Interview de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre mer et membre du PS, dans "Le Progrès" du 12 janvier 1998, sur sa candidature aux élections régionales dans le Rhône et ses priorités dans la campagne électorale.

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Média : La Tribune Le Progrès - Le Progrès

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Le Progrès : Vous avez démissionné de votre mandat de maire après votre entrée au Gouvernement. Pourquoi êtes-vous candidat, aujourd’hui, aux régionales ?

Jean-Jack Queyranne : Je suis candidat pour plusieurs raisons. D’abord, parce que j’ai été sollicité par les socialistes des huit fédérations pour conduire cette campagne, car ils souhaitaient qu’une personnalité appartenant au Gouvernement puisse être leur chef de file régional. C’est vrai que j’ai abandonné mon mandat de maire, comme mes autres collègues maires, lorsque je suis rentré au Gouvernement. Je suis un partisan du non-cumul des mandats et je saurai prendre mes responsabilités.

Le Progrès : Êtes-vous candidat à la présidence du conseil régional ?

Jean-Jack Queyranne : Si je m’engage, c’est pour gagner et pour faire gagner la gauche. Ces élections sont pour Rhône-Alpes un grand rendez-vous, car après avoir été dominée par la droite depuis 1986, la région aspire aujourd’hui à un vrai changement.

Le Progrès : Pourquoi, en tant que chef de file, ne conduisez-vous pas la liste dans le Rhône ?

Jean-Jack Queyranne : Sylvie Guillaume avait été désignée comme tête de liste, il y a plusieurs mois. Je serai le numéro deux dans le Rhône car il n’est pas question d’écarter une femme, jeune, élue par les socialistes. C’est une volonté nouvelle de faire de la politique et nous mènerons campagne en tandem. Ma position de second me permettra en outre d’être disponible pour l’ensemble des huit départements. Nous avons en effet la volonté de travailler en équipe avec des listes fortement renouvelées et un équilibre entre hommes et femmes.

Le Progrès : Où en sont les discussions avec vos partenaires de la gauche plurielle pour la constitution de listes d’union ?

Jean-Jack Queyranne : Les huit listes sont en cours de constitution et elles seront à l’image de la majorité nationale avec des candidats socialistes, communistes, radicaux socialistes, Verts et des personnalités de gauche. En ce qui concerne le programme, il y a déjà de larges éléments d’accord. Mon objectif est de respecter l’identité de chacun, de m’inscrire dans une démarche de pluralisme, et en même temps de fédérer des volontés communes pour que Rhône-Alpes, la deuxième région de France, puisse s’inscrire dans un mouvement de changement. Nous sommes sur la voie d’un accord. Notre volonté est d’avoir une approche réaliste des problèmes mais, en même temps, d’imposer une nouvelle façon de faire de la politique.

Le Progrès : Sur quel projet entendez-vous conduire ce changement ?

Jean-Jack Queyranne : D’abord sur un projet économique. Car aujourd’hui la région fait du sur-place. Il y a dix ans, le rapport Carrière soulignait les atouts de Rhône-Alpes. Or, depuis, elle a perdu ses positions par rapport à d’autres régions.
Dans un domaine comme l’exportation, Rhône-Alpes, qui est pourtant la deuxième région de France par sa taille, n’arrive qu’au huitième rang. Elle doit améliorer ses performances car l’économie, c’est l’emploi. Il y a en Rhône-Alpes des talents et des moyens qui ne sont pas suffisamment mobilisés alors que la région doit jouer un rôle de levier. Les milieux économiques et sociaux sont en attente d’un véritable projet. Aujourd’hui, la politique économique de Charles Millon est ultra-libérale ; elle ne vise qu’à mettre en place une baisse des charges des entreprises alors que la région peut avoir une rôle moteur dans le développement économique et l’emploi.

Le Progrès : C’est pourquoi Charles Millon qui a proposé de réduire le temps de travail dans les entreprises de la région sur la base de 32 heures payées 35…

Jean-Jack Queyranne : Oui, sauf qu’il est revenu sur son projet. Finalement, sa politique n’a créé que 700 emplois au lieu de 25 000 annoncés. Ceci illustre l’échec de la méthode Millon : des annonces non suivies d’effet.

Le Progrès : Que proposez-vous ?

Jean-Jack Queyranne : De mettre le paquet sur la politique économique et l’emploi qui aujourd’hui ne représentent que 10 % du budget régional. Or, si on veut vraiment être efficaces, cette politique devrait représenter, à terme, le quart de l’action régionale.

Le Progrès : Ceci passe-t-il par une augmentation de la fiscalité ?

Jean-Jack Queyranne : La fiscalité doit rester compatible avec l’inflation. En revanche, des redéploiements doivent être effectués dans le cadre du budget. Il convient d’arrêter le saupoudrage des crédits, mais aussi de revoir la politique d’emprunts. Aujourd’hui, le montant des emprunts non mobilisés est de trois milliards de francs alors que depuis 1993 les impôts régionaux ont augmenté de 80 %.
Au-delà de l’économie deux autres domaines figurent parmi nos priorités : la formation et l’aménagement du territoire. En matière de formation, il faut accentuer l’effort en direction des lycées professionnels, de l’apprentissage et de toutes les formules qui permettent une meilleure orientation des jeunes.
Un autre effort conséquent doit être fait pour permettre aux jeunes de Rhône-Alpes d’effectuer des stages en Europe à travers les programmes européens. Ils ne sont qu’environ 3 000 aujourd’hui à en profiter ; ce chiffre doit considérablement augmenter pour les jeunes s’ouvrent à d’autres pays.
Enfin, en ce qui concerne l’aménagement du territoire, il faut aller plus loin en matière de transports ferroviaire. Nous voulons, aussi, mener une politique plus active dans le domaine de l’environnement pour favoriser le développement durable et un meilleur équilibre du territoire.

Le Progrès : Vos propositions ne visent-elles pas surtout à aller plus loin que ce qui a été fait jusqu’ici ?

Jean-Jack Queyranne : Non, il s’agit de faire d’autres choix. Ce que je reproche au conseil régional, c’est de n’avoir pas de vrai projet régional. Jusqu’ici, il a trop fonctionné comme étant une fédération de départements. Il faut s’inscrire dans d’autres priorités.

Le Progrès : Charles Millon veut faire de ce scrutin une élection régionale et non pas nationale. Partagez-vous son avis ?

Jean-Jack Queyranne : Cette élection a une triple dimension : départementale, régionale et nationale. Nous sommes dans un mode de scrutin départemental et, dans chaque département, les candidats auront à s’exprimer sur les sujets d’aménagement propres. Moi, j’assumerai les dimensions régionale et nationale. Il est évident que, face à Charles Millon, nous développerons notre projet régional. Et je souhaite un vrai débat contradictoire sur les perspectives pour la région pour les prochaines années.

Le Progrès : Un débat contradictoire, y compris avec le FN ?

Jean-Jack Queyranne : D’abord avec le président sortant qui doit rendre compte de sa politique et de ses échecs, mais aussi contre le Front national dans la mesure où ce qu’il propose déjà dans cette campagne va à l’encontre des intérêts de la région. Mon objectif est bien de battre la droite et de faire reculer le Front national.

Le Progrès : Comment mener campagne tout en étant ministre de l’outre-mer ?

Jean-Jack Queyranne : Je me consacrerai à cette campagne, que nous mènerons en équipe, sans me décharger de mes responsabilités gouvernementales. Rhône-Alpes est une belle région qui doit retrouver un rôle moteur dans notre pays.