Interview de M. Guy Drut, ministre délégué à la jeunesse et aux sports, dans "La Nouvelle République du Centre-Ouest" le 4 janvier 1997 et à RTL le 6 janvier 1997, sur la réorganisation des services régionaux et départementaux de la jeunesse et des sports, sur la politique du gouvernement et sur l'actualité.

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Média : Emission L'Invité de RTL - La Nouvelle République du Centre Ouest - Presse régionale - RTL

Texte intégral

La Nouvelle République du Centre-Ouest - 4 janvier 1997

La Nouvelle République du Centre-Ouest : Dans le cadre de la réforme de l’État, une étude approfondie de faisabilité d’un schéma de réorganisation des services déconcentrés de l’État a été confiée à six préfets, qui viennent de rendre leur copie. Quel est votre sentiment sur les deux hypothèses (suppression de la DRJS, au profit de la DDJS du chef-lieu de région ou intégration de la DDJS dans la direction départementale de la santé, de la population et de la solidarité), qui ont servi au départ de base de travail ?

Guy Drut : Tout d’abord, je m’associe pleinement à l’effort entrepris par le gouvernement pour réformer l’État. L’objectif est clair : rendre l’État plus efficace et, surtout, plus directement accessible pour chaque Français. Je souhaite que l’administration évolue, pour devenir une administration de proximité, qui apporte des réponses claires aux questions que se posent les Français. Dans ce cadre, les préfets ont fait des propositions. La plupart des préfets ont souhaité le maintien des DDJS et des DRJS, car les services du ministère de la Jeunesse et des Sports sont véritablement des services de proximité.

La Nouvelle République du Centre-Ouest : Le rôle et les attributions des DRJS peuvent-ils être remis en cause ?

Guy Drut : En conséquence de mes précédents propos, il n’y aura pas de modification du rôle et des attributions des DDJS et des DRJS.

La Nouvelle République du Centre-Ouest : Comprenez-vous l’émoi que cette étude a fait naître dans les milieux sportifs ?

Guy Drut : Certainement. Les milieux sportifs ont l’habitude de travailler en partenariat avec les services du ministère de la Jeunesse et des Sports. Mais je crois pouvoir les rassurer pleinement.

La Nouvelle République du Centre-Ouest : Les départements et régions testés au cours de l’année 1997 sont-ils déjà désignés ?

Guy Drut : Non, ils le seront en début de l’année 1997.

La Nouvelle République du Centre-Ouest : Une première réforme effective aujourd’hui vient de supprimer les DDJS des chefs-lieux de région, pour les intégrer aux DRJS. Est-elle suffisante ? Les choses peuvent-elles, doivent-elles rester en l’état ?

Guy Drut : Les DDJS des chefs-lieux n’ont pas été supprimées. J’ai simplement décidé de mettre en commun les moyens de la DRJS et de la DDJS du chef-lieu, pour créer des directions régionales et départementales de la jeunesse et des sports encore plus efficaces. Il n’y aura pas d’autre réforme de structure en 1997 pour les services de la jeunesse et des sports. Je compte simplement déconcentrer, en 1997, plus de crédits qu’en 1996, pour donner aux services plus de capacité d’action.

 

RTL - lundi 6 janvier 1997

O. Mazerolle : Est-il exact, comme l’affirme Georges-Marc Benamou, que François Mitterrand avait envoyé un émissaire à Jacques Chirac pour le convaincre d’avancer l’annonce de sa candidature à la présidentielle ?

G. Drut : Franchement, je n’en sais rien. Vous savez que, depuis toujours, je suis un chiraquien convaincu. Je continue à l’être. Jacques Chirac s’est déclaré début novembre 1994. Je faisais partie des 10 ou 12 % qui, à l’époque, étaient derrière lui.

O. Mazerolle : Vous saviez qu’il allait annoncer sa candidature à ce moment-là ?

G. Drut : On sentait que ça commençait à venir. Mais je n’étais pas dans le secret des dieux pour connaître exactement la date, l’heure, la façon.

O. Mazerolle : Si c’était vrai, cela vous troublerait ?

G. Drut : Non. Patrick Poivre d’Arvor a sorti un bouquin sur les violeurs de la vie privée. Je crois savoir que même les morts ont droit à une certaine vie privée de temps en temps.

O. Mazerolle : Quel président préférez-vous ? Celui du 12 décembre sur TF1, qui a fustigé la France des conservateurs, ou celui des vœux aux Français, qui parle de la France qui se modernise ?

G. Drut : C’est le même !

O. Mazerolle : Ah bon ? On n’a pas perçu cela !

G. Drut : C’est que vous ne le connaissez pas suffisamment ! C’est un homme à la fois de sensibilité et qui sait être efficace et pragmatique. Il a fait, mi-décembre, un exercice auquel on n’était pas habitué. Le scénario n’était pas du tout écrit. Il a répondu à des questions qui lui étaient posées sans complaisance, de façon fort courtoise mais sans complaisance. Il n’a pas du tout essayé d’éviter la réalité des faits et il a fait un état des lieux très précis. Aux vœux, il a su marquer sa détermination, nous a bien fait sentir que sa ténacité, sa volonté, son courage n’étaient en aucune façon entamés par la difficulté du moment. Je crois que les deux Chirac – puisque vous en avez vu deux – n’étaient en fait qu’un. J’ai vu deux aspects complémentaires et qui font le président de la République.

O. Mazerolle : On se pose la question de savoir si la politique de contrainte menée actuellement correspond au tempérament du président de la République.

G. Drut : Il y a l’obligation des faits, l’obligation de la vie de tous les jours. C’est la « Realpolitik». On ne peut pas continuer à vivre à crédit sans arrêt. Avant d’entamer, de lancer des objectifs, il faut reconstruire les bases, parce que les bases n’étaient plus tout à fait saines.

O. Mazerolle : Quelles sont les perspectives ?

G. Drut : C’est de retrouver une économie saine. C’est d’alléger les charges. C’est faire en sorte que l’administration soit moins lourde, moins contraignante. C’est d’aller à fond dans l’Europe. Quand l’Europe se réunit, elle est tout à fait performante. On l’a vu avec Ariane, avec Airbus. Face à de gros blocs comme les États-Unis, comme tout le Sud-Est asiatique, si la France agit seule, si l’Allemagne agit seule, si l’Espagne agit seule, si l’Italie agit seule, on ne s’en sortira jamais.

O. Mazerolle : Quand vous entendez Martine Aubry dire que le Président Chirac, radical-socialiste dans le fond, sera peut-être content de voir les socialistes lui apporter des solutions plus conformes à ce qu’il croit, que pensez-vous ?

G. Drut : Ils ne manquent pas d’air, les socialistes ! Ils nous ont longtemps promis le rêve : on a toujours récupéré le cauchemar et ça continue. Que Martine Aubry dise ça, bon, c’est normal, elle défend sa boutique. Mais il ne faut quand même pas exagérer ! Jacques Chirac n’est pas un radical-socialiste : c’est un social efficace.

O. Mazerolle : L’impopularité du gouvernement, ça coupe les jarrets ?

G. Drut : Non. Vous avez vu que, de toute façon, Alain Juppé est plus déterminé que jamais à agir, ainsi que tous les ministres qui l’entourent. Il y a une excellente ambiance au sein de l’équipe gouvernementale. Le collectif marche.

O. Mazerolle : Il est tellement déterminé que vous trouvez qu’il parle trop. Vous lui auriez dit, comme il le rapporte dans son livre : « Tu ferais bien d’écouter les autres. »

G. Drut : Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit. Je lui ai dit, à l’occasion d’un déjeuner de ministres, que de temps en temps, on pourrait le voir en comité restreint pour parler vraiment. M. Gourdault-Montagne – directeur de cabinet d’Alain Juppé – m’en a parlé : c’est un homme tellement actif qu’il a une grande difficulté à gérer son emploi du temps. La France passe quand même avant les états d’âme de certains ministres.

O. Mazerolle : Vous vous occupez des jeunes et il y a un gros point noir, c’est le chômage des jeunes. Le président a dit que 1997 sera l’année de l’emploi des jeunes, mais hier soir, sur TF1, Yannick Noah disait qu’après les présidentielles, il attendait un grand sursaut et que, finalement, les jeunes s’en foutaient.

G. Drut : Il est un peu dur, Yannick. J’ai toujours eu et j’ai toujours dit l’admiration que j’avais pour lui en tant que joueur de tennis et maintenant en tant qu’entraîneur, mais là, il est quand même un peu dur parce que de nombreuses choses ont été faites et continuent d’être faites en ce qui concerne la ville, sous la houlette de Jean-Claude Gaudin et d’Éric Raoult et avec les collectivités locales. Moi, je fais un maximum de choses. Je crois que Yannick s’intéresse à ce que font les jeunes dans les banlieues. Il devrait quand même essayer de ne pas trop leur conseiller de fumer du cannabis. Ce n’est pas la solution à tous les problèmes ! Des choses sont faites, il faut quand même ouvrir les yeux. On peut, bien sûr, faire toujours mieux, et moi j’attends, bien sûr, de l’aide de tous ces sportifs qui me l’offrent. Il n’y a pas que Yannick Noah, il y a David Douillet, il y a Thierry Rey, il y a Luiz Fernandez, il y a Djamel Bouras. À chaque fois qu’il y a un sportif qui est sollicité, il accepte sans aucun problème de venir nous donner un coup de main.

O. Mazerolle : Vous avez annoncé pour le printemps une nouvelle réglementation sur le dopage. Est-il concevable qu’aux prochains Jeux olympiques, la France dise : on n’a pas de médaille mais nos athlètes n’étaient pas dopés ?

G. Drut : La France aura des médailles aux prochains Jeux olympiques et ses athlètes ne seront pas dopés, sans aucun problème. Cela dit, c’est certainement le danger qui menace le plus le sport international et c’est la raison pour laquelle il faut prendre des décisions et les appliquer.

O. Mazerolle : Mais tout seul dans son coin ?

G. Drut : Non, pas du tout ! On travaille en étroite relation avec le Comité international olympique. Il y a d’autres pays qui nous suivent.

O. Mazerolle : Pour les Jeux olympiques de 2004, Lille est candidate. Peut-on dire que c’est la candidature de Lille ou peut-on dire que c’est la candidature française ?

G. Drut : C’est la candidature française. C’est Lille-France pour 2004. Je suis cela avec beaucoup d’intérêt. Je suis d’ailleurs en relation constante avec les organisations. Le 7 mars, il y aura une décision. Actuellement, c’est plus une analyse technique. Et, dans la mesure où Lille a toutes les chances d’être retenue dans le carré final, alors il y aura un aspect plus politique de promotion de la candidature et, bien entendu, les deux membres du CIO, que sont Jean-Claude Killy ou votre serviteur, seront derrière la candidature de Lille.