Interviews de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, dans "Le Parisien" et "Libération" du 11 novembre 1999, sur la décision de la France de ne pas lever l'embargo sur le boeuf britannique suite au problème de la traçabilité des carcasses de viande bovine anglaises destinées à l'exportation, Paris le 11 novembre 1999.

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Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Libération - Le Parisien - Libération

Texte intégral

LE PARISIEN: 11 novembre 1999

Q - Quels sont les points qui empêchent pour le moment la levée de l'embargo ?

M. Lebranchu : « C'est avant tout le problème de la traçabilité des carcasses destinées à l'exportation. Le gouvernement britannique a décidé de reporter la mise en place de son étiquetage à 2003. Je trouve cela dommage. Cependant, des avancées ont été obtenues concernant la mise en place des tests de dépistage de la maladie de la vache folle plus efficaces sur le cheptel britannique et sur la traçabilité des produits transformés. »

Q - Quelle va être l'attitude de la France ?

- « C'est la question de santé publique qui prime. Je pense qu'il vaut mieux prendre le temps nécessaire et ne pas s'enfermer dans une date. L'important, c'est de trouver un accord satisfaisant et qui fonctionne. C'est plus important que d'échapper à une procédure. Ce n'est pas très grave que la Commission européenne poursuive la France, même si on préférerait que ça ne se passe pas comme ça, bien sûr. »

Q - Dans l'hypothèse d'une levée d'embargo, quelle sera la procédure française ?

- « Dans la méthodologie, s'il y a accord, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments sera saisie pour rendre un nouvel avis. Après, le Gouvernement prendra sa décision.


LIBERATION: 11 novembre 1999

Q - Pourquoi refusez-vous l'embargo aujourd'hui ?

- « Déjà, David Byrne ne m'a pas parlé du 11 novembre, mais du 15. Par ailleurs, la Commission ne nous a pas demandé une levée immédiate de l'embargo mais un calendrier. La semaine dernière, nous avons arrêté, sous l'autorité de Lionel Jospin, un certain nombre de points sur lesquels nous souhaitons avoir des assurances des Britanniques : la fréquence et la transparence des contrôles, la mise en oeuvre des tests de dépistage de l'encéphalopathie spongiforme bovine, la traçabilité du bétail et l'étiquetage géographique des viandes. Pour l'instant, nous avons des assurances sur deux points : les contrôles et les tests. Nous ne nous laisserons pas enfermer dans une date. Si nous n'obtenons pas de garanties suffisantes sur les exportations de boeuf britannique, nous sommes prêts à prendre le risque d'être traduits en justice par la Commission européenne. Mais nous sommes optimistes. »

Q - Quelles assurances avez-vous obtenues sur les tests et les contrôles ?

- « Aujourd'hui, nous avons décidé, nous Français, de faire comme les Suisses des tests par sondages, régulièrement et de façon systématique, sur toutes les chaînes d'abattage, pour avoir une meilleure vision de l'évolution de l'épidémie. Et nous avons demandé aux Britanniques de faire de même. Les résultats de ces tests seraient ensuite transmis à l'Europe, donc à tous les pays membres. A priori, les Britanniques n'y semblent pas hostiles. »

Q - Quelles assurances vous manquent sur la traçabilité et l'étiquetage ?

- « La traçabilité des produits dérivés ne pose pas de problèmes puisque les Britanniques ne sont pas autorisés à les exporter. Concernant la traçabilité et l'étiquetage des animaux, je ne comprends pas les difficultés qu'ils déclarent rencontrer. D'un côté, ils nous disent que tout est mis sur informatique, de l'autre qu'il leur est techniquement très difficile de tracer avec précision l'origine des animaux, car ils naissent dans une ferme A, sont engraissés dans une ferme B, etc. Je pense que dans l'intérêt britannique, il faut qu'au moment où on lève l'embargo, on s'engage sur l'étiquetage. Le repousser à 2003, comme l'envisage la Commission ne me paraît pas une bonne chose. »

Q - Mais les consommateurs, voyant l'étiquette « viande anglaise », ne risquent-ils pas de la boycotter ?

- « S'il n'y a pas d'étiquetage, les consommateurs, se replieront sur les labels. Ils consommeront la viande du terroir qu'ils connaissent. De mon point de vue, l'étiquetage prouve au contraire au consommateur que la traçabilité est réelle, que le parcours de l'animal a été suivi, de l'éleveur au commerçant. En étiquetant mon produit, je vous donne la preuve qu'il est tracé, donc qu'il est bon. »

Q - Lorsqu'un animal est malade, on abat tout le troupeau en France. Or, vous avez demandé à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) son avis sur la nécessité de cette pratique…

- C'est le choix exigeant qu'a fait la France avec d'autres pays en Europe. Nous avons interrogé l'AFSSA sur ce sujet, mais aussi sur les tests, les contrôles et ce qu'on doit faire exactement. Mais tant qu'on n'aura pas la preuve que cette mesure est inutile, on continuera. Peut-être qu'à force de regarder de très près chaque cas, d'interroger des experts, d'exercer un contrôle permanent, on finira par savoir comment la maladie se transmet. A ce moment là, la question sera posée.