Interview de M. Édouard Balladur, député RPR et ancien Premier ministre, dans "Le Figaro" du 29 novembre 1996, sur la parité franc - mark, la future monnaie européenne et la nécessité de faire des réformes afin de construire l'Europe monétaire.

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Le Figaro : La véritable question est-elle celle de la parité franc-mark ?

Édouard Balladur : Non, le franc est, par rapport au mark, dans une bonne parité qui exprime la réalité économique et financière. Depuis dix ans l’évolution de l’inflation a été quasi identique de part et d’autre du Rhin. Rien ne justifie une dévaluation du franc par rapport au mark.

La véritable question et différentes : le cours de la future monnaie européenne, l’euro, par rapport au dollar sera fonction, pour une large part, du cours actuel du couple franc-mark par rapport au dollar. Or, ce cours est trop élevé car le dollar est sous-évalué. Comme je l’ai réclamé depuis plusieurs mois, il appartient donc à la France et à l’Allemagne d’entamer avec les États-Unis des discussions permettant de corriger la sous-évaluation du dollar.

Ne nous trompons pas de problème : si nous remettions en cause artificiellement la parité du franc et du mark, nous commettrions une erreur économique et politique qui menacerait la construction monétaire de l’Europe, qui est de l’intérêt de la France.

Le Figaro : L’Europe ne redevient-elle pas un alibi commode ?

Édouard Balladur : Ce qui est un alibi, c’est par timidité ou par facilité, de ne pas voir les raisons pour lesquelles l’Europe continentale et la France en particulier n’ont pas assez de croissance et pas assez d’emploi. La cause fondamentale, c’est que nous avons des coûts de production, des dépenses collectives, des prélèvements collectifs trop lourds qui entravent le progrès et paralysent l’emploi.

Ne cédons pas à une tentation française constante : chercher les solutions à nos difficultés chez les autres, au lieu de les trouver chez nous. La prospérité de la France dépend essentiellement, non pas de manipulations monétaires internes à l’Europe, mais de la capacité que nous aurons à nous réformer, à nous adapter au mouvement du monde, à réduire nos dépenses, et à réduire nos impôts. Il faut le faire sans provocation, mais sans précaution excessive. C’est ce que j’ai appelé la voie nouvelle.

Le Figaro : Craignez-vous une nouvelle montée du sentiment anti-européen ?

Édouard Balladur : Non, si tous les hommes politiques parlent aux Français le langage de la réalité. L’Europe est une chance pour la France, une chance pour la France, une chance d’être plus écoutée, plus influente, plus puissante et plus prospère, à la condition que, de façon concertée avec nos voisins, nous prenions les décisions nécessaires pour abaisser nos impôts et assouplir la politique monétaire, afin d’obtenir une réévaluation du dollar. Cela suppose, bien entendu, que l’Europe tienne compte de nos intérêts nationaux. Notre intérêt national, aujourd’hui, c’est de faire diminuer le chômage, et pour cela de faire les réformes indispensables.