Editorial de M. Edouard Balladur, député RPR, dans "Pour la Réforme" de janvier 1997, sur la compétitivité de la France, la situation de l'emploi et le coût de la protection sociale, la volonté de réforme, intitulé "Quelle France voulons-nous ?".

Prononcé le 1er janvier 1997

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Texte intégral

Quelle France voulons-nous ?

Quelle France voulons-nous laisser à nos enfants ? Cette France de l’après-monnaie unique, voulons-nous qu’elle soit un pays sclérosé, paralysé par les règlements, écrasé par le poids des charges collectives, incapable de se mesurer aux puissances de demain ?
 
Ou voulons-nous qu’elle soit un pays rajeuni, prêt à la compétition ? Notre responsabilité est de nous tourner vers l’avenir, d’y préparer notre pays. Le monde change, les frontières s’abaissent, la compétition entre les peuples fait rage. Il n’est pas en notre pouvoir de ralentir ce mouvement, encore moins de l’arrêter. Le reste du monde ne nous attendra pas.

Chacun va répétant que la société française est rétive au changement, qu’elle est portée, plus que d’autres, à défendre le statu quo, garantie supposée de la justice et de la permanence de l’idéal républicain. Ma conviction est que le culte de cette prétendue exception française est l’expression d’un conformisme dépassé. S’accommoder de ce carcan, le renforcer même serait, à coup sûr, se laisser glisser sur la pente du déclin. Adapter la France au nouvel ordre du monde tout en préservant les valeurs de la société française : telle doit être notre tâche.

Pour y parvenir, nous ne devons craindre aucune remise en cause. Rien n’est figé pour toujours, il est légitime de poser toutes les questions. Comparé aux pays de même niveau, la France est celui où le chômage est le plus important. Comment l’expliquer ?

N’est-elle pas le pays qui a les impôts et les prélèvements les plus élevés ? La durée du travail la plus brève ? Le système social le plus généreux ? La réglementation du travail la plus pointilleuse ? Le système de formation le moins adapté ?

N’y a-t-il pas un lien de cause à effet entre notre mauvaise situation de l’emploi et les rigidités qui caractérisent notre société ? Il n’est que temps de répondre à ces questions. Ma conviction est que la cause du chômage doit être recherchée dans la lourdeur des prélèvements et des réglementations qui ont perdu leur justification. Par exemple, notre protection sociale a atteint un coût excessif. Si rien n’est pas fait, elle pèsera de plus en plus, nécessitant des ressources sans cesse accrues qui diminueront sans cesse davantage nos capacités de progrès et d’emploi. Rien n’est plus important que déterminer quels sont les acquis sociaux qu’il faut conserver et quels sont ceux sur lesquels il faut nous interroger, au cours de discussions contractuelles conduites sans préjugés. La vie s’allonge, les soins se perfectionnent, la durée de la scolarité est prolongée, le renouvellement des générations n’est pas assuré, une population active représentant une part sans cesse plus faible de la population ne pourra plus faire face au flot des dépenses collectives nouvelles. Il faut en tirer les conséquences sur le financement de nos régimes de retraite, sur celui de nos dépenses de santé, sur notre organisation médicale et hospitalière.

L’Etat-providence est devenu gigantesque et multiforme. Il faut le réformer, l’assouplir, l’alléger. La France doit changer plus vite que les autres, parce qu’ils ont commencé à le faire avant elle. Doit-elle pour autant renoncer à être elle-même ? Certes non. A elle de redevenir un exemple, d’inventer, à nouveau une société où règle à la fois plus de liberté et plus de solidarité. Pour cela, il lui faut retrouver force et dynamisme. Seules la réforme et la liberté lui en donneront le ressort et les moyens.