Texte intégral
Le rapport
Les services dans l’économie
Le tertiaire a aujourd’hui un poids très important dans l’économie : 67 % de l’emploi en 1992 contre 20,7 % pour l’industrie.
Il est à prévoir que dans les pays de l’OCDE, les emplois de type tertiaire occuperont à l’avenir la grande majorité de la population active et représenteront une grande part des flux de recrutement.
Le secteur des services est en plein développement quantitatif en France : les services aux particuliers ont créé 100 000 emplois, entre 75 et 90, et les services marchands un million, entre 82 et 90.
Ces évolutions quantitatives se doublent d’évolutions qualitatives dans ce secteur très hétérogène qui regroupe des activités très diversifiées et divergentes : transports, télécommunications, banques, assurances, mais aussi, activités de proximité.
Il convient donc de clarifier et de déterminer, parmi les composantes de cet ensemble complexe, celles qui sont porteuses d’emplois.
Typologie des métiers de service
Les secteurs traditionnellement structurés
Ces secteurs, banques et assurances notamment, connaissent des mutations profondes entraînant une diminution de leurs effectifs. Les entreprises se sont engagées dans un triple processus :
- automatisation des opérations et informatisation des activités de gestion ;
- stratégie d’innovation permanente en matière de produits et de services ;
- renouvellement de leurs approches commerciales.
Tout ceci est sous-tendu par une transformation des modes d’organisation du travail et par une décentralisation des activités sur de petites unités.
Il en résulte le besoin d’un personnel plus qualifié sur la base d’une double compétence, connaissance du produit et relation au client, avec le problème de l’adaptation de la main d’œuvre.
La formation continue permet de faire évoluer les compétences en interne et de requalifier les personnels en place.
Les formations initiales existent et s’adaptent qualitativement, sur la base des référentiels métiers, dans le cadre de la rénovation entreprise par les CPC.
Une difficulté subsiste, d’ordre quantitative : ces métiers attirent les jeunes et le système éducatif produit encore des flux trop importants au regard du potentiel de recrutement externe des entreprises.
L’hôtellerie-tourisme constitue une catégorie particulière : il s’agit d’un secteur bien structuré avec une filière complète de formation initiale adaptée aux besoins, mais l’organisation du travail peu évolutive et la disponibilité exigée entraînent un turn-over considérable.
Les métiers en voie de structuration
Il s’agit d’activités sans contenu affirmée à l’origine et souffrant d’une mauvaise image : services externalisés des entreprises (logistique, nettoyage industriel, gardiennage…), grande distribution.
L’introduction des nouvelles technologies a contribué à revaloriser ces professions qui se structurent car elles répondent à une logique de marché.
Ce sont les besoins du marché qui créent les besoins de qualification professionnelle (par exemple : création d’une filière de formation très technique, dans le nettoyage industriel).
Ces secteurs en voie de structuration doivent s’appuyer sur un management intermédiaire qui possède à la fois les savoir-faire techniques et des qualités d’animateurs et de gestionnaires, d’où la nécessité de recrutement à bac + 2.
Les nouveaux métiers de services à structurer
Il s’agit des services de « proximité » destinés à répondre à des besoins non satisfaits. En effet, certaines fonctions domestiques ont vocation à « s’externaliser » de plus en plus de la sphère familiale et à susciter des créations d’emplois estimées à un niveau important.
Toutefois, les services aux personnes souffrent en France d’une image sociale dévalorisée mais le handicap le plus flagrant de ces métiers est l’absence de réelle identité professionnelle. Il n’existe pas de filière de formation initiale y préparant et la formation continue en a fait un champ privilégié du traitement social du chômage.
Stratégie de développement des nouveaux emplois
Structurer les métiers de proximité
Pour cela, l’émergence d’un marché doit être favorisée.
Le plan repère trois types de besoins : les services destinés à la vie quotidienne, les services annexes destinés à améliorer les services existants et les services aux personnes liés aux changement sociaux et culturels.
Il s’agit donc de révéler une demande latente et de susciter un marché par des mesures tendant à compléter la solvabilité partielle des ménages grâce à une contribution de l’État. La création du chèque-service est un premier pas. Il faudrait le développer en le finançant partiellement (comme les chèques-vacances), en l’étendant à d’autres partenaires et élargir la gamme des services proposés aux ménages.
Il conviendrait de construire des pôles de services, autour des collectivités locales, qui pourraient à la fois coordonner les financements dans le cadre d’un partenariat avec le département, la région et l’ANPE et favoriser le développement des structures intermédiaires qui assureraient l’organisation et la gestion des prestations d’aide aux personnes.
Le développement des métiers de proximité passe par l’organisation d’un marché qui permette l’émergence de la demande et la structuration de l’offre, dans une logique territoriale.
Promouvoir une logique de qualité
Promouvoir une culture de « services » doit aller de pair avec la revalorisation de vrais métiers qui ne peuvent plus être de « petits boulots ».
Productivité et qualité doivent s’articuler.
Les secteurs en voie de structuration ont à se déterminer, sachant que des forts gains de productivité peuvent être obtenus au détriment de la qualité des services.
La mise en place d’une filière complète de formation initiale et de diplômes susceptibles d’être obtenus aussi par la formation continue, garantit l’acquisition de qualifications dans la durée et la possibilité d’évolution professionnelle des personnels.
Production de compétences
On privilégiera l’approche transversale, tous secteurs confondus, les exigences générales étant les mêmes.
Le CEREQ distingue quatre pôles de compétences liés aux contenus d’activité :
- pôle de compétence technique ;
- pôle relationnel ;
- pôle administratif ;
- travail manuel-physique.
Les activités se situent de plus en plus à l’interface du technique et du relationnel, ce qui revient à situer la compétence technique dans un environnement plus ouvert, celui de l’entreprise, de ses clients, fournisseurs, usagers…
Au sein de la Commission, l’importance de la compétence relationnelle a été relevée : valeurs d’accueil, d’écoute, d’adaptation ; capacité à communiquer, à comprendre l’autre. La compétence technique, dans le domaine des services, pourra donc se définir comme une combinatoire d’items entremêlant savoir-faire et savoir-être.
Les réponses du système éducatif
L’Education nationale prend en compte ces nouveaux besoins : en formation continue d’abord où les GRETA ont accompli un remarquable travail novateur, notamment dans ce qui touche à l’aide à domicile ; en formation initiale ensuite comme en témoigne les référentiels de formation mis au point par les CPC.
Par exemple, un nouveau BEP « vente-action marchande » a vu le jour en 87, le référentiel insiste sur les qualités de contact, d’aptitude à conduire un dialogue, d’aptitude au transfert. Les filières nouvelles d’hygiène et environnement prennent également en compte la compétence de relation interpersonnelle et la dimension de la qualité.
Recommandations du HCEE
Le développement des métiers de services passe par une professionnalisation de ces métiers, donc par la production des compétences et des qualifications requises. Le dispositif de formation est donc au cœur des stratégies à mettre en œuvre.
Recommandations communes
Une bonne information, touchant élèves, parents, enseignants, doit être donnée sur les métiers, c’est-à-dire, sur leur positionnement économique : débouchés, carrières, salaires, organisation du travail, contraintes… Au collège, une culture économique doit être promue, qui permette à l’élève de percevoir les enjeux de son choix ultérieur d’orientation. Le projet d’établissement doit proposer des stratégies concrètes.
La commission recommande une meilleure information des enseignants sur le monde économique et sur le dispositif de formation professionnelle, notamment en intégrant dans la formation en IUFM un module « fonctionnement du monde économique » assuré par des professionnels.
L’Education nationale doit tenir compte de la technicité du comportemental et en définir les contours dans les référentiels de métiers et de formations.
Les tuteurs sont un des vecteurs du comportemental, d’où l’importance du choix et de la formation du tuteur par l’entreprise, qui doit développer des aptitudes pédagogiques chez les agents de maîtrise et les cadres.
Les conditions de validation ne correspondent pas aux conditions actuelles d’exercice des métiers. Elles valorisent encore trop les savoirs académiques, le comportemental reste difficile à évaluer. Il est nécessaire d’innover et d’instituer un dispositif d’évaluation tout au long de la formation.
Il est aussi proposé de développer une approche transversale, les métiers en voie de structuration n’étant pas tous représentés par les branches.
Recommandations spécifiques
Pour les métiers à maturité, le problème le plus complexe concerne les personnels en place. La formation continue doit travailler sur la transférabilité des compétences. Pour les métiers en voie de structuration, il paraît judicieux d’organiser une filière qui donne des compétences transférables d’une famille de services à l’autre : ex. Bac pro « commercialisation des services ».
D’une manière générale, il faut utiliser tous les dispositifs qui permettent des adaptations à des champs particuliers : formations complémentaires d’initiatives locale, mentions complémentaires. Enfin, les niveaux d’exigence au niveau V devraient être revus en fonction des métiers.
Pour les métiers de proximité, la formation se faisant uniquement en formation continue, il conviendrait d’analyser les pratiques et d’étudier ce qui serait transférable à la formation initiale.
Il est donc proposé :
- de recenser ce qui existe au niveau des GRETA afin d’affiner les descriptifs et référentiels, d’analyser les formations montées et d’utiliser les GRETA pour valider les cahiers des charges des formations aux emplois d’assistance ;
- de pratiquer la validation des acquis professionnels en situation réelle de travail.
Le domaine de l’assistance devrait aussi comporter une filière de formation initiale pour faire face aux besoins potentiels.
Enfin, il conviendrait de mobiliser un partenariat large – ANPE, collectivités locales, administrations et professionnels – pour définir les besoins, les modalités de formation et la reconnaissance des qualifications dans ces secteurs. La mise en place d’un observatoire des métiers de services permettrait de suivre l’évolution de ce secteur.
Avis de la FEN
Métiers de service
Le rapport des travaux de la commission du haut comité éducation économie sur les « métiers de services » trouvent toute leur place dans le débat social et économique actuel.
En cette période de faible croissance et de chômage caractérisé des jeunes, tout gisement d’emplois potentiels est à explorer afin de trouver les mesures d’aides nécessaires. C’est le cas du secteur des services en croissance depuis 10 ans, avec certaines branches dont la configuration des emplois est en changement et d’autres issues de l’entraide sociale qui sont en pleine recherche de structuration.
Dans le domaine des services, la croissance de l’emploi s’est accélérée entre 1982 et 1990 (+ 100 000 par an), alors que pendant cette même période, l’agriculture et l’industrie perdaient chacun 500 000 emplois ; l’expansion du tertiaire a compensé les pertes d’emplois des autres secteurs. Le tertiaire représentait 69,8 % du PIB et 66,1 % de l’emploi en 1991. Le tertiaire non marchand, secteur protégé et stable où domine l’emploi public est caractérisé par une élévation des qualifications souvent de haut niveau et par une augmentation du nombre des employeurs.
Le tertiaire marchand est en pleine mutation des qualifications. Il évolue vers la multiplication des sociétés de services spécialisées et un niveau de qualification supérieur à celui de la moyenne de l’économie.
Dans la conjoncture économique actuelle, le tertiaire continue de créer des emplois, même si le rythme s’est ralenti (+ 0,5 % en 1991 contre + 2 % en 1990).
La société attend beaucoup de ce secteur producteur d’emplois. Encore faut-il identifier les besoins, vouloir les satisfaire, construire les métiers correspondants et préparer par la formation aux qualifications nécessaires. Le rapport, en se plaçant du point de vue des jeunes qui arrivent sur le marché du travail, parvient à dessiner une typologie originale des divers secteurs de services. Cette typologie en 3 groupes, élaborée à partir de l’état de structuration, est originale, en ce qu’elle permet de rendre compte simultanément de l’évolution économique des secteurs et des qualifications professionnelles. Les besoins de qualification sont en effet très différents selon que l’on examine les secteurs structurés depuis longtemps, tels les services bancaires, les secteurs en voie de structuration tels la logistique et le nettoyage, ou les secteurs en création fortement liés aux changements sociaux et familiaux de ces deux dernières décennies.
Dans le secteur des services aux personnes et aux collectivités humaines, pour répondre aux attentes de la société, il ne suffit pas de définir les besoins de qualification, il faut rendre la demande solvable, et restaurer l’image des activités sociales classées autrefois dans le champ du bénévolat ou des « petits boulots ».
C’est là que l’étude historique des métiers de services aujourd’hui structurés peut aider à la maturation des nouveaux métiers sociaux dont le poids économique ne faisait pas l’objet jusqu’alors d’une estimation dans le PIB.
Sur les moyens à mettre en œuvre, la FEN pour y avoir réfléchi et travaillé, est en accord sur les principes énoncés. En effet, il faut résolument investir dans la revalorisation de l’image de certains métiers de services porteurs d’emplois et l’enquête demandée sera utile. Les compétences comportementales nécessaires à l’exercice des métiers de services doivent être clairement identifiées et intégrer le domaine technique comme cela existe déjà dans plusieurs référentiels professionnels de CAP, BEP, Bac professionnel ou BTS. En corollaire, il est donc nécessaire d’adapter les modalités de validation aux réalités professionnelles.
Cependant, parce que la réalité est très diverse et très complexe, il ne peut être demandé des réponses à l’éducation nationale seule. Nous devons solliciter tantôt l’éducation nationale, tantôt les entreprises par leurs branches professionnelles ou leurs fonds d’assurance formation, tantôt l’État lui-même quand il s’agit de secteurs économiques qu’il faut aider à se structurer.
En ce qui concerne les solutions proposées, elles doivent être revues en tenant compte de la réflexion qui est actuellement lancée sur le collège pour améliorer l’orientation des élèves. On ne peut, en l’état, que proposer de promouvoir une culture économique au collège et au lycée et d’y préparer les enseignants par les IUFM et les MAFPEN. L’impact sur les carrières des enseignants ne peut être aussi légèrement décidé alors que plusieurs groupes paritaires travaillent au suivi de l’accord-cadre sur la formation des personnels des services publics.
L’acquisition des compétences ne se réalise jamais suivant un schéma unique. Dans la formation aux qualifications professionnelles, on ne peut que promouvoir le partenariat entre le lycée et les milieux professionnels. Pour une meilleure synergie des deux milieux de formation, il faut préparer des tuteurs à recevoir les jeunes dans les entreprises et les services.
En matière de validation, l’éducation nationale ne manque pas de pratiques innovantes qu’il suffirait de valoriser sans en appeler aux maisons familiales rurales. Par contre, la question du réaménagement des CPC reste d’actualité.
Il est important en effet, pour tous les métiers de services de travailler sur la transférabilité, la polyvalence, la modulation des contenus de formation et des performances pour le niveau V. De ce premier niveau de qualification, il faut ensuite être capable de proposer aux jeunes une véritable filière professionnelle et promotionnelle.
Il est souhaitable que le service public d’éducation liste des formations en voie de saturation au niveau de l’emploi et transfère les compétences disponibles en son sein pour préparer les parcours de formations en relation avec les compétences nécessaires à l’exercice de métiers de services.
La proposition est lancée par le HCEE de constituer un groupe de travail interministériel et un observatoire des métiers de services. La FEN s’associe à cette demande.
Au vu de ce rapport, les « métiers de services » apparaissent bien comme un gisement potentiel de métiers en voie d’émergence. L’éducation nationale, comme le reconnaît le rapporteur, soit par les diplômes existants, soit par les recherches faites avec les GRETA, dispose d’un potentiel exceptionnel. Potentiel pour participer à la structuration des qualifications des « métiers émergents ». Potentiel pour préparer les jeunes à ces nouveaux métiers et participer à leur insertion professionnelle et sociale.
Avis des organisations socio-professionnelles
La CFDT partage les propositions du rapport concernant la valorisation de l’image de ces professions, leur nécessaire structuration par les professionnels eux-mêmes, leur professionnalisation. Elle pense que c’est en poursuivant la réflexion qu’il est possible de confirmer leur apport à la réduction du chômage.
La CGPME constate que les solutions proposées tiennent bien compte des débats et s’inspirent de réflexions des partenaires sociaux dans le cadre de leurs négociations.
Il est important que les approches pédagogiques retenues développent l’esprit d’entreprise et les capacités à faire face aux mutations. De même l’adaptabilité, les capacités à transférer doivent être développées.
Le chapitre sur la typologie des métiers et sur leur niveau de structuration par secteur convient bien à la CGT, mais elle rappelle que la qualité de l’image d’un métier dépend des conditions de travail, de son organisation et des rémunérations. Elle partage l’objectif affiché de permettre une meilleure structuration des métiers de services en rapprochant les caractéristiques des 2° et 3° catégories de la 1° : meilleures rémunérations, évolution de carrière grâce à a formation continue, créations de vraies filières de formation initiale, dans le cadre de l’éducation nationale en pratiquant une alternance sous statut scolaire.
La CGT-FO souscrit à un certain nombre de propositions mais malgré sa demande, tout un pan de ces métiers sociaux n’est pas traité. Ce sont ceux de l’aide scolaire, de l’encadrement des enfants en dehors des heures de classe pendant les vacances. Ce qui fut dit dans la charte de l’accompagnement scolaire aurait pu entrer dans ce bloc. Elle souhaite que la réflexion se poursuive et restera vigilante sur la validation des acquis.