Interview de Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement, dans "La Croix" du 10 décembre 1996, sur les inondations et leur prévention et sur l'avenir du ministère de l'environnement.

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Média : La Croix

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La Croix : D’importantes inondations ont eu lieu ce week-end dans le Sud-Ouest. Depuis quelque temps, on a l’impression que ces phénomènes se reproduisent chaque année. Y a-t-il aujourd’hui, une fatalité des inondations ?

Corinne Lepage : Je vous ferai observer que nous avons tout de même enregistré ce week-end quelques crues historiques. Par ailleurs, les inondations ne sont pas nouvelles. Il y en a toujours eu. Cela étant, c’est vrai que l’on assiste, depuis quelque temps, à une augmentation manifeste de ces problèmes de crues.

La Croix : À quoi est-ce dû, selon vous ?

Corinne Lepage : Il y a des causes naturelles et notamment des évolutions climatiques. On découvrira peut-être à terme que le réchauffement actuel dans le sud-est de la France ainsi que l’élévation de la température de la Méditerranée ne sont pas étrangers à cette augmentation des inondations.

Et puis, il y a aussi le fait que l’on a construit pendant des années en zones inondables, y compris des logements collectifs. Pourquoi ? Parce que le terrain n’était pas cher ! On en paye aujourd’hui les conséquences…

La Croix : Ces erreurs ont-elles vraiment cessé ?

Corinne Lepage : En tout cas, l’État a engagé un très gros effort pour cartographier les risques, veiller à l’attribution des permis de construire. Mais on n’empêchera pas que des inondations se produisent. Je vous rappelle que, d’après la loi, il appartient aux riverains de se protéger contre ce risque. Quant à l’État, sa responsabilité est de faire en sorte que les dommages soient les plus limités possibles. En améliorant aussi les systèmes d’alertes, en veillant à ce que des travaux soient faits pour ménager des champs d’expansion aux crues. Je peux vous assurer qu’il n’y a sur ce point aucune restriction budgétaire. Le financement du plan sur la prévention des risques majeurs, lancé en 1994, se poursuit au rythme de 10 % l’an, initialement, prévu. Ce plan n’en est qu’à mi-parcours. Il est encore trop tôt pour en mesurer tous les effets.

La Croix : Le ministère de l’environnement va fêter ses 25 ans cette semaine. Quels objectifs lui fixez-vous pour l’avenir ?

Corinne Lepage : Si l’on veut relever le défi du développement durable, on n’échappera pas à une réflexion sur ses moyen. Il faut que ce ministère devienne beaucoup plus important, qu’il récupère des compétences qu’il n’a pas aujourd’hui, par exemple dans le domaine de l’aménagement du territoire. J’ai, cette année, un budget en augmentation, j’en suis ravie, mais cela n’est pas à l’échelle. Si je regarde l’avenir, à moyen et long terme, je pense que, disons dans cinquante ans, les problèmes d’environnement seront devenus tellement prégnants que ce ministère, rebaptisé ministère du développement durable, sera devenu un peu le pendant du ministère de l’économie. Et à mon avis il devra dire son mot dans toutes les politiques publiques, pour y injecter une réflexion sur le long terme.