonction publique.
* Projet de loi sur les mesures d’accompagnement de la professionnalisation des armes
Le projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire, qui complète l’ensemble des mesures réglementaires prévues par la loi de programmation, s’inspire directement des besoins et des attentes exprimées, mais également des propositions que j’ai pu recueillir. Ainsi les nombreuses visites que j’ai effectuées dans les unités, le dialogue que j’ai engagé à tous les niveaux, en particulier au Conseil supérieur de la fonction militaire, ont-ils porté leurs fruits.
* Dialogue social
Ce dialogue, ces échanges permanents se poursuivront : je continuerai à m’y employer. Car la communauté de défense doit bénéficier d’un appui sans faille, être encouragé et soutenue quotidiennement dans ses efforts.
Une réforme ne peut réussir que si elle s’incarne dans les hommes et les femmes qui vont la porter, l’enraciner, la faire vivre. La réforme de la défense, c’est avant tout une dynamique humaine.