Editoriaux de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, dans "Lutte Ouvrière" des 3, 10, 17, 24 et 31 janvier 1997, sur les sans-abris, la situation en Centrafrique, les grèves en Corée du Sud, le terrorisme en Algérie et la réouverture du procès de Maurice Papon.

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Média : Lutte Ouvrière

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Lutte Ouvrière - 3 janvier 1997

La Bourse en fête…

Les SDF meurent de froid

Depuis Noël, il faut « un temps à ne pas mettre un chien dehors », comme on dit. Mais cela n’empêche pas que des milliers d’êtres humains, dans toutes les grandes villes, doivent affronter les rigueurs du froid sans disposer d’un toit à eux pour s’abriter. Dix « sans-domicile-fixe » sont déjà morts de froid à ce jour et, si la météo ne se trompe pas, ce triste palmarès va encore s’alourdir dans les jours qui viennent.

Comme toujours, en pareilles circonstances, les autorités font semblant de s’émouvoir. On a ouvert des abris pour accueillir les sans-logis. Et Xavier Emmanuelli, le sous-ministre « à l’Action humanitaire », y a été de son appel à la solidarité pour inciter le public à convaincre les SDF de profiter des locaux d’hébergement qui sont actuellement mis à leur disposition. Et de nous expliquer, au passage, qu’un certain nombre de sans-logis préfèrent malheureusement prendre le risque de passer, malgré le froid, la nuit dans la rue.

Quelle hypocrisie ! Le Gouvernement ne se préoccupe des sans-abri que lorsqu’il gèle à pierre fendre, et que pour la nuit ! Comme si le froid de la rue était tout à fait supportable dans la journée, ou la nuit quand il fait deux ou trois degrés. Comme s’il était normal que dans la seule région d’Ile-de-France, pour ne prendre que cet exemple, 30 000 personnes, selon le chiffre avancé par la presse, soient privées de toit.

Les discours officiels ne sont qu’hypocrisie, car l’existence de ces milliers de gens démunis de tout n’est pas une fatalité, mais la conséquence de la politique menée par ce Gouvernement et par ceux qui l’ont précédé depuis une vingtaine d’années.

Les sans-logis ne sont pas, dans leur immense majorité, des marginaux qui ont délibérément choisi ce mode de vie. Ce sont des victimes de la politique menée par le grand patronat, avec la bénédiction de l’Etat, des gouvernants d’hier et d’aujourd’hui, pour maintenir les profits capitalistes aux dépens des travailleurs, dont les plus chanceux ont vu leur niveau de vie reculer, pendant que d’autres se retrouvaient purement et simplement jetés sur le pavé. Parce que créer des emplois, cela n’a d’intérêt, dans la logique du capitalisme, que lorsque cela permet de dégager pour les actionnaires des bénéfices suffisants.

Oh, on ne se retrouve pas « SDF » d’un seul coup. On commence par perdre son emploi. On voit s’amenuiser ses droits aux allocations chômage. Et faute de pouvoir payer un loyer, on finit par échouer un jour, à la rue, pratiquement sans possibilité de retrouver alors une activité professionnelle.

Quel travailleur oserait jurer, aujourd’hui, que ce genre de chose ne pourrait pas lui arriver ?
Voilà quelle est la situation, quel genre de vie on impose à des êtres humains, à l’aube du XXIe siècle, dans l’un des pays les plus riches de la planète où la Bourse monte en même temps que la courbe du chômage.

Alors, la tâche de l’heure, ce n’est pas simplement d’indiquer aux sans-abri l’adresse de l’asile où l’on consentira à les accueillir quelques heures. C’est d’imposer aux gouvernants, aux possédants, un changement de politique tel que les besoins des hommes, de tous les hommes, ne passeront plus après les bénéfices d’une petite poignée de nantis.

La classe ouvrière peut le faire. Elle en a la force, par son nombre, parce qu’elle tient en mains toute la machine économique. Il ne lui manque que de prendre conscience de cette force, de ses moyens. Et elle doit le faire, si elle veut enrayer cette course qui mène à l’appauvrissement de tout le monde du travail.

Et puisqu’il est de tradition, en cette période de l’année, de former des vœux, souhaitons que 1997 voit les luttes sociales imposer à la bourgeoisie de prendre sur les bénéfices qu’elle accumule sur notre dos depuis des années pour assurer une vie décente à tous. Et ne nous contentons pas de le souhaiter. Préparons-nous à cette perspective !

 

Lutte Ouvrière - 10 janvier 1997

Le vrai bandit de Bangui : l’impérialisme français

L’armée française est intervenue à Bangui pour « mater » les militaires rebelles. C’est ainsi qu’a été présentée l’intervention des chars et des hélicoptères de combat de l’armée française stationnée en République Centrafricaine, ex-colonie française de l’Oubangui-Chari. Autrement dit, pour soutenir le dictateur-président Ange Félix Patassé.

Selon les dires de la presse, les soldats français sont intervenus pour venger deux des leurs, lâchement assassinés. Mais que fait l’armée française là-bas ? Son expédition s’est traduite officiellement par une dizaine de soldats africains tués et au moins autant de blessés. Mais bien sûr, là, on ne nous dit pas que c’est de l’assassinat.

Et contre qui ces soldats s’étaient-ils mutinés ? Contre le dictateur dont les troupes françaises assurent la protection…

Bien sûr, ce n’est pas le premier dictateur de ce pays que les troupes françaises protègent mais cela n’excuse rien. Ce pays est indépendant depuis 1960 et, depuis, les troupes françaises y stationnent. Avant aussi ! Mais c’était une colonie française (cela n’excuse rien non plus) qui faisait partie, avec le Gabon et le Congo français, de l’Afrique Equatoriale Française.

Les troupes françaises y ont protégé successivement le très démocratique Bokassa, d’abord général, puis président à vie, puis empereur sous le nom de Bokassa 1er qui, après avoir été écarté du pouvoir, a trouvé refuge en France. Puis elles ont soutenu deux autres dictateurs, Dacko et Kolingba, avant l’actuel Patassé.

Les dictateurs centrafricains ont changé, les présidents de la République française ont changé aussi, mais les troupes françaises sont restées. Pas seulement là d’ailleurs : près de 9 000 soldats français stationnent en permanence au Gabon, au Tchad, à Djibouti… Au total dans sept pays africains.

En passant, disons que, sans les interventions, leur stationnement coûte déjà un milliard de francs par an.

En deux mois, c’est la troisième fois que les troupes françaises interviennent en République Centrafricaine. Et dans les mois et les années précédents elles sont intervenues bien des fois, ainsi qu’au Rwanda, au Tchad. Leur présence a été constamment une menace pour les droits des peuples ex-coloniaux à disposer d’eux-mêmes.

La France est la seule puissance ex-coloniale à avoir maintenu en Afrique des troupes depuis la vague d’indépendance de 1960. Depuis lors, c'est-à-dire en trente et quelques années, elle est intervenue militairement une fois tous les deux ans, en moyenne. Elle est directement responsable de la crise qui vient de se produire dans les camps du Zaïre et du sud-ouest du Rwanda où elle a créé une « zone humanitaire sûre », prétendument pour les Hutus craignant des représailles après le génocide des Tutsis, mais qui a permis en fait aux anciennes milices d’y trouver refuge et d’y recruter. Lorsqu’au Zaïre des insurgés tutsis se sont approchés de ces camps, cela a jeté sur les routes les centaines de milliers de réfugiés que l’on sait et que l’armée française a, bien entendu, abandonnés à leur sort. Tout cela pour défendre les intérêts des capitalistes français dans cette partie de l’Afrique.

Rappelons aussi pour mémoire que ce pays fut colonisé il y a juste un siècle, entre 1896 et 1898, par une expédition militaire commandée par un certain lieutenant Marchand, restée dans l’histoire sous le nom de « Mission Marchand », dont les exploits se sont résumés à des massacres, des villages brûlés, des viols et des tortures.

Alors, s’il y a des bandits aujourd’hui en Centrafrique, ce sont moins les soldats mutins que les représentants de l’impérialisme français, qu’ils aient un président socialiste ou gaulliste. Ceux-ci ont, pour quelques sous de plus dans les banques françaises, soutenu les pires dictatures contre de malheureuses populations vouées à la misère et qui, quand la misère leur devient insupportable, ont droit aux blindés français. Car la France soi-disant si humaniste est plus rapide à leur expédier des balles ou des missiles que des vivres ou des médicaments.

 

Lutte Ouvrière - 17 janvier 1997

Vive la lutte des travailleurs coréens

Depuis que le Gouvernement de Corée du Sud a fait voter à la sauvette, le 26 décembre, une loi « sur les relations de travail », destinée à permettre aux patrons sud-coréens de licencier plus facilement leurs salariés et d’embaucher ouvertement des briseurs de grève, des centaines de milliers de travailleurs sont entrés en lutte dans tout le pays, ébranlant le pouvoir en place.
Depuis plus de deux semaines le mouvement ne cesse de s’élargir, en dépit des mandats d’arrêt lancés contre les dirigeants de la Confédération coréenne des syndicats, qui le dirige ; en dépit aussi des brutalités policières qui n’entament en rien la détermination et la combativité dont font preuve les travailleurs en lutte, et qui sont manifestes sur les images qui nous parviennent de là-bas.

Le mouvement devait même connaître un nouveau point fort les 14 et 15 janvier, avec une grève générale à laquelle s’est ralliée l’autre confédération syndicale du pays, pourtant pro-gouvernementale.

Comme on le voit, ces travailleurs de l’autre bout du monde luttent contre les mêmes problèmes auxquels nous sommes confrontés depuis des années : la volonté du patronat et des gouvernements à son service de mettre en place des lois qui renforcent la « flexibilité » de la main-d’œuvre, comme ils disent. C'est-à-dire qui permettent entre autres de multiplier les statuts précaires et de licencier sans contrainte, afin que les grandes entreprises des bénéfices fabuleux malgré le marasme économique.

Comme quoi, que l’on soit travailleur dans un pays industriel comme la France, dans un des rares pays du Tiers Monde qui a connu ces dernières années un certain développement économique comme la Corée du Sud, ou dans un pays économiquement encore plus sous-développé, les problèmes des travailleurs sont partout les mêmes.

Les patrons, les politiciens professionnels se retranchent derrière la « mondialisation » de l’économie, derrière la « concurrence internationale », pour essayer de nous faire accepter le recul du niveau de vie de l’ensemble de la classe ouvrière. Ils voudraient que la classe ouvrière de ce pays se sente solidaire des bourgeois français et accepte toujours plus de sacrifices au nom de cette solidarité. Mais ces mêmes industriels français n’ont que faire de la prétendue solidarité nationale et n’hésitent pas à fermer leurs usines, à licencier, à « délocaliser » quand cela leur procure plus de profit.

Eh bien nous ne devons pas tomber dans le panneau de ceux qui voudraient nous faire croire que c’est en défendant l’industrie française contre la « concurrence étrangère » que nous pourrons améliorer notre sort.

Si nous avons des alliés naturels, ce ne sont pas les patrons français, ce sont les travailleurs de tous les pays du monde qui luttent, en Corée du Sud ou ailleurs, pour résister aux attaques de leur propre bourgeoisie, car c’est la crainte d’une révolte des exploités du monde entier qui est le meilleur moyen de faire reculer la bourgeoisie internationale. On le voit bien avec l’attitude de l’OCDE (Organisation économique de coopération des pays industrialisés), qui n’est évidemment en rien favorable aux travailleurs, mais qui, au nom des industriels et des banquiers occidentaux, commence à s’émouvoir de la situation en Corée du Sud et à donner des conseils de modération au Gouvernement de ce pays.

L’unité des travailleurs de tous les pays contre leurs exploiteurs, pour transformer le monde dans un sens favorable aux travailleurs, c’était l’un des grandes idées sur lesquelles s’est construit le mouvement ouvrier à ses débuts. Depuis, les dirigeants des grands partis se réclamant de la classe ouvrière, comme ceux des grandes centrales syndicales, lui ont tourné le dos.
Mais il faudra bien renouer avec elle, si nous voulons connaître un autre sort que celui que nous réservent les capitalistes et leurs politiciens.

Et en attendant, vive la lutte des travailleurs sud-coréens, car leur lutte est aussi la nôtre.

 

Lutte Ouvrière - 24 janvier 1997

Le peuple algérien entre la terreur islamiste et la dictature militaire

L’Algérie connaît une nouvelle flambée d’attentats sanglants. Des voitures piégées ont explosé dans des rues d’Alger, mises là dans l’intention évidente de faire le plus de victimes possibles, au hasard, parmi la foule des quartiers populaires. Mais on compte aussi des dizaines de victimes dans d’autres villes, souvent égorgées par les commandos armés islamistes. Et il y a toutes celles dont on ne parle pas, car le gouvernement algérien veut éviter de faire connaître l’ampleur réelle de cette véritable guerre civile qui aurait fait plusieurs dizaines de milliers de morts depuis cinq ans.

Les groupes islamistes veulent montrer leur capacité à frapper, où ils veulent et quand ils veulent, et à s’imposer à la population par la terreur. La religion est pour eux la couverture d’une lutte sans merci pour le pouvoir. Les islamistes ne l’ont pas encore conquis mais ils veulent déjà faire sentir à toute la population d’Algérie leur capacité à instaurer une dictature. Ils veulent répondre ainsi aux proclamations du pouvoir qui, périodiquement, déclare en avoir fini avec ces groupes et avoir rétabli la sécurité.

Mais de quelle sécurité s’agit-il ?

Le pouvoir militaire cherche à se donner une légitimité par la lutte contre la terreur islamiste. Mais on ne peut oublier qu’il s’agit tout autant d’une dictature ; à la racine de la crise actuelle, il y a ce pouvoir militaire et policier régnant sans partage et qui, il y a quelques années, a répondu à coups de mitrailleuses à la révolte de la jeunesse contre une vie sans espoir. Les groupes islamistes ont saisi cette occasion de se présenter comme une alternative possible à cette situation bouchée.

Le peuple algérien est ainsi pris en otage, sommé de choisir entre deux pouvoirs qui s’affrontent les armes à la main ; les uns – les islamistes – le font au nom de la religion, les autres – les militaires – le font au nom de la modernité… et de la religion aussi. Mais au peuple algérien, les uns et les autres n’ont à promettre que la souffrance.

Car même dans un pays développé comme la France, la société capitaliste en crise ne promet à une grande partie de la jeunesse qu’un avenir fait de chômage et de précarité. C’est encore bien pire dans un pays comme l’Algérie, en proie au sous-développement économique. Car les conséquences de la colonisation continuent à se faire sentir, plus de trente ans après l’indépendance ; fondamentalement, celle-ci n’a rien changé à la situation de dépendance de l’économie algérienne, à l’égard des capitalistes français notamment.

Les grands capitalistes français, tout comme ils exploitent les travailleurs en France, continuent malgré l’indépendance à exploiter le peuple algérien et portent une grande part de responsabilité dans l’accroissement de sa misère. La dictature militaire de ce point de vue les aides, avec la collaboration des gouvernements français. Car c’est elle qui oblige la population algérienne à accepter de payer de quoi assurer les profits, non seulement des bourgeois algériens, mais aussi des capitalistes et des banquiers français.

Et si les islamistes venaient au pouvoir, seul changerait le visage de la dictature, pas son rôle.

Alors, le sort des travailleurs de France et de ceux d’Algérie est lié ; non seulement parce qu’ils ont les mêmes ennemis ; non seulement parce qu’une bonne partie de la classe ouvrière de France est faite de travailleurs d’origine algérienne qui se sentent directement touchés par le drame qui se joue là-bas ; mais parce qu’ils n’ont pas d’autre choix, les uns comme les autres, que de se battre pour transformer cette société au service du capital, en une société au service des travailleurs.

La société capitaliste n’ouvre pas d’autre avenir que cette extension du chômage, de la précarité et de la misère, qui se fait sentir sur les deux rives de la Méditerranée. Une des conséquences politiques de ce recul de la société est justement la montée de l’obscurantisme et des idées réactionnaires. L’islamisme en Algérie et le lepénisme en France ne sont de ce point de vue que deux illustrations d’un même phénomène.

Face à cela, il n’y pas le choix.

Il faut à tout prix que la classe ouvrière lutte, redonne vie à des partis révolutionnaires, se donne les moyens d’en finir avec la société capitaliste et de transformer cette société, à l’échelle mondiale, dans un sens socialiste et communiste.

Sans quoi la dégradation de la situation en Algérie – comme dans bien d’autres pays – ne serait qu’un avant-goût de ce que la société capitaliste en décomposition prépare au monde entier.

 

Lutte Ouvrière - 31 janvier 1997

Procès Papon : Même Etat et mêmes hommes de 1940 à nos jours

En annonçant que Maurice Papon allait enfin être jugé pour ses rimes contre l’humanité, 54 ans après les faits, une grande partie de la presse a titré que la France reconnaissait finalement ses responsabilités durant l’Occupation et que le procès Papon jugerait aussi l’Etat français de 1940 à 1944.

Il y a sûrement beaucoup à révéler sur tous ces gens qui occupaient des fonctions importantes dans l’Etat d’avant-guerre – juges, préfets, grands administrateurs – et qui sont restés en place de 1940 à 1944. On sait à peu près ce qu’ont fait les hommes politiques les plus connus. Mais, pour les hauts fonctionnaires de la police, des prisons, de la justice, des administrations préfectorales, des grands corps de l’Etat comme on dit, l’opacité est restée totale.

L’immense majorité d’entre eux, qui a imperturbablement condamné, emprisonné, réprimé, déporté sous Pétain, n’a eu à répondre de rien après-guerre.

Pour d’autres, il a suffi de quelques mois, voire quelques semaines, de participation symbolique à la Résistance pour se retrouver, sortant de nulle part, propres comme des sous neufs, pour reprendre les mêmes fonctions après l’Occupation.

Ce qui veut dire qu’au travers du procès Papon, c’est surtout le procès des IVe et Ve Républiques qu’il faudrait faire. Parce qu’enfin, Papon, on savait à quel poste il était ! Pourquoi n’a-ton pas alors cherché dans les archives ce qu’on y a trouvé aujourd’hui ?

Après avoir été au secrétariat du Chef du gouvernement de 1936, il fut préfet de la Gironde sous Pétain, rebaptisé commissaire de la République à la Libération. Il était responsable de l’Algérie au ministère de l’Intérieur en 1945, des Antilles en 1946, préfet de Corse en 1947, de Constantine en 1949. Il a été à la Préfecture de police de Paris en 1951, pour le Maroc de 1954 à 1955, de nouveau à l’Intérieur en 1956. Puis il s’est occupé de l’Est algérien sous De Gaulle en 1956-58, préfet de police de Paris en 58-67 au moment des massacres d’Algériens à Paris et aussi au moment du massacre de Charonne, pour se retrouver ministre du Budget en 1978-81 après avoir été administrateur de différentes sociétés nationales.

Les régimes qui se sont succédé de De Gaulle à Vincent Auriol et de René Coty à De Gaulle à nouveau, ont donc pu utiliser les services de cet homme !

En fait ils avaient besoin de tels hommes pour exercer le pouvoir. Et cela remonte justement aux années qui ont immédiatement suivi l’Occupation.

Quasiment tout le personnel de l’Etat a servi le régime de Pétain et si De Gaulle en 1944 avait voulu, sinon emprisonner, du moins ne pas utiliser tous ceux qui s’étaient compromis durant l’Occupation, il n’aurait eu personne pour exercer le pouvoir. Personne sauf… des femmes et des hommes du peuple dont ni la bourgeoisie ni De Gaulle ne voulaient.

Alors, avec l’aide des socialistes et du Parti Communiste qui avaient seuls le crédit voulu auprès des travailleurs pour faire accepter cela, on a verrouillé les archives et on a blanchi presque tous les hauts fonctionnaires de l’administration qui n’étaient pas trop publiquement compromis. Pour utiliser leurs compétences réactionnaires dans l’appareil d’Etat d’après-guerre.

Et quand il y a eu la guerre froide, que le Parti Communiste ne pouvait plus aider à cette escroquerie et qu’il était à nouveau un adversaire, on a repris même les plus compromis, en laissant tous les squelettes dans des archives inaccessibles, à côté des biens juifs spoliés dont on aurait bien plus facilement pu se préoccuper à l’époque qu’aujourd’hui.

Et si Papon est jugé, cela ne peut plus nuire à grand monde, tous les responsables de l’époque étant morts, Mitterrand, avant sa mort, s’est même payé le luxe de raconter ses relations avec Bousquet.

Malgré cela, il est certain que le procès Papon ne fera pas toute la lumière sur ce qu’ont fait, sous Pétain, tous ceux qui ont participé au pouvoir après la guerre.