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Gagner la bataille du million de signatures
Par Jean-Claude Gayssot, secrétaire du Comité national du PCF.
S’il est une aspiration grandissante, c’est bien celle des citoyens à être partie prenante des décisions qui les concernent. Des consultations des salariés organisées par les organisations syndicales comme à la SNCF, à EDF… aux refus des choix du pouvoir comme au Crédit foncier, chez Thomson… la volonté d’être acteurs de la vie sociale s’exprime de mieux en mieux.
En lançant, avec la force et la dimension nécessaires, la campagne du million de signatures d’ici l’été pour obtenir que nos concitoyens soient consultés avant le passage ou non à la monnaie unique, le Parti communiste français inscrit pleinement son action, son utilité dans cette exigence démocratique.
La pétition pour le référendum que nous mettons à la disposition de tous, quelle que soit son opinion sur la monnaie unique, n’a pas d’autre ambition que de faire sortir la démocratie des placards des discours politiciens pour la mettre en acte dans la vie réelle. Et que chacun se détermine, comme on dit, en son âme et conscience. Toutes les enquêtes d’opinion – celles réalisées dans plusieurs pays d’Europe, celle de « l’Humanité Dimanche » cette semaine – le montrent : les peuples, majoritairement, veulent être consultés. Au nom de quel interdit, au nom de quoi, le pouvoir s’arrogerait-il le droit de le refuser ?
Qui a peur de la démocratie ?
On nous rétorque parfois que la consultation a déjà eu lieu au moment du traité de Maastricht. Cet argument ne tient pas. En effet, le besoin de donner son avis avant le passage à la monnaie unique n’a fait que grandir depuis. Au point que Jacques Chirac, candidat à la présidence de la République, l’a proposé pour gagner des voix. Les Allemands envisagent une nouvelle consultation de leur Parlement qui s’est pourtant déjà prononcé sur le traité. En Angleterre, travaillistes et conservateurs proposent de recourir au référendum.
En France, les communistes ne sont pas les seuls à le réclamer. Le Mouvement des citoyens le demande aussi et un meeting commun avec Robert Hue et Jean-Pierre Chevènement se tiendra le 19 février à la Mutualité. D’autres initiatives communes dans le pays sont envisagées. La Ligue communiste révolutionnaire, l’AREV… expriment également cette exigence. Dans chaque département, depuis plusieurs mois, des dizaines de personnalités d’horizons divers le demandent. Déjà, à partir de premiers textes d’appel, plus de 100 000 signatures ont été recueillies.
Après leur congrès et en prenant en compte l’évolution de la situation elle-même, les communistes sont décidés à voir grand, bien plus grand.
L’objectif du million en quelques mois est considérable. De l’ordre de 40 000 signatures par semaine. A chaque communiste sa pétition à faire signer autour de lui. A chaque organisation – cellule, section, fédération – son objectif. Et que s’organise, dans les contacts individuels, les rencontres publiques, les collectifs d’appel pluralistes, la dynamique du million de signatures d’ici l’été, permettant d’obtenir le référendum.
C’est possible. Dans d’autres domaines, l’expérience l’a toujours prouvé, lorsque le peuple le veut vraiment, s’il s’en donne les moyens, il obtient satisfaction.
C’est possible parque que la décision est uniquement politique. Elle ne dépend que du Président de la République. C’est possible aussi parce que cette idée est en train de grandir ailleurs qu’en France. La convergence de cette exigence dans plusieurs pays conforte le rapport de force dans chacun d’eux.
Bien sûr, en même temps, les communistes donneront leur point de vue sur la construction européenne ultralibérale actuelle et la monnaie unique qu’ils combattent.
Prenant appui sur le rejet de la politique de chômage, de précarité, de déréglementation et de privatisation de la droite, les communistes, en proposant la pétition pour le référendum dans les cités, les entreprises, les campagnes, feront naturellement le lien avec la nécessité de résister aux mauvais coups, et surtout de construire une autre politique en France et en Europe.
Mais cette pétition, nous la proposons aussi à ceux qui ont voté oui à Maastricht, à ceux qui sont favorables à la monnaie unique parce que, tout simplement, il est question de liberté, de démocratie, de souveraineté.
Pierre Zarka, directeur de « l’Humanité Dimanche »
Un million de signatures pour un référendum
Rien de positif ne se construira en Europe si la souveraineté de chaque peuple, fondement de la démocratie, est sapée.
Lorsque la France a reconnu l’indépendance de l’Algérie, le général de Gaulle a considéré qu’il fallait consulter les Français. Nous avons eu, depuis, un référendum sur la Nouvelle-Calédonie. Nous en aurons – peut-être – un sur l’école. Et la France abandonnerait sa monnaie sans référendum ?
Aucun Gouvernement ne peut, à lui seul, s’autoriser à engager ainsi l’avenir d’une nation. La Constitution stipule d’ailleurs que personne n’a le droit d’aliéner la souveraineté de la France.
67 % des Français – dont certains sont par ailleurs favorables à la monnaie unique – exigent d’être consultés.
Comment expliquer que le Gouvernement, et même le Parti socialiste, s’y opposent alors que 61 % disent aujourd’hui qu’ils voteraient oui ?
L’expérience a montré que l’opacité qui tient le peuple à l’écart n’annonce jamais de bonnes décisions. Est-ce parce que 68 % des Français se disent mal informés et que le référendum sur Maastricht a montré combien une campagne électorale est porteuse d’informations ? Mais alors, quel abus de pouvoir, quel déni de démocratie que de refuser cette consultation !
Une majorité de Français la réclament. Le Parti communiste français comme d’autres forces politiques mettent à la disposition des citoyens les moyens d’organiser une campagne pour l’obtenir. Qu’ils se fassent entendre ! La possibilité de recueillir un million de signatures, d’organiser meetings, débats… met ce référendum à portée de main. C’est déjà ainsi que nous avons obtenu que les Français soient consultés sur le traité de Maastricht. Si tous ne partagent pas le même point de vue, la majorité peut se retrouver pour réclamer le respect de la démocratie. Cette exigence-là ne cesse de grandir.
De quoi l’Europe a-t-elle besoin pour s’épanouir ? De nations fortes, développées, ayant la volonté de s’associer pour affronter la crise et maintenir la paix. D’un essor plus grand de la démocratie, permettant aux peuples de maîtriser leur sort.
La monnaie unique va-t-elle dans ce sens ? Ne soyons pas plus royalistes que le roi. Ecoutons deux ardents promoteurs de cette monnaie unique. Alain Juppé précise qu’elle ne correspond en rien à un impératif technique mais à un projet politique. Hans Tietmeyer, gouverneur de la Bundesbank, explicite en affirmant que les hommes politiques sont désormais davantage sous le contrôle des marchés financiers que sous celui des opinions publiques et des débats nationaux. Il nous dit encore qu’avec leur politique d’attelage du franc au mark, les Français abandonnent une partie de leur souveraineté.
Il s’agit donc bien d’une prise de pouvoir par les marchés financiers visant à neutraliser le suffrage universel. Nous sommes, en effet, pris dans un engrenage. Les mécanismes qui mènent à l’abandon de notre indépendance monétaire nous conduisent déjà, pas à pas, à perdre la maîtrise de décisions en matière de salaires, de protection sociale, d’école, de services publics, de défense nationale, de diplomatie. Cette monnaie unique a déjà provoqué bien des dégâts.
Et comment prétendre encore parler d’Europe sociale quant Helmut Kohl sabre les principaux acquis sociaux allemands, quand la droite espagnole foule aux pieds la Constitution et les garanties sociales qu’elle énonce, quand la Grande-Bretagne privatise tout, fait de la précarité un mode de vie et quand ce libéralisme débridé produit la vache folle ?...
Comment une Europe de progrès pourrait-elle émerger de ces dispositifs conçus par des Gouvernements de droite et qui ne visent qu’à organiser la domination des puissances financières et à consacrer des politiques ultralibérales ?
Ainsi la monnaie unique ne bâtit pas l’Europe. Seule la souveraineté de chaque nation peut garantir qu’il n’existera pas de dominateurs et de dominés et assurer de cette manière une construction européenne durable. Il est bien sûr urgent que les nations rassemblent leurs capacités, créent des fonds communs pour financer les immenses besoins de développement. Mais cela implique que chacune ait la liberté de déployer toutes ses richesses et de servir ainsi d’exemple dans les domaines où elle est la meilleure.