Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Sénateur,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à remercier les initiateurs de ce colloque pour le thème d’étude qu’ils ont retenu. Les ports français font face depuis 20 ans à un enjeu majeur, celui de la compétition européenne. Ils doivent relever ce défi quotidiennement.
Je constate que vos travaux ont réuni de très nombreux acteurs portuaires : élus, responsables économiques, entreprises portuaires, administrations. Les propos exprimés aujourd’hui ne participent pas de l’autosatisfaction. Je m’en félicite. En effet l’état de notre économie portuaire ne s’y prête guère.
Vos réflexions rejoignent la volonté qui anime le Gouvernement, sous la forte impulsion du Président de la République, de redonner à notre pays une ambition pour sa filière maritime commerciale.
Le système portuaire français se caractérise par sa diversité. Ce n’est pas surprenant pour un pays continental doté d’un littoral étendu, et baigné par deux mers dont une partie du territoire est par ailleurs constituée de grandes îles en méditerranée et outre-mer.
300 millions de tonnes de marchandises et 30 millions de passagers transitent chaque année dans nos ports. 7 ports autonomes majeurs réalisent près de 80 % de l’activité marchandise et 12 % de l’activité passager. 25 ports d’intérêt national concédés, généralement gérés par des chambres de commerce et d’industrie, et 280 ports départementaux participent activement à l’économie du transport maritime et de la pêche.
Tous les ports français ne vivent pas sous la même enseigne. Les ports qui se sont mobilisés sur des trafics spécialisés, apportent la preuve qu’une pugnacité commerciale bien orienté se traduit aussitôt dans des bilans positifs. Par contre, je constate que la concurrence que nos partenaires européens font à la filière portuaire française, n’est pas rassurante. Je ne citerai qu’un chiffre. En 1984, le nombre cumulé de conteneurs en transit pas Marseille et Le Havre représentait 84 % de celui du seul port d’Anvers. En 1995, il n’en représente plus que 61 %.
Les ports ont vocation à être un outil d’échange privilégié pour notre commerce extérieur. Ils sont d’abord au service des chargeurs nationaux dont ils acheminent 50 % des besoins de transport à l’importation et à l’exportation.
Ils abritent, sur de vastes espaces, les plus grands groupes industriels. 80 % des capacités du raffinage pétrolier français sont installés dans nos ports. Les industries métallurgiques y ont leurs principales implantations. Nos ports conservent aujourd’hui plus que jamais leur vocation de site d’accueil de l’industrie lourde nationale. Quelle que soit leur dimension, ils contribuent à l’aménagement, au développement et à l’équilibre de notre territoire.
Alors même que le trafic des marchandises diverses, en particulier conteneurisées, se développe avec l’expansion du commerce mondial, l’écart qui sépare nos plus grands ports de leurs concurrents européens, qu’ils soient au Nord ou au sud, non seulement reste considérable mais tend à s’accroître.
Durant les trois dernières décennies, nos concurrents ont vu leur activité progresser plus rapidement que celle des ports français, en captant nos marchandises les plus riches. Nous assistons depuis plusieurs années à une évolution très progressive mais inexorable qui pousse la filière portuaire nationale vers un second drôle en Europe. Le Gouvernement français ne peut pas l’accepter.
En valeur, la part de notre commerce extérieur, acheminée selon le mode maritime et passant par les ports français reste insuffisante : pendant que 600 milliards de francs de marchandises de notre commerce extérieur transitent par les ports français, 250 milliards transitent par des ports européens concurrents.
Nombre de grandes entreprises nationales installent leurs centres de distribution, de logistique, de négoce à Anvers ou à Rotterdam, et non pas dans nos ports. Il en coûte plusieurs milliers d’emplois sur notre littoral. Or, nos ports maritimes doivent être au cœur de la bataille contre le chômage en attirant des emplois durables et nouveaux sur le littoral.
La poursuite de l’intensification des échanges maritimes et la croissance attendu des flux de marchandises apportent à nos ports les moyens de redresser s’ils sont en mesure de les saisir.
Ils doivent s’assurer d’une position inamovible sur les grandes lignes régulières internationales rapides, reliant l’Europe à l’Amérique, à l’Asie et à l’Afrique.
Quant aux ports d’intérêt national, le développement du cabotage maritime et de trafics d’éclatement mais surtout la spécialisation qui est le seul moyen de s’assurer d’une position dominante en matière de compétition leur ouvrent les seules perspectives capables d’accroître leur rôle d’entraînement économique régional. Les exemples de Cherbourg, port des transatlantiques et des automobiles, de Calais, premier port à passagers et premier port câblier d’Europe ou de Port-Vendres, port fruitier, sont là pour démontrer que la réussite est à portée de ceux qui savent bâtir un vrai projet commercial.
La spécialisation portuaire est un axe de développement majeur également pour les grands ports. Dunkerque n’a-t-il pas construit sa réputation sur les grands vracs secs industriels ? Mais la spécialisation ne veut pas dire, comme cela reste trop souvent le cas, une rente de situation au préjudice d’un trafic captif. En ces temps d‘ouverture des frontières, la solidarité entre la filière transports et les chargeurs s’impose. C’est dans cette perspective que j’ai demandé à la filière portuaire d’être au service de l’industrie du raffinage national.
L’objectif de reconquête portuaire passe par une double démarche. La première est d’attirer la marchandise en volume suffisant. Il faut que nos ports dépassent le seuil critique au-delà duquel les compagnies d’armement s’obligent à les desservir. La seconde est d’améliorer le niveau de compétitivité de la prestation de service portuaire. Il s’agit en l’espèce de proposer une qualité de service et des prix meilleurs et non pas seulement égaux à ceux de la concurrence installée.
Nous devons tous avoir de l’ambition pour nos ports et placer la barre « haut ». C’est le sens de la politique portuaire du Gouvernement qui a été établie par le Premier Ministre lors des deux comités interministériels d’octobre 1995 et de juillet 1996.
Cette action repose sur un ensemble de mesures réglementaires et administratives pour la plupart ou relevant d’actions pratiques ; un nombre limité d’entre elles étant à caractère législatif.
Six axes ont été retenus :
- imposer aux services de l’Etat qui contribuent au passage portuaire une démarche d’excellence ;
- renforcer le tissu économique des zones portuaires ;
- engager l’ensemble des entreprises portuaires dans une obligation de compétitivité ;
- mieux intégrer les ports dans les chaînes logistiques et de transport terrestres ;
- dynamiser et élargir les interventions économiques des ports ;
- enfin, développer l’esprit d’entreprise de la filière portuaire, dans le souci du service public.
Le Gouvernement, conscient des responsabilités de l’Etat dans la filière portuaire, est concerné au premier chef par une démarche d’excellence. Il a en conséquence décidé de mobiliser les différentes administrations dont les actions influent sur l’environnement économique portuaire. Il s’agit de faciliter le transit des marchandises et d’harmoniser les pratiques entre les différents ports de l’Union Européenne.
La modernisation des pratiques administratives et douanières est déjà bien engagée. Je souhaite aller plus vite et plus loin.
D’ores et déjà, plusieurs communautés portuaires se sont engagées dans des démarches de qualité avec les services des douanes. Six conventions ont été signées entre les douanes et les ports.
Bon nombre des propositions destinées à favoriser l’implantation dans les zones portuaires, d’activités associées au négoce et à la logistique se sont concrétisées : l’élargissement du bénéfice de l’entrepôt franc aux opérateurs privés, la création de nouvelles catégories d’entrepôts fiscaux, la simplification du statut de représentant fiscal.
Par ailleurs, j’entreprends avec le ministre de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation d’une démarche pour harmoniser les conditions des contrôles vétérinaires et phytosanitaires et réduire les délais de restitution des compensations monétaires à l’exportation.
Renforcer le tissu économique portuaire passe d’abord par la consolidation des entreprises qui font confiance depuis de nombreuses années à nos ports, ensuite par l’accueil de nouveaux entrepreneurs.
Je viens d’engager avec le ministre de l’économie et des finances et le ministre chargé de l’aménagement du territoire, une étude qui sera présentées au prochain comité interministériel de la Mer, destinée à proposer des mesures d’harmonisation des régimes fiscaux de notre filière portuaire avec ceux de la concurrence européenne.
La mise en œuvre complète de la réforme introduite par la loi du 25 juillet 1994 qui vise à conférer des droits réels aux entreprises occupant le domaine public maritime et favorise l’investissement productif dans les ports, est désormais possible.
Je suis heureux de vous annoncer que le second décret d’application de cette loi, tant attendu est en cours de publication.
L’obligation de compétitivité engage l’ensemble des entreprises travaillant dans les pots.
Tout doit être entrepris pour accélérer le retour au droit commun du travail sur les quais, mettre un terme aux situations anormales et améliorer la transparence des opérations. Outre la réanimation des comités de suivi mis en place, en 1992, au niveau de chaque port, je me propose de créer au niveau national, un « observatoire des coûts de passage portuaire ».
L’Etat favorisera, dans chaque place portuaire, le recours à l’utilisation des outils de droit commun existants et la valorisation des aides aux entreprises introduites par la « loi Robien », accompagnant les efforts en matière de réduction du temps de travail. Le recrutement de jeunes dockers implique, parallèlement, qu’une solution soit trouvée au problème de l’inaptitude physique des ouvriers de la manutention acquise en cours d’activité.
Les efforts de productivité concernent l’ensemble des professions qui concourent, de près ou de loin, au passage portuaire qui doivent à la fois réduire leurs coûts et avoir une comportement plus commercial. Je serai en conséquence vigilant à tous les efforts visant à lever les pratiques malthusiennes et à développer les concurrences loyales entre opérateurs. J’encourage à ce titre la mise en place de tarifs vertueux dans tous les ports, seuls capables de stimuler l’excellence des professions portuaires. Je souhaite que les propositions portuaires. Je souhaite que les propositions tarifaires à l’étude dans les ports du Havre et de Marseille débouchent dans les meilleurs délais et que les principes ainsi établis s’étendent aux ports d’intérêt national comme aux autres ports autonomes.
Mieux intégrer les ports dans les chaînes logistiques et de transport.
La desserte terrestre de nos ports souffre, malheureusement, d’insuffisances.
A l’inverse des pratiques en vigueur à Anvers et Rotterdam, qui s’appuient sur de puissants réseaux logistiques au cœur de l’Europe, j’observe que nos ports maritimes restent isolés, pour ne pas dire parfois en marge des grands centres de redistribution. Là encore, les partenariats actifs entre ports, transporteurs et armateurs sont à développer.
C’est pourquoi, je veille à ce que, dans les travaux en cours sur le futur schéma directeur des plates-formes multimodales, les intérêts de nos ports maritimes soient pris en compte. De la même façon, je suis attentif à ce que le futur schéma d’aménagement des ports maritimes intègre les dessertes terrestres.
J’insiste aussi pour que ce schéma prenne en compte les vocations des différents intervenants portuaires. Il s’agit, en particulier, de préciser où va l’argent du contribuable, qu’il relève du budget de l’Etat ou celui des collectivités locales, et où va l’argent privé.
L’effort du contribuable doit se concentrer sur les infrastructures de basse et sur leur entretien.
Les outillages – ce que les portuaires appellent les superstructures – doivent par contre être financés et opéré sous la responsabilité des entreprises. Là se situe la garantie de la rentabilité économique de ces investissements.
Pour dynamiser et élargir les interventions des ports, il convient de renforcer leur intégration dans l’économie nationale. Je les engage, quel que soit leur statut à s’associer à d’autres entreprises même en dehors de leur circonscription géographique, pour nouer des partenariats bénéfiques à leur développement commercial.
Les synergies entre places portuaires sont aussi à promouvoir. Elles sont préférables à des concurrences de proximité souvent stériles.
Enfin développer l’esprit d’entreprise de nos ports, dans le souci du service public implique qu’une logique d’entreprise s’imprime dans la filière portuaire.
J’invite les ports quel que soit leur statut à se comporter non pas comme des administrations mais comme des entreprises au service de leur clientèle.
Certes, les ports ne sont pas des entreprises entièrement à part. Il n’en est pas moins vrai qu’ils doivent agir en entreprises à part entière de la chaîne de transport au même titre que toutes entreprises de la filière portuaire.
A travers cet ensemble de mesures, il s’agit de redonner à nos ports, la place qui leur revient dans la vie économique de la Nation et en Europe au vingt et unième siècle.
Une politique portuaire est indispensable. Elle forme un tout. Elle est le fruit de la plus large concertation que j’ai engagée avec le concours des préfets des départements maritimes au niveau de chaque port et avec celui du Conseil national des Communautés Portuaires au niveau central. Elle ne peut s’accomplir qu’avec l’approbation de la représentation nationale et l’adhésion des partenaires économiques et sociaux. Elle exige une mobilisation de tous les acteurs. Elle est le moyen de réaliser une ambition maritime retrouvée.