Texte intégral
Mesdames et messieurs,
J’ai souhaité saisir l’occasion de l’inauguration du Salon des vacances en France pour vous présenter les grands axes prioritaires de la politique du tourisme pour l’année 1997. Je ne pouvais en effet choisir meilleur cadre que ce salon spécialement dédié à la promotion de la destination France qui est naturellement le souci premier de tout ministre chargé du tourisme.
La conférence de presse que je tiens aujourd’hui a pour objet de définir les priorités et de donner un coup de projecteur sur l’enjeu considérable que constitue le développement touristique de notre pays et je souhaite m’en expliquer devant vous.
Vous vous souvenez peut-être que devant le Conseil national du tourisme le 17 juin 1996, j’ai souhaité poser les nouvelles bases de la politique touristique en faisant un constat particulier.
Ce constat, je le rappelle brièvement, tenait en quelques points. Tout d’abord, notre pays demeure la première destination mondiale, un pays dont les atouts ne sont pas contestables et un pays dont la croissance en matière touristique semble avoir atteint un palier. Je disais que je ne saurais me satisfaire de cette situation car je crois au contraire que nous avons devant nous – et je vais le démontrer aujourd’hui – de fortes marges de progression.
Le deuxième constat que je faisais c’était celui selon lequel l’économie touristique n’avait pas bénéficié dans notre pays d’une attention soutenue, d’abord parce que beaucoup de responsables ont cru que le tourisme était une matière peu noble ou qui n’avait pas besoin d’une politique. Peut-être aussi parce que le succès du tourisme français et l’importance des excédents touristiques qu’il a générés ont fait qu’on a vu surtout dans la politique du tourisme seulement une politique de promotion à destination de l’étranger.
Peut-être dans le même temps – et c’était le troisième élément de ce constat – avait-on un peu oublié ce qui était à l’origine de ces excédents et de cette richesse, c’est-à-dire l’offre touristique elle-même. Tout dépend d’abord de l’ensemble des investissements publics et privés, l’ensemble des efforts d’imagination, de commercialisation qui font que notre pays est attractif. La politique du tourisme ce n’est pas seulement une politique de promotion de la destination France, ce n’est pas seulement une politique de l’accueil, ce n’est pas seulement un discours sur les excédents, c’est avant tout et cela doit être avant tout – et c’est ce que j’ai exposé le 17 juin dernier – une politique systématique de mise en valeur de la richesse touristique de la France et de son offre. Une valorisation qui repose d’abord sur les Français qui sont à la fois les premiers consommateurs de cette offre, puisqu’ils sont aussi les premiers artisans de cette création de richesses, puisque l’économie touristique est probablement celle qui associe à sa fabrication le plus de Français, dans des métiers très divers qui concourent à l’accueil et à l’attractivité du pays.
La politique que j’ai exposée en juin dernier comporte de nombreux volets. Dans cette même logique de développement de l’économie touristique et de la création d’emplois, il faut également s’attacher au développement de la demande. C’est le sens, et je n’en parlerai pas aujourd’hui, de la réflexion que j’ai engagée sur la généralisation du chèque-vacances, autour d’un projet de loi actuellement à l’étude, et qui a reçu l’accord de l’ensemble des centrales syndicales et patronales, notamment réunies au sein du conseil d’administration de l’agence nationale du chèque-vacances.
Je crois effectivement que développer la consommation touristique est une des voies les plus évidentes de création d’emplois dans notre pays.
Une étude faite récemment par l’Observatoire français de conjoncture économique, à notre demande, démontre que sans dépenses supplémentaires, un simple déplacement de la consommation des ménages, de seulement 10 MdsF, sur une consommation totale de 4 500 MdsF, de l’industrie vers les services touristiques aboutirait dans un délai de 5 ans à une création de 25 000 emplois, à une réduction du déficit de 3,4 MdsF et à une augmentation de la croissance de 0,1 point. C’est dire, comme le mesurent les modèles macro-économiques, à quel point les services de tourisme sont riches en emplois, structurants pour l’aménagement du territoire, porteurs de croissance et c’est la raison pour laquelle la politique de tourisme mérite une grande ambition et une approche économique.
C’est donc aujourd’hui, spécialement à l’intérieur de l’ensemble de cette politique du tourisme, de la politique de l’offre, que je souhaite vous entretenir.
Le secteur du tourisme représente dans notre pays une importance considérable en richesses et en emplois. Vous trouverez dans le dossier qui vous est remis les principaux éléments sur ce point. Mais l’économie ce n’est pas seulement de la comptabilité, c’est la création de richesses, ce sont des produits, des producteurs, des consommateurs. Ce sont un ensemble de conditions réglementaires, fiscales et d’organisation qui aboutissent à la création de filières touristiques, de filières de consommation.
Si nous avons des excédents aéronautiques, si Airbus réussit si bien, c’est parce qu’il y a eu depuis toujours dans notre pays une politique réfléchie pour concevoir des avions qui répondent à la demande, analyser les segments du marché, fabriquer au meilleur coût les produits les plus performants.
Si les départements et territoires d’outre-mer ont pu bénéficier d’une richesse nouvelle, grâce au tourisme, c’est parce que des dispositions ont été prises pour la libéralisation du transport aérien et pour favoriser l’investissement.
La marine marchande, le secteur de transport ferroviaire méritent chacun que l’on fasse des efforts pour les organiser, les structurer, les moderniser et assurer leur développement et leur contribution à l’économie du pays.
Il doit en être de même pour le tourisme. Le tourisme, vous le savez mieux que personne, mais cela n’est peut-être pas suffisamment perceptible aux yeux de tous, ce sont des produits, des clientèles, des segments de marché, des problèmes spécifiques de transport, de distribution.
Suite aux bases que j’ai lancées en juin dernier, un travail important a été accompli pour redéfinir l’ensemble de la politique touristique par la direction du tourisme et par l’agence française d’ingénierie touristique, pour structurer l’offre, pour définir des priorités, pour identifier des filières.
Vous trouverez dans les documents qui vous sont remis un guide de l’opérateur touristique, document de grande qualité, qui vient d’être élaboré par l’agence française d’ingénierie touristique, qui décrit précisément un certain nombre de filières touristiques, de filières de produits, qu’il s’agisse du tourisme équestre, du ski, du tourisme fluvial, de la thalassothérapie, qui sont autant de « lignes de produits » comme on dirait dans d’autres secteurs et qui montrent ce qu’est effectivement la réalité du fonctionnement de l’économie touristique.
J’ai donc décidé au début de l’année 1997, à la suite de ce travail important qui a été accompli dans la ligne des orientations que j’ai fixées en juin 1996, de retenir quelques priorités et de les orienter autour d’axes précis.
Premier axe, développer la compétitivité des filières de produits. Nous avons retenu une petite dizaine de filières où nous pouvons faire de grands progrès.
Deuxième axe, adapter les produits aux évolutions des marchés et en particulier à la demande de courts-séjours, à la demande des seniors et à celles des familles avec de jeunes enfants.
Troisième axe, organiser la commercialisation de l’offre française.
Quatrième axe, fidéliser la clientèle.
Cinquième axe, « réamorcer la pompe » du financement de l’économie touristique.
Vous le voyez, mesdames et messieurs, la politique du tourisme renoue avec un travail concret sur l’offre. Nous avons choisi un certain nombre de priorités en nombre très limité. Je voudrais vous en expliquer la raison, car vous vous interrogez peut-être sur le choix de ces priorités.
Je voudrais tout d’abord dire que le choix de priorités a en soi un mérite, celui d’obliger à choisir, à identifier des critères, à se demander pourquoi l’on intervient, pour quoi faire, dans que but, pour créer quelles richesses. Le choix des priorités a un effet stimulant et je ne doute pas que telle ou telle filière extrêmement utile à l’économie du tourisme ne s’étonne dans les prochains jours de ne pas figurer parmi les priorités retenues par le ministère. Ce choix a été fait en fonction d’un critère relativement simple : vous le savez, tout n’est pas nouveau, des travaux ont été accomplis depuis bien longtemps par la direction du tourisme, par l’agence française de l’ingénierie touristique, sur un très grand nombre de segments de l’offre française. Si bien que l’État dispose d’informations essentielles sur l’économie et la structuration de ces secteurs.
Mais parmi ceux-ci, parce qu’il faut être pragmatique, il en est un certain nombre sur lesquels il existe une sorte de consensus sur un sentiment d’évidence selon lesquels ces secteurs ont des possibilités de développement considérables. Nous savons qu’il existe une demande très forte pour le tourisme fluvial, pour le tourisme dans les villes d’eau, nous savons qu’ailleurs à l’étranger ou en France dans le cadre de certaines expériences, les choses marchent très bien, mais nous constatons que ces secteurs n’ont pas atteint le plein développement auquel ils peuvent légitimement aspirer.
Il s’agit donc, pour obtenir l’effet le plus grand, d’adapter l’offre, de la structurer, en fonction de cette demande que l’on sait réelle. Il s’agit aussi de choisir les secteurs en fonction de la capacité des pouvoirs publics à agir de manière plus décisive.
La deuxième remarque que je voudrais faire est que – et c’est peut-être un changement par rapport à l’expression précédente des politiques du tourisme – je n’ai pas souhaité définir des priorités pour le littoral, des priorités pour la montagne, des priorités pour le tourisme rural, des priorités pour le tourisme urbain.
Précisément parce qu’il s’agit d’une démarche économique que je veux imprimer une démarche de valorisation, de richesse, de création d’emplois ; une démarche d’avenir pour notre pays. J’ai souhaité que mon exposé soit tourné autour des filières des produits du consommateur et non pas autour d’une logique territoriale qui, à certains égards, peut être parfois un peu trop administrative.
Naturellement, il est clair que lorsque l’on parle des villes d’eau, on est souvent dans la moyenne montagne et quand on parle de la filière nautique, on est sur le littoral et quand on parle de la pêche en eaux douces, il s’agit bien du tourisme rural, de l’espace rural.
Vous vous demandez peut-être maintenant quelle est l’application concrète de ce champ de priorités, comment cela va se traduire dans l’action du gouvernement, comment cela va se traduire sur le terrain, de quels moyens l’État dispose, quelle est la légitimité de son intervention.
Tout d’abord, l’État et les collectivités publiques, précisément parce que le tourisme est une économie, ont un rôle central à y jouer, parce que la richesse touristique est en grande partie une richesse publique. L’attractivité du pays dépend d’abord de ses infrastructures de transport, de ses aéroports, de ses autoroutes, de ses équipements qui sont une commodité essentielle pour le tourisme. L’attractivité d’un pays dépend aussi de la palette de ce qu’il offre : des paysages préservés et c’est une responsabilité de l’État et des collectivités locales ; des parcs naturels régionaux, des musées, des châteaux entretenus et adaptés au goût du public et ce sont encore des investissements publics ; des hébergements résidentiels et ce sont souvent des problèmes d’urbanisme et de financement public ; d’événements et de festivals enfin qui animent les villes, qui attirent les étrangers. Autant dire, mesdames et messieurs, que c’est précisément parce que l’économie du tourisme, celle que les professionnels privés animent, dépend largement d’investissements publics judicieux et adaptés à leurs besoins que l’État a un rôle à jouer.
Il est donc nécessaire de faire apparaître avec évidence et clairement les nécessités de l’économie touristique, de la structuration des filières, pour que chaque collectivité locale, chaque société d’économie mixte, chaque préfet, sache clairement, parmi l’ensemble des investissements qu’ils décident, l’ensemble des projets qui leur sont présentés, lesquels présentent une pertinence pour le développement d’une richesse et lesquels n’en présentent pas.
En effet, à la question sur les moyens concrets de mise en œuvre de ces priorités, je voudrais rappeler, même s’ils ne sont pas détaillés dans le dossier qui vous est remis, que les moyens existent, d’abord les moyens budgétaires au niveau central. Les moyens de la direction du tourisme sont extrêmement limités, mais j’ai souhaité cette année que dans le budget 1997 l’ensemble des crédits soient regroupés sur une ligne unique « interventions stratégiques », précisément pour mettre fin à un saupoudrage et faire que l’ensemble des crédits de la direction du tourisme soit utilisé d’abord en fonction des priorités définies aujourd’hui.
En second lieu, s’agissant des crédits déconcentrés, il faut que vous sachiez que les préfets de région, en liaison avec les délégués régionaux au tourisme, ont la capacité d’orienter des sommes considérables qui proviennent à la fois des fonds européens, des contrats de plan État-régions et de divers fonds interministériels déconcentrés.
Ces fonds financent aujourd’hui un très grand nombre d’opérations à caractère directement ou indirectement touristique, puisque comme je l’ai dit, un grand nombre d’équipements publics sont fortement structurants pour le tourisme.
L’intérêt des priorités qui sont aujourd’hui affirmées, c’est précisément de donner aux délégués régionaux au tourisme, aux préfets de régions, les moyens d’orienter les investissements vers les filières économiques porteuses, vers la création de richesses, plutôt que souvent vers des équipements publics que certains élus peuvent parfois désirer, mais dont l’intérêt économique n’est pas forcément en rapport avec la dépense.
Enfin, la richesse n’est pas seulement affaire de crédits, elle est affaire d’imagination, de sens commercial, d’information sur les marchés, de transmission d’expérience. Le travail accompli à cet égard par l’agence française d’ingénierie touristique est particulièrement remarquable. Associant les différents partenaires d’un secteur, il permet clairement de voir quelles sont les expériences qui marchent, comment les choses se passent à l’étranger. Elle fournit des guides et des manuels techniques pour les opérateurs touristiques. Dans beaucoup de secteurs qui ont été retenus prioritaires, un grand pas est fait dès que l’on a commencé à voir les choses autrement, lorsqu’on a compris, par exemple, que l’avenir des villes thermales était peut-être de se voir davantage comme des villes d’eau que comme des villes thermales, de s’apercevoir que leur patrimoine, leur richesse touristique étaient aussi grands, présentaient autant de potentialité que la qualité de leurs eaux pour les curistes et que, par conséquent, un nouveau positionnement, de nouvelles démarches marketing suffisaient très souvent à changer de tout au tout les perspectives d’une station.
Enfin, l’État dispose naturellement de tous les instruments réglementaires et fiscaux pour réguler au mieux l’activité économique en fonction de ces priorités.
J’ai souhaité vous exposer, même si cela peut parfois vous paraître technique, de manière très transparente, les voies dans lesquelles la direction du tourisme et l’agence française de l’ingénierie touristique vont s’engager d’une manière systématique avec une volonté forte d’aboutir dans les mois qui viennent, puisqu’il s’agit d’un vrai travail de terrain, d’un travail de création de richesses.
Nous avons fait des projections sur l’expansion naturelle du tourisme (qui correspond à une forte demande), sur les retards évidents que nous avons, sur le bénéfice que l’on pouvait escompter d’un accroissement de la consommation touristique, d’une meilleure gestion des filières, de l’attrait de clientèles nouvelles par l’amélioration de notre offre, sur des segments où on sait qu’elle n’attend que cela pour se manifester et nous en avons tiré la conclusion que le secteur du tourisme avait la capacité, à condition de faire les efforts, avec une volonté sans faille, que nous indiquons, de créer dans les prochaines années de très nombreux emplois nouveaux.
Les estimations que la direction du tourisme a faites, corroborant l’opinion dominante des spécialistes de ce secteur, indiquent que notre pays a la capacité, à condition naturellement de s’engager résolument dans des voies d’avenir, de créer plus de 100 000 emplois. Votre dossier comporte sur ce point des éléments économiques chiffrés.
C’est donc une grande ambition pour la politique du tourisme et pour notre pays, d’autant plus que le tourisme est plus que toute autre activité, une activité essentielle à la nation.
C’est de la France, de ses paysages, de ses traditions, de sa culture, qu’il s’agit. Et ce sont les Français qui sont les acteurs de cette activité.
Voilà pourquoi je voudrais pour terminer, entouré de tous les organisateurs du Salon des vacances en France et des acteurs du tourisme, rendre hommage à tous les professionnels, à saluer leurs efforts et à leur dire l’engagement du gouvernement à leurs côtés.