Article de M. Pascal Coste, président du CNJA, dans "Jeunes Agriculteurs" du 3 septembre 1999, sur les engagements de Terre Attitude, notamment sur l'agriculture du futur et les liens entre la production agricole et les consommateurs.

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Média : Jeunes Agriculteurs

Texte intégral

Mettons-nous, un instant, à la place de quelqu'un qui ne connaît pas le monde agricole. C'est une personne qui habite éventuellement ce qu'on appelle « la campagne » mais qui y vit sans contacts avec les paysans ; personne, dans sa famille, ne travaille ni ne vit des produits de la terre, ou bien c'est un parent éloigné qu'elle ne connaît pas. Elle apprend, par voie de presse, ceci ou cela sur les agriculteurs de son pays ou de sa région ; depuis quelques années, il s'agit le plus souvent d'une information plus ou moins alarmante qui ravive ses préoccupations les plus profondes, celles qui relèvent de la qualité de son environnement ou, pire, de son alimentation.

Par ailleurs, si elle a quelques notions d'économie ou, mieux, de politique agricole, le cas contraire est nettement plus probable. Enfin, cette personne est nécessairement plus ou moins attachée à ce qu'on appelle « le patrimoine ». Mais quant à savoir le rôle que jouent les paysans dans son entretien et sa préservation, elle n'en a aucune idée.

Arrêtons-nous sur ce portrait succinct et posons-nous la question : combien de monde concerne-t-il ? La réponse est, pour nous, paysans, passablement inquiétante : non seulement il concerne énormément de monde, mais il concerne de plus en plus de monde.

C'est pourquoi il est temps. A l'aube du troisième millénaire, il est grand temps de rétablir un contact vital pour la société tout entière : le contact entre le monde paysan et les citadins, les consommateurs, les autres acteurs de la société. Un lien qu'il ne s'agit même pas seulement de rétablir, mais de renouveler.

Renouveler sur de nouvelles bases : les attentes, les exigences que manifestent de plus en plus expressément les consommateurs. Car il s'agit d'une demande qui, à y regarder de près, renouvelle la place et le rôle que l'agriculture se doit de tenir dans la société.

Revenons à notre individu-type qui ne connaît pas ce secteur : qu'en attend-il ?

En matière d'alimentation, il veut tout d'abord être rassuré. Pour lui, l'idée même de prendre le moindre risque avec sa santé en se nourrissant est proprement impensable. Il exige une qualité qui ne se décline même pas seulement en termes d'innocuité des aliments : il veut disposer de repères, pouvoir choisir et, pour cela, se voir offrir des produits aux caractéristiques gustatives et pratiques constantes. En matière d'environnement, il est tout aussi intransigeant. Il est pour lui exclu d'envisager que ses enfants ne profitent pas de la même qualité d'air, de la même qualité d'eau que lui ; il ne supporte pas de penser que des enjeux de court terme, financiers ou autres, puissent prévaloir sur l'entretien et le renouvellement nécessaire des ressources naturelles.

Quant à l'environnement qui est le sien, celui de sa région, il n'admettrait pas plus de le voir se dégrader sous ses yeux. Il ne sait pas nécessairement comment, mais il lui semble évident qu'il faille le protéger et le respecter.

En matière d'économie, quelles que soient ses convictions, il tient à ce que les conditions d'une création de richesses soient réunies afin de ne pas devoir assister, impuissant, à la dégradation du tissu socio-économique qui constitue son cadre de vie.

Enfin, il est précisément attaché à ce que ce cadre de vie a de durable, de spécifique, de typique, de riche : il est préoccupé par l'entretien de quelque chose qu'il ne nommerait peut-être spontanément ainsi, mais qui n'est rien d'autre que le patrimoine collectif de son lieu de vie.

Terre Attitude est né de notre volonté de lui dire, à lui et à tous ceux qui se posent les mêmes questions que lui : l'agriculture peut répondre à ces attentes. Parce que nous aimons notre métier, parce que nous en sommes fiers, parce que nous avons les mêmes préoccupations portant sur la qualité de vie de chacun, nous avons créé cet évènement pour le montrer. C'est un évènement inédit. Une telle mobilisation pour exposer toutes les composantes d'un métier est sans précédent. Mais ce n'est pas seulement cela : c'est l'expression d'un engagement qui trouve là un ancrage destiné à le faire vivre. Notre engagement au service d'une qualité de vie préservée et améliorée, au service d'un véritable projet de société.

Seuls, nous ne pourrions pas le tenir. C'est pourquoi nous avons associé à notre démarche des partenaires représentant tous les maillons de la filière agroalimentaire : la coopération agricole, les services dont notre profession s'est dotée, l'amont agricole avec nos fournisseurs, l'aval avec la transformation et la distribution. Ensemble, nous nous engageons à faire de la satisfaction de ces exigences de la société un objectif qui transcende ce qui peut nous diviser.

Que le grand public soit juge : nous en appelons à lui. Notre ambition est de susciter son adhésion. Il y va de l'avenir de nos métiers respectifs et de la possibilité même de répondre à ses attentes.