Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux d’être parmi vous en cette fin de matinée pour évoquer l’euro.
Très heureux parce que l’euro va se faire comme prévu au 1er janvier 1999. Il y a encore un an certains en doutaient. Tout cela a totalement disparu.
Très heureux parce que cet euro sera large. Je crois qu’il n’y a plus beaucoup de doutes aujourd’hui : il y aura probablement 11 pays dans l’euro. La décision ne sera prise que le 2 mai par les Chefs d’Etat et de Gouvernement mais tout va en ce sens : les recommandations de la commission le 25 mars, l’acceptation de cette réalité par l’IME et les banques centrales nationales qui ont donné leur opinion (même si quelques critiques sont formulées ça et là), la volonté politique des Gouvernements de l’Union surtout.
Ainsi, ce qui était économiquement et politiquement souhaitable devient réalité.
Les décisions de début mai ne constitueront pas une surprise et je pense que c’est ce qui était souhaitable, tant vis-à-vis des opinions publiques que des marchés financiers. Mais naturellement l’Histoire de l’euro ne s’arrête pas au week-end du 1er mai. Je dirai qu’au contraire, l’Histoire de l’euro commence le 2 mai. Nous serons alors en UEM de fait et il nous faudra dès ce moment gérer collectivement notre bien commun de manière optimale.
1) L’euro, facteur de croissance pour l’Europe.
a) La perspective de l’euro a déjà été un formidable outil de rapprochement entre les économies européennes. Les volumineux rapports de la Commission et de 1’IME l’ont largement montré, donc je n’y reviens pas, mais la convergence entre les économies d’Europe Continentale a formidablement progressé en l’espace de quelques années. Les pays de la future zone euro ont ainsi des taux d’inflation très faibles (moins de 2 % / an), ce qui favorise la faiblesse des taux d’intérêt à long terme (les taux à 10 ans sont à des niveaux historiquement bas : moins de 5 % en France et en RFA). Ceci souligne la crédibilité de l’euro (dans ces taux à 10 ans, il y a 9 ans d’euro et moins d’un an de franc ou de mark) et favorise la reprise de la croissance dans nos pays.
La stabilité des changes est totale. Alors que nous vivons dans un environnement international perturbé (crise asiatique), les monnaies du SME ne bougent plus entre elles. On peut dire que l’instabilité des changes est en Asie, la stabilité dans le SME. Je dis dans le SME, car si vous regardez la livre sterling, vous constatez que celle-ci subit de très larges fluctuations liées en partie me semble-t-il à sa non-appartenance au Système et à l’absence de perspective rapide de rejoindre l’euro.
Cette stabilité des changes favorise elle aussi l’investissement.
Les finances publiques des pays européens se sont également remarquablement assainies en quelques années. Les déficits publics ont partout été substantiellement réduits. Bien sûr, ces efforts doivent être poursuivis dans la durée de manière vigoureuse dans les pays où la dette publique, qui est l’indicateur de finances publiques le plus pertinent, est nettement supérieur à la référence fixée par le traité. Je suis persuadé que telle est leur volonté.
Je suis pour ma part très fier que, comme la Banque de France l’a fait remarquer dans son avis du 27 mars, la France soit l’un des 3 pays qui respectent strictement tous les critères de Maastricht. Ces résultats ne sont bien sûr pas le fruit du hasard : ils sont le reflet du potentiel de notre pays.
b) Naturellement, il n’y aurait pas lieu de se réjouir des spectaculaires progrès de la convergence que je viens de décrire si celle-ci se faisait au détriment de la croissance et de l’emploi.
Je suis persuadé que l’euro sera un facteur de croissance si nous le gérons collectivement de façon intelligente, c’est-à-dire par une coordination accrue des politiques économiques. Car l’euro à tous les atouts pour doper notre croissance.
L’euro sera d’abord un facteur de dynamisme : sa crédibilité donnera à la zone euro des taux d’intérêt faibles, favorables à l’investissement ; les échanges seront dynamisés par l’achèvement du marché unique que représentera l’existence d’une monnaie unique pour 300 Ms de personnes.
L’euro sera aussi un facteur de protection. Nos entreprises seront largement immunisées contre le risque de change car l’euro deviendra vite l’une des deux principales monnaies de réserve et de transaction. Nous serons également beaucoup moins dépendants qu’aujourd’hui des fluctuations du dollar puisque l’ouverture de la zone euro sur l’extérieur sera faible (de l’ordre de 10 % du PIB, comme les Etats-Unis aujourd’hui).
D’ailleurs, les derrières prévisions de la Commission prouvent qu’une dynamique vertueuse est engagée en Europe, puisqu’elle estime qu’au sein de la future zone euro la croissance devrait être de 3 % en 1998 et 3,2 % en 1999.
Elle sera informelle au sens du Traité, puisque non prévue par lui, mais est dotée de visibilité et de légitimité par la décision de Luxembourg et je suis convaincu qu’elle prouvera très vite son efficacité.
Il ne s’agit bien entendu pas d’une machine à exclure quiconque. Il s’agit seulement de constater le fait que lorsqu’on partage la même monnaie, le besoin d’échanges d’informations et de coordination est plus fort qu’avant.
Je souhaite que le conseil de l’euro se réunisse vite (mai/juin) et je souhaite qu’il joue un rôle actif de concertation entre Gouvernements et de dialogue avec la BCE. Cela, nous ne le souhaitons pas pour nous-mêmes en particulier, nous le souhaitons pour que l’euro soit un succès.
Naturellement, l’Ecofin restera le seul lieu de décision à 15. Et beaucoup de sujets méritent une réflexion à 15 : le rapprochement de nos fiscalités, l’émergence du commerce électronique...
Conclusion :
Les fondations de l’euro sont construites. Elles me paraissent très solides. Il y a des fondations institutionnelles :
– la BCE indépendante. Son rôle sera crucial et elle devra dès son établissement, en juin probablement, préparer très activement et prendre les décisions préparatoires au passage à l’euro au 1er janvier 1999 ;
– le Conseil de l’euro, créé par le Conseil Européen de Luxembourg en décembre dernier. J’ai indiqué combien la coordination des politiques économiques me semblent une question essentielle pour assurer le succès de l’euro.
L’euro agit comme un déclic pour les Européens : nous sommes en passe de renouer avec une croissance durable grâce à la dynamique créée par son arrivée.
2) Le besoin d’une coordination accrue en UEM.
Je ne veux pas laisser de côté les points les plus difficiles. Je suis persuadé que l’euro peut constituer une très grande chance pour l’Europe, à la fois sur le plan politique – 300 Ms d’individus décident de partager leur souveraineté monétaire pour mieux l’exercer, c’est un geste politique unique par son ampleur de notre volonté d’unir nos destins – et sur le plan économique.
Je suis persuadé également que l’euro sera pour les Européens un moyen de faire rayonner sur la scène internationale notre influence. En partageant leur souveraineté monétaire, les Européens vont la retrouver. Notre monnaie sera, avec le dollar, l’une des deux principales monnaies internationales.
Pour autant, le succès de l’euro dépendra de sa gestion. Nous aurons besoin d’une coordination accrue de nos politiques économiques entre Gouvernements de la zone euro et d’un échange réel et régulier avec la Banque Centrale Européenne, dans l’indépendance de chacun, pour mener la politique économique optimale au niveau de l’ensemble de la zone. C’est pourquoi dès notre prise de fonctions en juin 1997, le Gouvernement de Lionel Jospin a tant insisté pour la création d’une enceinte de coordination des politiques économiques, que nous appelons le Conseil de l’euro ou euro-11.
Le Conseil européen de Luxembourg a décidé en décembre dernier la création de cette enceinte.
Il y a des fondations économiques : c’est la remarquable convergence à laquelle nous sommes parvenus dans la future zone euro. Elle fonde les conditions préalables d’une croissance forte et durable, qui me semble en espoir réaliste pour la future zone euro.
Cependant, ces fondations ne suffiront pas à elle seules. Je ne crois pas en une conception de la politique économique qui serait automatique, ou il suffirait d’avoir prévu le dispositif institutionnel et quelques règles mécaniques pour que tout se passe bien. Je crois en l’utilité de telles dispositions mais il faudra aller bien au-delà.
L’UEM sera un succès si nous parvenons à organiser un dialogue efficace entre le pôle économique et le pôle monétaire : c’est seulement ainsi que chacun pourra prendre en son domaine les décisions pertinentes car les plus informées. L’euro sera un succès si nous progressons entre gouvernements sur la voie de la coordination réelle de nos politiques économiques. Cela suppose une vraie confiance, un vrai travail en commun, qui sont déjà bien engagés mais qu’il faudra parfaire.
L’euro sera un succès lorsque chacun reconnaîtra qu’il aura été un instrument utile au service de la croissance et de l’emploi en Europe. Les avantages que nous apporte la proximité de l’euro (taux de change, taux d’intérêts faibles, accélération de l’activité économique...) montrent que l’exercice est bien engagé.
C’est ainsi que l’euro fera notre force.