Article de M. Louis Viannet, secrétaire général de la CGT, dans "L'Humanité dimanche" du 6 février 1997, sur la personnalité et le combat du dirigeant syndical algérien Abdelhak Benhamouda.

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Circonstance : Assassinat d'Aldelhak Benhamouda à Alger le 28 janvier 1997

Média : L'Humanité Dimanche

Texte intégral

Abdelhak Benhamouda était un dirigeant syndical éminent et un grand patriote, qui avait refusé de transiger sur des principes.

C'est ce que j'ai pu vérifier depuis que nous nous connaissions, à travers son combat contre la violence quotidienne, la barbarie et l'intolérance, qui le révoltaient si profondément parce que, comme Algérien et comme homme, il était attaché à des valeurs et à une certaine vision de la société. Une société de justice et de respect de l'intégrité de chaque individu, d'où son combat contre l'intégrisme et aussi contre la corruption.

Abdelhak avait aussi un sens aigu de ses responsabilités. Bien des commentaires sont faits aujourd'hui sur les choix politiques qui étaient les siens. Ce que je veux surtout retenir, et que beaucoup d'entre nous retiendront, c'est son engagement en faveur d'un syndicalisme démocratique, indépendant, revendicatif, un syndicalisme dégagé de toute tutelle. On parle peu, finalement, de cette dimension pourtant si essentielle de sa personnalité. Je garde le souvenir de nos conversations à ce sujet.

On sait le rôle qui avait été le sien dans la rupture que le syndicalisme algérien avait opérée avec un système qui étouffait toute démarche autonome pour réduire son action à celui d'une justification de choix dictés par le pouvoir. Dans le contexte de l'Algérie et de la menace que faisait déjà planer l'intégrisme religieux, il fallait, pour faire ce choix de courage, de la lucidité et une formidable ténacité.

Je sais d'expérience que cela n'allait pas de soi et que, depuis, il avait dû continuer ce combat sans relâche. Rien n'est jamais acquis et il en avait fait souvent la cruelle expérience. Rien n'avait été ménagé pour le faire renoncer à la volonté qui était la sienne de contribuer à ce que les travailleurs de son pays puissent disposer d'un outil efficace pour la défense de leurs droits. Après le lâche attentat dont son frère avait été la victime, et qu'il avait accompagné jusqu'à Paris pour tenter de le sauver, je me souviens, pour avoir été à ses côtés en ces moments si douloureux, ce qu'était sa souffrance, mais rien n'entamait sa détermination.

Son combat pour une Algérie indépendante, républicaine, moderne et démocratique constitue, sans nul doute, un des atouts dont dispose aujourd'hui le peuple algérien pour affronter les périls mais aussi les défis et, d'une certaine façon, pour assumer son avenir.