Résumé
Mes chers compagnons,
En ces instants, je vous le confesse, je suis à la fois confus et heureux. Confus d’avoir quelque peu bouleversé l’agencement de cette fête, dont le discours de Roger Romani marquera le point d’orgue. Et heureux, très heureux de me retrouver, ici, avec vous.
Pour tout vous dire, d’ailleurs, je suis beaucoup plus heureux que confus. Et mon court moment de honte passé, je veux vous redire ma joie de partager avec vous ces moments forts.
Ce vingtième anniversaire du Rassemblement pour la République, plutôt que d’en réserver des fastes convenus à quelques-uns en un seul lieu, il a été décidé, fort opportunément, de le célébrer dans toute la France, la France métropolitaine et celle de l’outre-mer, comme dans nos cercles de Français de l’étranger, afin que chacun puisse y prendre sa part.
Il n’en demeure pas moins que le rassemblement de tant des nôtres ici, en Corrèze, ici, à Égletons, a une signification toute particulière. Une signification qui ne peut échapper à personne…
Cela tient sûr à la présence de Madame Chirac que je veux saluer très respectueusement. Comme je salue tous mes amis de Corrèze et du Limousin, et en particulier mon ami Bernard Murat qui a bien voulu m’inviter au nom de nos collègues parlementaires.
Cela tient aussi et surtout au fait que c’est ici que tout a commencé… C’est ici que notre Rassemblement a ses racines. C’est ici qu’ont été posés les principes qui nous ont réunis. C’est ici qu’a commencé la marche, la longue marche vers le 23 avril et le 7 mai 1995.
Sans Égletons, il n’y aurait pas eu de porte de Versailles. Et ce jour, ce grand jour de décembre que nous commémorons, il n’a été possible que parce que fut prononcé, ici, le 3 octobre 1976 ; le discours que Jacques Chirac avait décidé de vous réserver, à vous, ses compagnons des premiers jours.
Ce n’est pas un simple discours, un discours parmi d’autres. C’est mieux qu’un discours fondateur, c’est le discours fondateur.
Et y aurait-il vraiment mieux à faire, en ces instants, que de s’y référer ?
S’y référer, d’abord parce que Jacques Chirac, paradoxalement, de tous ceux qui ont participer à ces vingt ans de combats et d’espoir, est le seul aujourd’hui à ne pouvoir en parler. Vous le savez mieux que quiconque, vous, mes compagnons corréziens. Aujourd’hui, il ne vous appartient plus. Il ne nous appartient plus. Il appartient à la France et à tous les Français. Mais c’est ce que, ensemble, nous avons voulu…
Et puis, dans ce discours d’Égletons, on ne trouve pas seulement, annoncée, décrite, balisée, avec un sens de l’anticipation qui nous en impose tant aujourd’hui, la route que nous allions suivre, avec ses succès et ses échecs, ses joies et ses peines, ses désillusions et ses espérances. On y trouve des mots, on y trouve des phrases, on y trouve ouvertes des perspectives qui valent encore pour aujourd’hui, qui valent pour aujourd’hui et demain, qui valent plus que jamais…
À le lire, à le relire, on mesure la fidélité que Jacques Chirac a su montrer envers les engagements fondamentaux qu’il avait pris.
Le président de la République est le garant de nos institutions, élu du peuple français, et nul n’a le droit de contester sa légitimité, sa primauté et ses pouvoirs, si ce n’est le peuple lui-même quand il est normalement consulté. Ma position à cet égard, est claire. Je n’y reviendrai pas.
C’est dans ce cadre que j’entends aujourd’hui poursuivre ma tâche au service du pays, défendre l’indépendance nationale, affermir les institutions de la République, renforcer la liberté.
Écoutons-le encore, dans le même esprit, dire sa conception de l’indépendance :
La défense des principes de notre démocratie c’est d’abord, bien entendu, celle de l’indépendance nationale. Or, l’indépendance n’est pas un mot ; elle n’est pas une profession de foi ou le thème de discours ou de programmes électoraux. Elle s’affirme. Elle propose qu’un effort permanent soit effectué pour que notre pays soit doté d’une défense nationale, moderne, forte et efficace. Elle exige que notre action extérieure sache persévérer dans le refus des allégeances et nous maintenir hors des blocs antagonistes.
Ou encore cette vision de la démocratie et de l’État :
Contrairement à ce que pensent un grand nombre de jeunes, peut-être parce qu’ils n’en ont jamais été privés, la liberté n’est pas un merveilleux privilège que l’on a une fois pour toutes. C’est bien difficile à conquérir, une plante fragile et menacée qu’il faut perpétuellement protéger et défendre.
La liberté peut être détruite aussi bien par une trop grande en prise de l’État que par la démission de l’autorité.
Et plus encore, peut-être, rappelons-nous cette faculté de comprendre l’attente de nos compatriotes, au plus profond d’eux-mêmes :
Le devoir de l’homme politique n’est pas de rêver pour les autres, mais de les écouter, de démêler avec eux le possible du souhaitable et d’en tirer des règles pour son action.
Que veulent donc les hommes et les femmes de ce pays ? Leur attente, telle que je la perçois, est à la fois simple et très ambitieuse : un monde plus juste, une vie quotidienne qu’ils maîtrisent davantage et dont ils assument eux-mêmes plus directement la responsabilité.
Et cette définition, cette belle définition, pour qualifier la tentation permanente, pour l’État, de fuir ses responsabilités :
L’excès des revendications, la relative facilité avec laquelle celles-ci sont satisfaites, l’acharnement croissant avec lequel chacun s’en remet à l’État pour satisfaire tous ses besoins et toutes ses exigences créent un climat d’inflation psychologique non moins dangereux que l’inflation elle-même et non moins générateur d’angoisse.
Ou encore, cette conception de la solidarité, dont Jacques Chirac faisait à juste titre, déjà, l’essence même de notre pacte républicain :
Certes, la société d’hommes responsables pour laquelle nous nous rassemblons ne saurait être fondée sur l’assistance. Mais la solidarité n’est pas l’assistance. Elle permet au contraire de concilier le goût de l’initiative personnelle et la sécurité à laquelle nous aspirons légitimement.
Pour mettre en œuvre cette solidarité, il faut, bien sûr, des réformes. Et quoi qu’on en ait dit, je le crois profondément. Je rappelle que personne, dans l’histoire de notre République, n’a plus que le général de Gaulle, transformé notre société. Je continuerai, pour ma part, et à ma place, dans cette voie.
Car, mes chers compagnons, pour Jacques Chirac, la dimension sociale du gaullisme a toujours été essentielle.
N’est-ce pas lui qui affirmait, allant plus loin encore, que le grand Rassemblement que nous étions appelés à constituer devrait allier « la défense des valeurs essentielles du gaullisme aux aspirations d’un véritable travaillisme français » ?
Lui a-t-on assez reproché cette formule quand pourtant toute la suite des événements et venue en souligner la force et la pertinence ?
N’a-t-il pas également, de manière magistrale, défini ce que devait être la dimension, la portée réelle de l’esprit de réforme ? Et notamment lorsqu’il dit :
Il y a des domaines où les améliorations partielles, aussi justifiées soient-elles, ne font qu’ajouter à la confusion. Dans ce cas, la réforme ne consiste pas à amender et à améliorer, il faut procéder à une refonte complète d’un système.
C’est le cas maintenant, j’en ai acquis la conviction, de notre système fiscal, reconnaissons-le, trop complexe, insuffisant et injuste. La fiscalité de demain devra bien sûr permettre une plus juste appréciation des revenus mais elle devra être assise non seulement sur la dépense et les revenus, mais aussi sur le capital.
Enfin, cette vision de l’avenir et de la politique :
Porteurs d’espérances : c’est une grande ambition mais aussi une lourde charge que d’autres ont assumée avant nous. Comme eux, fidèles à leur exemple, nous ne nous déroberons pas !
Il serait plus agréable que la politique n’obéisse pas à des lois dures et impitoyables. Malheureusement, il n’en est pas ainsi. La politique est et a toujours été un combat. En ce moment, dans ce combat, tout est engagé, le présent, l’avenir de nos enfants, celui de la France.
C’est pour cela et non pas je ne sais quel goût de la lutte que j’appelle chacune et chacun d’entre vous à engager toutes ses forces et toute son âme dans cette bataille, et sans attendre.
Je m’adresse à tous les Français sans exclusive aucune, pour que se constitue le vaste mouvement populaire que la France a toujours su tirer de ses profondeurs lorsque le destin paraît hésiter.
C’est dire, chers compagnons, à quel point, en ce jour, nous fêtons un mouvement, un homme et des idées dont la permanence est avérée.
La création, en 1976, du Rassemblement pour la République marqua d’abord une volonté de rénovation et de clarté. Il y avait le gaullisme : une donnée constante, forte, inaltérable, qui imposait à notre mouvement de conserver ses racines populaires. Pour éviter qu’il ne devînt un parti politique classique, fonctionnant à coups d’ouvertures, d’alliances, de ralliements, de stratégies, il lui fallait vouloir et fonder sa propre renaissance. Pour préserver l’originalité de son message, pour « faire l’Europe sans défaire la France ».
Mes chers compagnons,
Les anniversaires ne sont pas faits seulement pour se souvenir. Ils sont faits aussi, ils sont faits surtout, pour tracer un chemin, pour chercher d’autres voies, pour rénover et, s’il le faut même, pour briser les structures sclérosées.
C’est là ce que nous demandait Jacques Chirac en 1976 :
Et je vais répéter à dessein ce qu’a déjà rappelé Jean-Pierre Dupont :
Ne vous y trompez pas, nous disait-il, il nous faudra aussi perdre certaines de nos habitudes, changer ns mentalités, renoncer à la facilité de nous retrouver confortablement entre nous pour parler du passé. Il sera un peu pénible, un peu déroutant d’accueillir des nouveaux venus, parfois d’anciens adversaires, mais le bien de la France est à ce prix.
Vous croyez être assez nombreux. Je vous dis : pas assez.
Vous croyez être assez généreux. Je vous dis : pas assez.
Vous croyez être assez forts. Je vous dis : pas assez.
C’est le même message, j’en suis convaincu, qu’il nous adresse encore aujourd’hui…
C’est le même appel à un nouveau rassemblement. En l’entendant, nous serons, une fois encore fidèles au gaullisme. N’est-ce pas de Gaulle lui-même, qui disait que « tout recommence toujours » ?
Alors, mes chers compagnons, prenons la résolution de faire en sorte que tout puisse toujours recommencer !