Texte intégral
Le Point : Comment jugez-vous les premiers mois du ministre de l’Éducation nationale ?
François Bayrou : J’ai le sentiment d’un immense gâchis et d’un très grand risque. Nous avions réussi, par un travail en profondeur, à réconcilier les Français autour de leur école. A la fois en lui accordant la reconnaissance qu’elle mérite en la faisant évoluer sans crise. Les enseignants se voient accusés de fainéantise, d’absentéisme et de conservatisme. Si on mesurait leur image dans la société, on constaterait qu’elle a considérablement reculé en quelques mois. Beaucoup s’en amusent, parce que les gens aiment les boucs émissaires. Mais c’est mauvais pour la nation, pour l’école, et cela empêchera toute réformer.
Le Point : Avec la grève des enseignants, est-ce la méthode Allègre, qui montre ses limites ?
François Bayrou : Cette entreprise de démolition montre ses limites. Vous ne pouvez pas inviter à bouger une communauté aussi nombreuse et aussi forte si vous la désignez comme cible aux yeux des parents et des élèves. Les enseignants se sentent insultés et ont l’impression d’être dévalorisés dans leur travail. Ils ont aussi le sentiment qu’une certaine idée de savoir est sournoisement mise en cause. Tout cela est d’autant plus choquant que, dans la réalité, rien n’a changé, sauf les emplois-jeunes, financés en déshabillant Pierre pour habiller Paul. Regardez les suppressions de postes qui se préparent partout.
Le Point : Vous ne pensez pas que les enseignants sont avant tout conservateurs ?
François Bayrou : Non. Bien entendu, chacun essaie de défendre ses acquis. Et il est vrai que les enseignants ne sont pas les derniers à le faire. Mais on a tort de ne pas reconnaître les efforts qu’ils font dans métier lourd et difficile. Chaque fois qu’une évolution nécessaire est négociée avec eux, ils y consentent. En tout cas, c’est ce qui s’est passé pendant quatre ans où nous avons réformé les programmes du primaire, le collège, le lycée et fait adopter la réforme universitaire. Que reste-t-il de tout Cela ?
Le Point : Peut-on réformer l’Éducation nationale ?
François Bayrou : Mille fois oui. Nous l’avons fait pendant quatre ans, obstinément et sans aucune crise grave. Mais on ne peut le faire qu’avec les femmes et les hommes qui sont sur le terrain, par un mouvement de reconnaissance et de partenariat. Pas d’en haut, avec suffisance et mépris. Sinon, c’est l’échec assuré.