Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, en réponse à une question sur les sanctions prises contre les auteurs de manquements à la dignité humaine dans deux sections d'instruction de l'école militaire de l'armée de l'air de Saint-Cyr Coëtquidan, au Sénat le 11 décembre 1997, publiée dans "Propos sur la défense" de décembre 1997.

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Média : Propos sur la défense

Texte intégral

Réponse du ministre de la défense à une question orale de madame Joëlle Dusseau, sénateur de la Gironde

Question : En octobre dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’air a publiquement dénoncé l’attitude inacceptable d’officiers chargés de l’instruction des engagés militaires techniciens de l’air, qui sont, cette année, au nombre de 1 400, parmi lesquels de nombreux jeunes issus de milieux défavorisés, souvent d’origine immigrée. Leur arrivée a déclenché des mouvements d’officiers et de sous-officiers, qui les ont traités de « voyous » de « bons à rien ». Le sigle MTA, qui signifie « militaire technicien de l’air », a été traduit dans les bases aériennes par « Marocain, Tunisien, Algérien ». Ces propos racistes, scandaleux en tant que tels, sont inadmissibles dans une armée qui prétend jouer un rôle intégrateur et qui est au service de la République.

Un second exemple vient de défrayer la chronique, qui a été porté à la connaissance du public par un journal satirique paraissant le mercredi. Il concerne les brutalités commises par les officiers de Saint-Cyr sur des élèves au cours de l’instruction militaire : cinq heures de creusement de trous de combat, de vingt heures à une heure du matin, pour toute une section parce qu’un élève-officier avait des rangers sales ; refus des permissions à temps de convalescence ; jeunes invités à se gifler mutuellement quand ils ont tendance à s’endormir pendant les cours – effectivement, cela réveille ! – insultes diverses, coups de lattes pour rectifier une position entraînant des fêlures de côtes. Aucune plainte, bien sûr, n’a été déposée.

De tels faits, monsieur le ministre, ne sont pas des exceptions. On sait qu’ils se déroulent dans de nombreuses casernes. Quelles décisions pensez-vous prendre pour empêcher de telles pratiques et, plus largement, pour que l’armée de la République cesse d’être ce qu’elle est trop souvent : une zone de non-droit ?

Réponse : Je vous remercie, madame le sénateur, de soulever ce point d’actualité, même si je suis en désaccord avec certaines de vos affirmations, notamment lorsqu’elles tendent, de façon d’ailleurs incertaine, à la généralisation.

En ce qui concerne l’emploi de termes portant atteinte à la dignité humaine lors du recrutement de jeunes militaires techniciens de l’air, c’est le chef d’état-major lui-même, informé par les chefs d’unité responsables, qui a porté à la connaissance du public, avec mon plein accord, les comportements discutables, et ceux-ci ont été sanctionnés. En ce qui concerne les faits touchant la dignité humaine dans deux sections d’instruction de l’école militaire de Coëtquidan, c’est également par la voie normale que le ministère a été informé et c’est avec mon accord que le chef d’état-major de l’armée de terre a prononcé sans délai les sanctions qui se justifiaient.

Il est en effet du rôle du Parlement de la République de s’informer et de porter à la connaissance du public d’éventuels manquements aux règles démocratiques ou au respect de la dignité humaine dans nos armées. Il est, en revanche, important que chacun, ici, ait bien conscience qu’il s’agit, madame, de cas isolés, de cas exceptionnels, et que l’ensemble des responsables de nos unités, derrière leur état-major, respectent scrupuleusement la déontologie et croient sincèrement que leur armée est celle de la République.