Texte intégral
Le Figaro : La très probable reprise d'Air Liberté par British Airways n'est-elle pas un échec pour le gouvernement français qui souhaitait construire un pôle aérien privé français ? N'aurait-il pas fallu intervenir plus tôt ?
Anne-Marie Idrac : La compagnie Air Liberté est une société entièrement privée, je tenais à le rappeler. Est-ce un échec pour le gouvernement ? Bien sûr que non. C'est d'abord un échec pour ceux qui ont géré la compagnie jusqu'à maintenant. Il faut bien constater que cette compagnie s'est lancée dans un développement très rapide, peut-être trop rapide, sans véritable assise financière. C'est ce que l'État et le Conseil supérieur de l'aviation marchande ont à plusieurs reprises rappelé. Mais s'agissant d'une compagnie privée, personne ne pouvait se substituer aux responsables de l'entreprise.
Après avoir déposé le bilan, son actionnaire principal, le groupe Rivaud, s'est associé à British Airways pour proposer un plan de continuation. J'aurais bien évidemment préféré qu'il en soit autrement. Cependant, cette solution permettra de sauvegarder un grand nombre d'emplois en France, et c'est ce qui me paraît le plus important.
Le Figaro : Y a-t-il encore la place pour la constitution d'un pôle aérien privé ?
Anne-Marie Idrac : Il convient de ne pas se tromper d'enjeu. Le premier objectif du gouvernement est le redressement du Groupe Air France et donc le maintien au niveau international d'un transporteur aérien français de taille mondiale. Cependant, le marché français, domestique et international, est suffisamment important pour permettre la c o-existence de plusieurs compagnies et proposer aux clients une offre diversifiée.
Le Figaro : Ne craignez-vous pas que le renforcement de British Airways en France compromette le redressement du Groupe Air France et notamment d'Air Inter Europe ?
Anne-Marie Idrac : Le redressement d'Air France est en marche. Les résultats de la compagnie laissent prévoir un équilibre financier l'année prochaine. Cependant, des efforts sont encore nécessaires pour maintenir la compétitivité de la compagnie au niveau international. Ils devront être vigoureux, courageux et s'inscrire dans la durée. Air France doit en effet faire face à la concurrence de ses principales rivales européennes comme British Airways ou Lufthansa, qui continuent de leur côté à améliorer leur performances. Il s'agit d'une véritable course-poursuite.
La situation d'Air Inter Europe est plus préoccupante. La compagnie doit améliorer sa compétitivité et regagner des parts de marché sur le réseau domestique. Un plan pour les deux prochaines années et une nouvelle politique commerciale, notamment les navettes, ont été élaborés. Ces mesures, tout comme la fusion avec Air France, sont indispensables pour le redressement de la compagnie. Le renforcement de British Airways et des filiales se traduira par une concurrence encore plus vive sur le marché français. C'est aussi une justification supplémentaire aux efforts demandés, non à leur remise en cause. Je suis convaincue que notre transporteur national peut relever ce défi.
Le Figaro : Êtes-vous favorable à une reprise d'AOM par Air France ?
Anne-Marie Idrac : La compagnie AOM fait partie des actifs du Crédit Lyonnais que le CDR a reçu mission de vendre dans les meilleures conditions possibles. Préalablement, il faut valoriser cet actif. Je vous rappelle qu'un rachat d'AOM par Air France est impossible jusqu'en mars 1997, en raison des engagements pris au niveau européen dans le cadre du plan de redressement d'Air France. Au-delà de cette date, la question n'a pas été étudiée. Elle nécessite une réflexion préalable. Mais pourquoi pas ?