Interview de M. Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche, à RMC le 17 février 1998, sur les élections régionales de mars 1998, notamment un sondage paru dans "Le Monde" sur l'éventuelle victoire de la gauche et sur la politique gouvernementale.

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P. Lapousterle : Que pensez-vous du sondage qui est paru, ce matin, dans Le Monde et qui contrairement aux indications antérieures donne une gauche largement en tête, qui confirme son score des législatives et la droite trois points derrière son score ?

J.-M. Baylet : C'est un espoir. Les choses sont mieux prévues ainsi qu'à l'inverse. Vous savez, moi, je prends les sondages avec beaucoup de recul et même de précaution. Non seulement parce que j'ai encore présent à l'esprit les souvenirs du mois de juin dernier : la droite était partout donnée gagnante et la gauche l'a emporté. Mais encore, de manière plus générale, je me méfie : l'opinion publique est velléitaire, les changements sont nombreux dans les derniers jours. Il est donc préférable d'attendre le test en grandeur nature.

P. Lapousterle : Il y a quelque chose qui doit être plus inquiétant : deux Français sur cinq ne se disent pas intéressés.

J.-M. Baylet : Les élections régionales ne mobilisent pas beaucoup surtout quand elles sont quelques mois après les élections législatives. Je crois qu'il y a aussi le mode de scrutin : un scrutin départemental pour élire un Conseil régional. Les radicaux de gauche ont demandé depuis longtemps que nous passions à la circonscription régionale ce qui permettrait aux citoyens de mieux identifier les enjeux, les compétences de la collectivité et puis peut-être aussi de mieux connaître leurs élus qui sont quand même souvent peu présents sur le terrain.

P. Lapousterle : Vous pensez que ces élections ont une signification nationale ou bien qu'il faudra leur conserver un jugement local ?

J.-M. Baylet : Je sais par expérience que le camp qui l'emporte essaye toujours d'en tirer un profit national et le présente comme une victoire, un revirement d'opinion publique et une défaite de l'autre camp. Ce que je considère, c'est qu'à partir du moment où il y a l'acte de vote, les électeurs font passer un message. Et on doit donc en tenir compte. Cela étant dit, ce sont des élections locales pour une collectivité territoriale avec de très forts correctifs départementaux et régionaux liés à la personnalité des candidats.

P. Lapousterle : Vous pensez que la majorité plurielle gagnera beaucoup de régions ?

J.-M. Baylet : Je pense qu'elle devrait en gagner d'abord parce que nous partons de très bas.

P. Lapousterle : Deux sur 22.

J.-M. Baylet : Cela n'est pas représentatif de la réalité de l'opinion publique aujourd'hui. Ensuite, parce que je constate que les élections régionales, par le hasard du calendrier, se sont toujours déroulées dans une période de basses eaux pour la gauche : 1986, le jour même où nous perdions les législatives ; 1992, douze mois à peine avant la dure défaite de 1993. Cette année, les choses sont différentes, les conditions de la victoire, en tout cas du progrès, ont été créées. La gauche a su se rassembler dans des listes plurielles avec l'ensemble des formations qui gouvernent aujourd'hui la France. Nous devrions donc connaître le succès. Quelle sera son ampleur ? Il appartient aux électeurs de le dire dans un scrutin qui est en plus compliqué : proportionnel, au plus fort reste et qui donne lieu à des calculs très délicats et il y a quelques sièges qui se jouent à quelques poignées de voix.

P. Lapousterle : Le Midi-Pyrénées, une région que vous connaissez bien, doit basculer ?

J.-M. Baley : Le Midi-Pyrénées fait partie des régions qui peuvent basculer. J'espère que M. Malvy en sera le Président, d'abord parce que lors des deux consultations précédentes, nous avons échoué de très peu et ensuite parce qu'il y a quand même dans cette région une opinion publique qui se retrouve davantage dans la majorité actuelle que dans la droite. Mais rien n'est gagné et il faut travailler, il faut rassembler, il faut convaincre. Il faut proposer et il faut aussi démontrer les raisons pour lesquelles nous souhaitons le changement. C'est à cela que nous allons commencer à nous employer, que nous allons surtout nous employer dans les semaines qui viennent. Maintenant que les listes sont déposées.

P. Lapousterle : Je m'adresse au président du Parti radical de gauche : au moment des investitures vous vous êtes plaint à l'époque d'un certain hégémonisme du PS qui vous laissait une place que vous jugiez un peu faible. Est-ce que les choses dans la majorité plurielle de manière générale marchent bien ou bien les petits n'ont pas droit à la parole ?

J.-M. Baylet : Les choses marchent bien dans la majorité plurielle. Concernant les investitures pour les régionales, qui curieusement sont données au niveau national après une négociation entre les directions des cinq formations politiques de la majorité alors qu'il s'agit d'élections plutôt locales, nous avions - et c'est à ce moment-là que j'avais fait cette déclaration - quelques tensions qui sont fréquentes.

P. Lapousterle : Vous avez même claqué la porte à un moment.

J.-M. Baylet : Oh, claquer la porte, ce n'est pas dans mon habitude. Mais j'ai fait savoir que les choses ne pouvaient pas se passer comme cela. Et j'ai eu raison puisque, finalement, nous avons obtenu satisfaction. Je me souviens avoir déclaré à la sortie de la réunion où nous avions, avec R. Hue, F. Hollande, les responsables des Verts et du Mouvement des citoyens, signé un accord, que c'était un bon accord parce qu'il ne satisfaisait réellement personne mais tout le monde l'avait signé. Ce qui prouve quand même que nous le prenions tous à notre compte. Il est équilibré. Des déceptions ici, des satisfactions là : ce qui compte maintenant, c'est de gagner le maximum de régions.

P. Lapousterle : Huit mois de gouvernement Jospin : vous êtes satisfait des orientations prises et du rythme, ou bien vous aimeriez que, sur tel ou tel point, cela change ou que cela aille plus vite ?

J.-M. Baylet : Les Français sont globalement satisfaits : les études d'opinion le prouvent. L. Jospin gouverne bien et son équipe aussi, et sa majorité est soudée autour de lui dans le respect de nos différences, bien entendu. Si la gauche est plurielle, c'est que nous ne sommes pas les mêmes. Si nous ne sommes pas les mêmes, c'est que nous portons chacun une histoire, un message qui nous emmène parfois à faire connaître des divergences. Mais nous nous enrichissons de ces divergences. Quant au rythme : moi, je suis très satisfait d'avoir un Premier ministre qui ne veut pas trop rapidement pousser les feux. La précipitation est mauvaise conseillère en politique. Nos différences sont sur la loi concernant le non-cumul des mandats : nous ne sommes pas pour une interdiction drastique et nous considérons que deux mandats sont un bon équilibre, dans un pays, la France, qui n'est pas un pays fédéral et où les mandats locaux sont des mandats de proximité. On décide hélas encore trop à Paris. Nos différences sont aussi sur la réforme de la justice : nous sommes hostiles à une indépendance du parquet.

P. Lapousterle : Vous voterez contre à l’Assemblée nationale ?

J.-M. Baylet : Dans la situation actuelle, nous voterons contre. Mais L. Jospin a été très clair : il a fait connaître son opinion, ses propositions ; puis le Parlement discute, amende et décide. En tout état de cause, je vous ferai remarquer que la plupart des textes importants sont passés avec moins de dix voix de majorité. Nous avons un groupe à l'Assemblée nationale, dont 13 députés purement radicaux de gauche. Notre avis doit être pris en compte.

P. Lapousterle : Deux mots sur l'attitude du patronat qui demande à ses fédérations de rompre les conventions collectives : est-ce que les 35 heures sont menacées ?

J.-M. Baylet : C'est le président des patrons M. Seillière. Je vois que certains patrons, y compris membres du CNPF, ont déjà mis en place les 35 heures ou en sont partisans. La proposition de L. Jospin de dire : entreprise par entreprise, il faudra discuter et vous aurez pour cela plus de deux ans, est une bonne proposition et au-delà des rodomontades et des grandes déclarations, je pense que nous irons dans cette direction parce qu'elle est celle de l'intérêt de l'emploi et elle est celle d'une orientation naturelle vers une meilleure qualité de vie.