Texte intégral
Q - Le salon de l'éducation se tient à Paris, Porte de Versailles. C'est le premier salon de ce type. Aujourd'hui, c'est la journée des infirmières scolaires. On les a vues manifester il n'y a pas très longtemps. C'est vrai qu'elles ont des tâches de plus en plus importantes et de plus en plus difficiles dans les établissements scolaires.
- « J'ai décidé de réunir pendant une journée plus de 200 infirmières scolaires, parce que je crois que la santé scolaire est une des conditions de l'égalité des chances. Un enfant qui est en mauvaise santé ne peut pas bien apprendre à l'école. Et puis aussi, je suis inquiète de voir la montée d'un certain nombre de problèmes comme les consommations des drogues, de l'alcool. Les problèmes de montée de la maltraitance et des violences sexuelles - parfois entre élèves d'ailleurs. La question de la montée des tentatives de suicide. Il faut savoir qu'en France 900 jeunes se suicident et plusieurs milliers d'entre eux font des tentatives de suicide. Donc, je crois que si l'école participe à la résolution de ce type de problème, de santé, de mal-être, elle pourra mieux se concentrer sur sa mission fondamentale qu'est la transmission des connaissances. »
Q - Mais toutes ces compétences là ne relèvent pas uniquement des infirmières. Il faut qu'il y ait un suivi qui aille au-delà de l'infirmerie que l'on connaissait avant. Il faut que l'infirmière dans son rôle soit un peu plus présente.
« Bien sûr. Ce qui compte aussi c'est le travail en équipe : entre médecins scolaires, assistantes sociales, psychologues scolaires, les infirmières, les conseillers principaux d'éducation, les enseignants qui ont le premier regard sur l'élève qui va mal. Mais je crois que les infirmières scolaires, par leur proximité, par le souci qu'ont les jeunes des trouver quelqu'un avec qui dialoguer, et que cela ne soit pas la même personne qui donne les notes, jouent un rôle de premier plan par rapport à la santé des jeunes. Donc, j'entends renforcer leur rôle. Depuis trois ans, j'ai créé plus de 400 emplois d'infirmières. Aujourd'hui, je veux renforcer leur formation et leur dire très clairement ce que j'attends d'elle dans les établissements scolaires. »
Q - On s'est aperçu qu'il y avait parfois un problème d'accueil de certains enfants souffrant d'allergies alimentaires lourdes ou d'enfants qui doivent se faire des injections ou suivre des traitements médicaux. Ce n'est pas toujours facile.
« En effet, je viens de prendre une instruction très importante et j'espère que les familles qui m'entendent le sauront, parce qu'elles ne sont pas encore bien informées. Un enfant sur dix souffre d'allergie ou de troubles chroniques. Jusqu'à présent, ils étaient refusés des cantines scolaires ou souvent même refusés des classes. Donc, j'ai pris cette instruction très importante : l'école a l'obligation d'accueillir ces enfants et des protocoles individuels sont mis en place. J'ai réglé les problèmes de sécurité, de prise de responsabilité. Désormais, par exemple pour les allergies, tous les enfants - je le dis aux parents - ont le droit de venir dans les cantines et les restaurants scolaires avec leur panier-repas. On ne peut plus les refuser. »
Q - Aujourd'hui, notre confrère Le Monde sort une enquête sur la violence dans les collèges. On voit que cela s'arrange à peu près en France, mais que cela se dégrade à Paris et dans la banlieue parisienne. Vous n'êtes pas très surprise par les résultats de cette enquête, j'imagine.
« C'est très inégal sur le territoire. Ce qui est encourageant, c'est qu'il y a des collèges qui devraient connaître des situations de violence et qui ne les connaissent pas. Autrement dit, il y a des façons de faire, il y a des moyens pour maîtriser la violence, que l'on connaît, qui sont en train d'être généralisés. Alors, bien évidemment, il reste des endroits où les équipes de direction des collèges perdent tout moyen, perdent pied d'une certaine façon et l'on est là pour les y aider. Où y-a-t-il de la violence ? D'abord dans les très gros collèges, là où il y a plus de 1 000 élèves, surtout dans les collèges qui ont été construits pour 800 élèves. Là aussi, j'ai pris la décision de diviser les gros collèges. Il y a 18 chantiers qui sont en cours. Car, au-dessus de 700 élèves, je crois qu'un chef d'établissement ne peut pas connaître individuellement les élèves. Et la maîtrise de la violence se fait d'abord par le dialogue , le rappel à l'ordre individuel d'un élève. Il y a aussi un guide de prévention de la violence puisque je m'étais rendue compte que les chefs d'établissement ne connaissaient pas la loi pénale, qu'ils étaient démunis par rapport à cette violence, ne savaient pas quand est-ce qu'il fallait signaler au procureur, ne pas signaler, quelles étaient les méthodes éducatives. Donc, maintenant, il y a un dispositif sur l'ensemble du territoire qui dit clairement par rapport à tel ou tel fait – agression verbale, dégradation de matériel, coups et blessures jusqu'à l'introduction d'armes dans les établissements, heureusement très rare. C'est la petite violence quotidienne, notamment l'agressivité verbale, la dégradation matérielle, qui minent parfois l'ambiance dans les établissements scolaires. »
Q - Ne faut-il pas aller au-delà quand, dans un collège, l'équipe de direction est un peu dépassée ? N'y aurait-il pas une procédure d'urgence à mettre en place pour aller tout de suite donner un coup de main et éviter que ne s'installe un climat comme celui que vous avez décrit. Le guide dont vous avez parlé n'est pas parfois insuffisant ?
« C'est déjà quelque chose d'essentiel. Quand je me suis rendue compte qu'un chef d'établissement ne savait pas quelle était la sanction pénale pour tel fait, c'est déjà important. Mais, la mesure d'urgence c'est quoi ? C'est le Contrat local de sécurité avec les forces de police et de justice local. Désormais, dans tous les établissements scolaires doit siéger un conseil d'éducation à la santé et à la citoyenneté auquel participent les policiers ou les gendarmes de proximité et la justice de proximité. Je crois que c'est aussi une intervention directe. Et puis, c'est enfin la création – là aussi c'est une mesure nouvelle très importante – de 250 classes-relais où l'on met les élèves les plus en difficulté. C'est-à-dire que l'on soulage la classe des élèves les plus difficiles pour les recadrer en particulier avec des enseignants du premier degré que l'on remet dans les collèges et qui peuvent bien les encadrer, et avec la protection judiciaire de la jeunesse, c'est-à-dire des personnels du ministère de la Justice qui remettent les élèves en équipe sur de bons chemins. »
Q - C'est en cohérence avec les 12 mesures que vous aviez déjà préconisées pour le suivi d'une classe à l'autre et qu'il n'y ait pas de rupture entre toutes ces classes ?
« Oui, c'est le principe de la mise sous tutorat des élèves qui ont du mal à trouver leurs marques, qui ont des problèmes de comportement. Et puis pour tous les élèves, c'est le renforcement de l'éducation civique. Et cela dès l'école maternelle, parce que figurez-vous que je vois aussi des problèmes d'agressivité dès l'école maternelle. Donc, je pense qu'à la maternelle, au primaire, il faut prendre les bonnes habitudes – renforcer l'éducation au comportement – et puis au collège, bien évidemment, à partir de la sixième, bien cadrer les choses par rapport aux règles de vie dans la maison-collège. »