Texte intégral
« Mesdames, Messieurs, chers amis, chers camarades,
Je suis vraiment heureux que la gauche plurielle d’Ile-de-France ait pensé à m’inviter à cette réunion publique. (…) Après avoir entendu successivement Jean-Paul Huchon, Dominique Strauss-Kahn, Georges Sarre, Jean-Michel Baylet, Dominique Voynet et Robert Hue, fort de leur expérience, intégrant la diversité de leurs talents oratoires dans le temps qui m’est imparti (…), j’essaierai de vous dire trois choses. La première c’est mon soutien dans cette campagne. La deuxième, c’est mon sentiment sur les enjeux de cette élection. La troisième, c’est quelques mois sur le mouvement du changement, engagé actuellement dans ce pays, grâce à la majorité que vous avez portée aux responsabilités.
Je suis à vos côtés
Quel est mon rôle ? Quel est celui du Gouvernement dans votre campagne ? J’essaie, tout simplement, dans cette campagne, d’être à ma place, c'est-à-dire à vos côtés mais pas à votre place. A vos côtés, parce que je suis socialiste. A vos côtés, parce que je me suis toujours reconnu dans la gauche, et que mon Gouvernement est l’expression vivante de la gauche d’aujourd’hui. A vos côtés, parce que je suis pleinement engagé dans le combat politique qui est le vôtre dans ces élections régionales. Mais pas à votre place, parce que je pense souhaitable entre les rôles respectifs du Gouvernement et des partis de la majorité. (…)
Ma présence ici, ce soir, à vos côtés, témoigne de mon engagement et du soutien du Gouvernement, mais vous êtes fondamentalement – et c’est pour moi essentiel en démocratie – les maîtres et les acteurs de cette campagne. (…)
Une majorité plurielle et unie
Cette majorité plurielle que nous avons patiemment constituée dans ce pays, depuis plusieurs années, dans l’opposition d’abord, sous le scepticisme des observateurs ensuite, puis maintenant au Gouvernement, cette majorité plurielle est un atout pour nous dans la campagne des régionales, ici comme ailleurs. (…)
Sur cette tribune, comme dans cette salle, il y a des communistes, il y a des radicaux, il y a des représentants des Verts, il y a des représentants du Mouvement des citoyens. Il y a des socialistes, chacun apporte sa force, sa tradition, sa capacité de mobilisation – et cette addition des énergies et des courants différents est un atout dans la bataille. (…)
La force de la majorité plurielle, c’est qu’elle incarne quelque chose de plus que la simple addition de chacune de ses composantes. (…)
Face à un certain scepticisme politique, beaucoup de nos concitoyens et de nos concitoyennes, hommes et femmes de gauche, ou simplement républicains, ne sont pas en mesure aujourd’hui de s’identifier à une seule force, qu’elle soit socialiste, qu’elle soit écologiste ou qu’elle soit communiste. Mais ces citoyens se trouvent justement à l’aise au sein de cette majorité plurielle qui, parce qu’elle se réfère à différentes sensibilités, à différentes histoires, peut cumuler des qualités et réduire des défauts ou des inconvénients. C’est pourquoi je pense que c’est pour nous un atout essentiel dans cette campagne régionale, notamment en Ile-de-France. A une seule condition, qui est réunie ici pour l’élection, mais que nous devrons savoir préserver au-delà de celle-ci ; que cette majorité plurielle soit aussi une majorité unie. Si elle se divisait, elle perdrait son crédit auprès des Français. (…)
Une équipe pour la Région
Dominique Strauss-Kahn m’a fait l’amitié de prendre l’engagement de rester à mes côtés dans le Gouvernement pour assumer la fonction extrêmement importante qui est la sienne : gérer de façon sérieuse, maîtrisée mais pas orthodoxe, de façon responsable mais avec un esprit d’innovation, avec le sens de la maîtrise du réel – mais une maîtrise de gauche du réel, non pas une maîtrise de gauche du réel, non pas une maîtrise de droite du réel. Dominique Strauss-Kahn a préféré rester au Gouvernement pour continuer à assumer sa mission et travailler avec nous, au-delà de cette élection régionale.
Jean-Paul Huchon peut faire un remarquable président de la région Ile-de-France ; avec une majorité cohérente, il peut assumer cette responsabilité à laquelle il s’adonnerait entièrement, à cette étape de son engagement politique, de sa vie professionnelle, de sa vie tout court. Il à l’expérience de l’Etat, il connaît la réalité des entreprises, il est constamment resté un militant et un citoyen. Il a une conception rigoureuse de la vie publique qui permettra de remettre de l’ordre, de la salubrité, dans les finances et dans les modes de fonctionnement de la région Ile-de-France – qui en a tant besoin. Nous pouvons lui faire confiance. (…)
Cette campagne, son déroulement et – je pense – son succès vous appartiendront pleinement. Elle est entre vos mains, c'est-à-dire entre de bonnes mains, dans les mains de cette majorité plurielle, à la fois diverse et unie. Des mains rajeunies, celle de Jean-Luc Laurent, de Jean-François Bernard ; des mains féminisées heureusement, et compétentes, je pense à Marie-Pierre de la Gontrie, à Marie-Georges Buffet, à Michelle Saban, à Catherine Lalumière ; des mains d’élus expérimentés et compétents aussi, celles de Julien Drey, de Claude Bartolone, de M. Germain, de Yves Bodin, ou de Laurent Cathala. Si le Gouvernement peut dans la campagne que vous conduisez vous apporter quelque chose, c’est peut-être l’espoir qui accompagne son action depuis neuf mois, c’est peut-être l’intérêt, la confiance des Français qui renaît, c’est peut-être l’intérêt, la confiance des Français qui renaît, c’est peut-être la façon dont il est ressenti dans l’opinion – c’est qu’il ne vous soit pas défavorable. Que nos candidats et nos candidates ne craignent pas de s’adosser à lui pour essayer de convaincre les concitoyens et les concitoyennes.
Un enjeu de taille
Je pense que ces élections ont un enjeu local et en même temps une importance nationale. La région est désormais un acteur institutionnel, certes jeune, mais appelé à grandir et qui tient dans ses mains et ses compétences une part de l’avenir de notre pays. Comment ignorer, en même temps, que ces élections vont représenter le moment d’une mesure de l’opinion que les Français portent respectivement sur l’opposition et sur la majorité dans le pays ? (…) Si vous gagnez, en particulier ces élections en Ile-de-France, cela sera un formidable point d’appui pour le Gouvernement, ce sera un signe positif qu’enverront les Françaises et les Français à l’intention de l’équipe que je dirige. (…)
Comment apprécier, le 15 mars prochain au soir, les résultats des uns et des autres ? D’habitude, je ne m’intéresse pas tellement à ces discussions parce que je pense qu’il n’y a pas grand intérêt à commenter à l’avance des résultats qui ne sont pas obtenus.
Si je me permets néanmoins, en contradiction avec moi-même, d’en dire un mot, c’est qu’un observateur attentif de notre vie politique, un homme très intelligent – je dirais presque trop intelligent -, M. Giscard d’Estaing, a proposé à l’avance un instrument de mesure du résultat des élections régionales dont la simplicité dissimule mal la perversité. « Comptons, a-t-il dit, le nombre de régions conquises par la gauche ou gardées par la droite : le camp qui en détiendra 11 ou 22 l’aura emporté. Ainsi, nous gagnerions deux régions, quatre régions, six régions, ou – pure hypothèse, évidemment ! – huit régions et, dans le même temps, la droite perdrait deux régions, quatre régions, six régions, ou – pure hypothèse ! – huit régions, c’est néanmoins la droite l’aurait emporté. C’est quand même une curieuse façon de faire un commentaire politique, fût-ce avant l’élection !
En réalité, nous savons en plus que toutes les régions n’ont pas le même poids démographique, ni le même poids économique, ni la même importance symbolique. (…) Charles Pasqua, pour une fois, a formulé une opinion pertinente en disant que la perte de la région Ile-de-France serait un tremblement de terre. Quelque chose dans l’air, et même sur le sol ce soir, me fait penser que la terre pourrait bien trembler en Ile-de-France ! Disons qu’il suffirait qu’elle bouge parce qu’il faut que ça bouge en Ile-de-France ! (…)
Des régions-relais
Les régions sont des partenaires importants et de plus en plus importants pour l’action du Gouvernement. Je n’en prendrai qu’un exemple, mais il est de taille : les emplois-jeunes. Ils sont certes financés à 80 % par l’Etat, mais le reste incombe aux collectivités locales ou aux associations employeuses. Les régions peuvent jouer un rôle important dans la mise en œuvre du plan pour l’emploi des jeunes. Réciproquement, la politique conduite nationalement, a, et peut avoir davantage encore, si un relais de qualité est pris dans les régions, des répercussions directes sur les régions. Elles en conditionnent le bon développement. Quand le Gouvernement lutte contre l’insécurité avec Jean-Pierre Chevènement, mais aussi avec Claude Allègre et Ségolène Royal lorsqu’ils vont en Seine-Saint-Denis, sur le terrain, pour proposer des plans pour faire reculer l’insécurité dans les établissements scolaires, quand le Gouvernement lutte contre la pollution, comme nous le faisons autour de Dominique Voynet, quand le Gouvernement fait de l’emploi sa priorité et que tous les ministres y contribuent, particulièrement Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn, quand le Gouvernement essaie de rééquilibrer les modes de transport avec Jean-Claude Gayssot, quand il est à l’écoute de la jeunesse ou du mouvement associatif et sportif avec Marie-Georges Buffet, tout cela retentit immédiatement au niveau régional, et particulièrement ici à Paris et dans la région Ile-de-France.
Poursuivre, amplifier et approfondir le changement
La croissance revient ; avec elle, la confiance. Mais je pourrais dire que la confiance revient ; avec elle, la croissance ; avec elles, l’emploi. De cela, aujourd’hui, tout le monde se félicite. Parfois, certains ont l’air de penser que le retour de la croissance allait de soi. Cela n’est pas le cas. Ce résultat n’allait pas de soi. Il est pour partie – je dirais même pour une bonne partie – le fruit de l’action que nous avons conduite depuis neuf mois. La droite essaie de dire que l’amélioration indiscutable d’un certain nombre d’indices importants serait due à l’action qu’elle aurait conduite antérieurement et dont elle ne serait plus là pour cueillir les fruits. Mais comment peuvent-ils faire croire aux Français qu’il faudrait leur attribuer ce mérite alors qu’une partie essentielle de la droite, celle qui a gagné en 1995, s’est coalisée pour dire aux Français que la politique de M. Balladur entre 1993 et 1995 était un échec noir ? Comment peuvent-ils convaincre les Français que les résultats actuels seraient les fruits de leur politique, alors qu’en 1997, au moment des élections législatives, ils se désolaient tous d’Alain Juppé, rendaient sa politique et son style responsables du manque de confiance et du scepticisme des Français, au point d’en décider la dissolution de l’Assemblée nationale ? (…)
Au lieu de favoriser la croissance en favorisant l’investissement et la consommation, le Gouvernement précédent a matraqué fortement les ménages français en optant une ponction fiscale sans précédent peut-être. Rarement les impôts n’avaient augmenté autant qu’entre 1995 et 1997 : hausse de la TVA, hausse de la fiscalité locale, création du RDS, hausse de la CSG.
Tout pour la croissance
Nous, nous avons su tenir compte de la réalité de l’économie française. L’inflation était faible, le commerce extérieur en redressement, les taux d’intérêt à des niveaux bas, les entreprises en situation financière solide, notamment les plus grandes, mais la croissance était convalescente et le chômage restait trop important, figé dans la durée. Alors, nous avons mis en œuvre une politique économique et sociale qui ne partait ni de présupposés idéologiques, ni de choix sociaux en faveur des privilégiés, mais qui partait de la lecture réelle de la vie économique e notre pays. Nous avons mis en œuvre une politique de soutien et d’accompagnement de la croissance et d’abord de soutien de la consommation : transfert de la cotisation d’assurance-maladie vers une CSG élargie à tous les revenus financiers, ce qui a donné 1 % de plus de pouvoir d’achat aux salariés et aux retraités ; hausse du SMIC de 4 % au 1er juillet 1997, ce qui a redonné du pouvoir d’achat aux salariés modestes ; accord avec les syndicats de la fonction publique pour que l’Etat employeur montre qu’il joue une politique de progression maîtrisée des salaires ; quadruplement de l’allocation de rentrée scolaire ; et surtout, pas de nouvelles hausses d’impôts ou de cotisations sociales. L’effort indispensable pour redresser les finances publiques en 1997 a été demandé à ceux qui en étaient capables et qui profiteraient le plus de la création de l’euro, c'est-à-dire aux grosses entreprises de plus de 50 salariés.
Nous n’avons pas pour autant oubliés les entreprises : nous avons favorisé la reprise de l’investissement en nous engageant résolument dans la voie de la modernité, de la société de l’information, en travaillant à moderniser notre économie, en simplifiant les formalités administratives et fiscales pour les petites et moyennes entreprises qui sont, dans notre pays, les plus créatrices d’emplois.
Nous nous sommes efforcés par un travail sérieux, nous saisissant des dossiers, ne les lâchant pas tant que nous ne les avions pas menés au bout, de rétablir un climat de stabilité, de confiance et de croissance dans notre pays.
Faire mûrir les fruits de la croissance
Du coup, un débat a été lancé sur la répartition des fruits de la croissance. (…) J’ai abordé ce thème avec prudence parce que nous ne sommes qu’au début d’une certaine reprise de la croissance économique. Nous ne pouvons pas considérer qu’il faudrait répartir des fruits qui sont encore à faire mûrir. Ces fruits, nous allons effectivement les faire pousser, les faire mûrir, et nous les distribuerons. (…)
Nous les consacrerons à la lutte contre l’exclusion comme le prévoit la loi dont Martine Aubry a présenté les premiers éléments au Conseil des ministres cette semaine. Nous les réserverons aux créations d’emplois, au pouvoir d’achat, à la réduction de l’endettement public, de façon à ce qu’ils profitent à tous les Français, mais en tenant compte de l’inégalité des revenus, des fortunes et des patrimoines. Je crois mes chers amis, que nous avons jeté certains fondations du changement : la justice sociale, le redressement financier, le redémarrage de l’économie, peut-être en tout cas, je l’espère une certaine confiance politique revenue. Pour parvenir à ces premières avancées, à ces premiers pas, il aura fallut d’abord changer de majorité, changer de gouvernement et changer de politique.
Nous avons eu le courage de rompre avec une forme d’orthodoxie économique qui s’était installée et qui conduisait les élites au renoncement. Nous avons la volonté de surmonter le scepticisme de nombreux observateurs pour lesquels toutes les politiques menées sont identiques – ce que je ne crois pas le moins du monde. Nous avons la capacité de combattre les résistances parfois acharnées de quelques-uns, dans certains milieux économiques, plus tentés par l’idéologie que par la responsabilité économique. (…)
Préparer l’avenir
Notre ambition, c’est de nous tourner vers l’avenir, non de mener des combats d’arrière-garde. C’est de faire entrer l’économie de notre pays dans le XXIe siècle, mais sans le faire revenir à des relations sociales dignes du XIXe siècle. C’est de construire une économie et une société modernes, c'est-à-dire à la fois performantes et solidaires, efficaces mais justes. Nous allons essayer de projeter la France dans le XXIe siècle, en faisant reculer le chômage grâce aux emplois-jeunes, aux 35 heures, à une croissance soutenue, en modernisant et en approfondissant notre vie politique et notre démocratie, notamment par le projet de loi sur le cumul des mandats que nous allons présenter au pays, par une transparence accrue dans le fonctionnement de l’Etat comme le montrent les premiers textes que nous présentons sur le secret-défense ou encore sur les écoutes téléphoniques, en poursuivant l’infléchissement de la construction européenne vers plus d’emplois, vers plus de croissance, vers plus de démocratie, en affirmant enfin la présence de la France dans le monde, comme nous l’avons fait en déployant notre diplomatie dans la récente crise irakienne.
Restons mobilisés
(…) L’Ile-de-France joue un rôle considérable autour de la capitale et au cœur de notre pays. C’est pourquoi, le 15 mars, si vous l’emportiez, votre victoire aurait un grand retentissement, des conséquences considérables et positives. Je me réjouis de la possibilité que nous aurions alors, gouvernement et responsables de la région, de travailler ensemble pour servir les intérêts des Français et des Franciliens.
Il y a une condition pour que cela se produise. Cette condition est dans les mains du peuple, dans les mains de nos concitoyens et concitoyennes. Ces mains, elles ne sont pas fermées. Ces mains, elles ne sont pas hostiles. Ces mains, je le crois franchement, elles sont ouvertes. Elles sont tendues vers nous. Il faut donc aller vers ces mains et les saisir. Il faut qu’ensemble, nous nouions cette volonté de faire passer la démocratie, de faire passer la morale, de faire passer la rigueur, de faire passer l’efficacité économique et sociale dans la région Ile-de-France comme à Paris ! Si nous le faisons, - vous, parce que vous vous serez mobilisés ; eux, les citoyens et les citoyennes de gauche, mais plus au large que la gauche, parce que je crois que nous sommes capables d’entraîner au-delà d’elle – si nous nous mobilisons et si nos concitoyens veulent ce changement, alors en quelques jours, vous pouvez passez du conditionnel au futur, de façon à ce que le 15 mars, vous ayez donné l’Ile-de-France à la gauche, à la majorité plurielle, et que surtout vous ayez pu donner aux Franciliens et aux Franciliennes une région à leur disposition, transparente, efficace, démocratique et prête à les servir ! »