Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, sur la professionnalisation des armées et ses conséquences sur le maintien des accords de coopération militaire entre la France et l'Afrique, Dakar le 20 août 1996.

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Circonstance : Voyage de M. Millon au Sénégal-rencontre avec les forces françaises du Cap-Vert le 20 août 1996

Texte intégral

  • Réforme des armées

C’est pour moi une grande joie d’être aujourd’hui parmi vous, soldats français stationnés au Sénégal, ce pays ami auquel des liens historiques si profonds nous attachent. Ma visite s’inscrit, vous le savez, moins de deux mois après l’adoption par le Parlement de la loi de programmation militaire 1997-2002. Elle engage, pour notre défense, une réforme sans équivalent par son ampleur et par ses ambitions : réussir la professionnalisation et le changement de format de l’armée française ; poursuivre la modernisation de l’équipement de nos forces ; restructurer notre industrie de défense ; faire jouer à la France un rôle central au sein de l’identité européenne de défense et d’une Alliance atlantique profondément rénovée. Les décisions prises pour adapter toutes les composantes de notre défense au nouveau besoin de sécurité de la France vont donc avoir des conséquences très importantes pour les hommes, les structures et les équipements de nos armées. Aujourd’hui, ma visite aux forces françaises du Cap-Vert témoigne l’importance que j’attache au prépositionnement des forces outre-mer dans le cadre d’une défense profondément renouvelée. Le rééquilibrage entre les grandes fonctions opérationnelles que sont la dissuasion, la prévention, la projection et la protection, confirme en effet le caractère indispensable de ce dispositif.

  • Prévention

Vous ne l’ignorez pas : l’évolution rapide du contexte géostratégique donne un caractère prioritaire à la fonction de prévention. Il s’agit moins, désormais, de contrer une invasion que d’éteindre, de par le monde, des foyers d’incendie susceptibles de déstabiliser l’équilibre international. Les moyens de prévention doivent d’abord servir à mettre le pays à l’abri des surprises stratégiques. Ils doivent ensuite contribuer à éviter que les situations de crise ne se développent au point de mettre en cause notre sécurité et nos intérêts.

  • Crises – Opérations militaires extérieures

Cet accent mis sur la prévention justifie notre attachement au prépositionnement des forces, qui en constitue, avec l’effort de renseignement, notamment spatial, un instrument privilégié. Sur le continent africain, la présence de forces françaises nous permet d’analyser un temps réel, de façon fine et pertinente l’évolution de crises éventuelles. Elle permet aussi, si nécessaire, de réagir immédiatement, soit en agissant directement avec les moyens disponibles sur place ou à proximité, comme cela a été fait au Rwanda ou tout récemment en République centrafricaine, soit en préparant et en facilitant l’intervention de renforts venus de métropole. Je tiens ici, à souligner à nouveau la qualité remarquable des opérations menées.

  • Projection – Protection

Cette prévention, indispensable dans un monde en proie à des crises multiples qui mettent souvent en jeu la survie des États, doit être prolongée par une capacité d’engagement militaire suffisante, correspondant aux responsabilités internationales de la France. Au temps de la guerre froide, notre appareil de défense était essentiellement conçu pour faire face à un conflit majeur à proximité de la métropole. De plus en plus, les choses qui sont susceptibles de mettre en cause notre sécurité et nos intérêts se déroulent assez loin de nos frontières. C’est pourquoi l’adaptation de nos forces à ces nouvelles exigences opérationnelles passe par la montée en puissance de nos forces de projection et de nos moyens de commandement.

  • Forces militaires prépositionnées (légère réduction)

Les forces prépositionnées, capables de réagir dans les délais les plus brefs, de s’adapter à des situations très diverses, bénéficiant enfin d’un entraînement à des conditions souvent rudes participent évidemment de cette mission. C’est donc fort légitimement que la loi de programmation militaire prévoit le maintien de ce dispositif. Certes, il sera légèrement réduit, de façon a en limiter le coût, sans mettre en cause pour autant son efficacité opérationnelle. Mais son poids relatif dans notre système de défense sera en fait accru puisque la réduction des effectifs prépositionnés sera inférieure à celle de l’ensemble des forces armées.

Vous participez donc de la même façon que les unités de métropole à une transformation essentielle pour la sécurité du pays. Je tiens ici à exprimer ma reconnaissance à une communauté militaire qui sait, en toutes circonstances, faire prévaloir le sens de l’intérêt national, la passion de servir la France. Dans un pays où l’on se complait à imaginer, je ne sais quelle société bloquée, je ne sais quelle inaptitude à s’adapter au monde qui change, vous montrez l’exemple. Je n’ignore pas les contraintes professionnelles, mais aussi personnelles et familiales que ce bouleversement entraîne.

  • Projet de loi sur les mesures d’accompagnement de la professionnalisation des armées

Naturellement, le gouvernement vous accompagnera dans la transition délicate que constitue, à tous points de vue le passage à l’armée professionnelle et la réduction du format des forces. La programmation prévoit le financement de mesures destinées à faciliter cette transition. Celles-ci feront l’objet d’un projet de loi qui sera déposé au Parlement à l’automne.

  • Coopération franco-africaine

Je ne saurais conclure sans rappeler tout le prix que la France attache à la coopération avec l’Afrique, et en particulier avec le Sénégal, ce pays si proche pat une histoire commune, des épreuves affrontées ensemble, les liens indéfectibles de l’amitié. La coopération militaire en est un élément central, et vous en êtes les artisans compétents et passionnés. Votre passage sur la terre d’Afrique restera, j’en suis sûr, pour chacun d’entre vous, un moment exceptionnel dans sa carrière. Quel que soit votre grade, vous représentez notre pays, vous êtes l’image de la France, et c’est là une responsabilité difficile et exaltante. Au nom du gouvernement et de tous nos compatriotes, je vous dis ma pleine confiance et ma profonde estime.