Texte intégral
Le Parisien : Pensiez-vous vraiment, au moment de la création du RPR en 1976, que le Rassemblement fêterait un jour ses vingt ans ?
Jean-Louis Debré : Je ne doutais pas que le mouvement gaulliste durerait. Grâce au général de Gaulle, ce courant de pensée dépasse et transcende, en effet, les époques. Il est devenu une constante de la vie politique, appartient à notre patrimoine et s'incarne, notamment, dans le refus de la fatalité…
Le Parisien : Votre définition du gaullisme ?
Jean-Louis Debré : Pour moi, le gaullisme, cela signifie un État capable de dominer les forces corporatistes et conservatrices qui minent toute société, et d'imposer l'intérêt général ainsi qu'une organisation sociale fondée sur la promotion et la participation !
Le Parisien : Les Français n'aiment pas les partis politiques…
Jean-Louis Debré : Le RPR, c'est d'abord un rassemblement de femmes et d'hommes, d'origines et de conditions les plus diverses, réunis autour d'une certaine vision de la France. Il n'est pas la représentation d'une classe sociale, d'un groupe particulier, mais l'expression de la diversité de notre société. C'est en cela qu'il n'est pas un parti traditionnel…
Le Parisien : Le gaullisme est-il une forme de nationalisme ?
Jean-Louis Debré : Le nationalisme, c'est l'exaspération du sentiment national, l'affirmation qu'une nation est supérieure à une autre. Il n'y a rien de cela dans le gaullisme. Nous sommes des patriotes et notre action est tournée vers la France. Nous n'avons en nous aucune volonté hégémonique.
Le Parisien : Les gaullistes ont-ils tous la même vision-de l'Europe ?
Jean-Louis Debré : L'Europe est une nécessité. Elle ne sera une réalité que si elle se construit dans le respect des nations qui la composent et des États qui la représentent. Les gaullistes condamnent la supranationalité et la bureaucratie européenne. S'il y a des sensibilités différentes, ils se retrouvent tous autour de cette Europe des nations.
Le Parisien : La crise que traverse la France aujourd'hui vous paraît-elle, toutes proportions gardées, semblable à celle de 1958 ?
Jean-Louis Debré : Il y a des ressemblances. En 1958, certains politiques étaient tentés par le renoncement et l'alignement sur les États-Unis. Il y a eu de Gaulle et le sursaut que l'on sait. Or nous retrouvons aujourd'hui des hommes politiques qui, repliés sur eux, ne croient plus la France capable d'un grand destin et d'une ambition nationale et internationale. Et Jacques Chirac, comme les gaullistes de 1958, propose aux Français de choisir la voie de l'effort et celle de l'ambition.
Le Parisien : Diriez-vous qu'Alain Juppé, à Matignon, aurait un air de ressemblance avec votre père, Michel Debré, qui assumait les mêmes fonctions en 1958 ?
Jean-Louis Debré : Je le crois. Alain Juppé, comme mon père a un sens aigu de l'intérêt général. Gouverner, pour eux, c'est choisir, diriger, commander. Et la politique, c'est un service public exigeant. Peu leur importe les effets médiatiques ou l'apparence ! Ce qui compte, c'est de prendre les décisions nécessaires pour les Français. Même au risque de l'impopularité.