Déclaration de M. Jean Gandois, président du CNPF, sur la commémoration du cinquantenaire du CNPF, sur "L'esprit d'entreprise" et sur son exception de l'entreprise, Poitiers le 16 septembre 1996, parue dans "CNPF la Revue des entreprises" d'octobre 1996.

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Circonstance : Commémoration du 50ème anniversaire du CNPF au Futuroscope de Poitiers le 16 septembre 1996

Texte intégral

Je vous adresse d'abord, au nom de toute l'assistance, un merci sincère et chaleureux pour votre présence parmi nous. Tous les chefs d'entreprise et les responsables patronaux qui sont présents dans cette salle y sont, croyez-le bien, extrêmement sensibles. C'est la deuxième fois en moins de trois semaines que vous allez sans trop de protocole, à la rencontre des hommes et des femmes qui, au sein du CNPF, se battent pour l'avenir de notre pays.

Fin août, c'était pour donner, grâce à votre présence, un encouragement à notre opération Cap sur l'avenir qui a l'ambition d'être la main tendue de l'entreprise vers les jeunes et qui va s'amplifier encore dans les prochaines semaines avec une action spéciale de grandes entreprises françaises, animée par Didier Pineau-Valencienne. Aujourd'hui, vous êtes ici pour célébrer avec nous le Cinquantième de l'Institution, mais surtout l'esprit d'entreprise et notre volonté commune de susciter des vocations d'entrepreneur au sein des jeunes générations – afin non seulement d'assurer la relève, mais aussi de développer dans notre pays le nombre de personnes dans l'ambition est d'entreprendre. Vous le voyez, tout cela se tient, nos actions sont cohérentes et traduisent notre foi dans l'avenir.

Nous vous avions dit, quand nous vous avons adressé cette invitation que nous ne vous imposerions pas une commémoration traditionnelle. Je savais en confiant à Ernest-Antoine Seillière la responsabilité de cette manifestation – qu'il a assumée avec maestria et je l'en remercie – qu'il avait comme moi peu de goût pour les autocélébrations institutionnelles. Nous tournons aujourd'hui notre regard, non pas vers le passé, mais vers l'avenir. Permettez-moi de dire simplement combien nous sommes heureux d'accueillir, dans cette salle trois anciens présidents du CNPF – qui ont préparé notre présent et notre avenir – François Ceyrac, Yvon Gattaz et François Perigot.

Ernest-Antoine Seillière a choisi le thème de cette réunion ; je l'ai accepté avec joie car s'il est une idée fédératrice qui dépasse les frontières de l'entreprise stricto sensu c'est bien celle de l'esprit d'entreprise que l'on peut avoir partout : dans les affaires comme en politique, à l'université comme dans une association sportive ou une action humanitaire. Car, c'est quoi l'esprit d'entreprise ? Trois choses au moins :

– d'abord, avoir un projet, ce qui suppose à la fois imagination et sens du concret ;
– ensuite, avoir une volonté forte de matérialiser ce projet (j'allais dire de le rendre vivant) ;
– enfin, avoir l'aptitude à rassembler, à mobiliser, à convaincre des hommes et des femmes autour de ce projet.

Impossible de réussir ce triple défi sans goût du risque, sans passion, sans charisme propre, mais je dirais aussi impossible de réussir sans convaincre les autres. Quel meilleur symbole de ce que j'avais que ce Futuroscope où nous accueille René Monory. Nul mieux que lui n'a su démontrer force de persuasion, ténacité mais aussi vision et enthousiasme.

Ce cocktail de qualité, Monsieur le Président de la République, nous en avons eu une démonstration éclatante tout au long de cette Convention. Elle se voulait pédagogique, professionnelle, pour faire apparaître les composantes de l'esprit d'entreprise, les obstacles à son développement. Ce que je retiens de tous les témoignages apportés, c'est que, malgré les difficultés, les pesanteurs bureaucratiques, les insuffisances de financement, ce qui domaine c'est la fierté d'entreprendre, la plénitude procurée par l'action, la satisfaction de vivre une aventure. C'est notre ciment commun. On me demande quelquefois pourquoi j'ai accepté de représenter le patronat malgré les intérêts contradictoires de patrons si différents les uns des autres. La réponse réside dans ma conviction que ce qui nous unité l'emporte sur ce qui nous sépare et ce qui nous unit c'est cette passion commune d'entreprendre, de bâtir, de faire progresser et, à travers toutes les difficultés, d'être toujours positifs, en cherchant le chemin.

Nous ne vous avons pas invité, Monsieur le Président de la République, pour vous faire le panégyrique de la catégorie socio-professionnelle à laquelle nous appartenons. Si je vous dis cela, c'est bien en pensant aux responsabilités, aux préoccupations qui sont les vôtres dans le rôle prestigieux et difficile qui vous incombe. Ces préoccupations, sachez-le, sont aussi les nôtres, l'avenir de notre pays, sa cohésion, sa volonté de conquête. Je ne crois pas faire preuve de prétention en vous disant que le développement de l'esprit d'entreprise est notre pays un chemin privilégié vers les buts que vous poursuivez. Favoriser l'éclosion de projets individuels qui doivent devenir œuvre d'équipes – petites ou grandes –, favoriser l'essaimage, à partir des entreprises existantes, sur tout le territoire et dans tous les secteurs de l'industrie, de la construction et des services, là, je crois, réside un des remèdes à nos problèmes d'emploi et à nos langueurs. Il faut savoir libérer les initiatives et les accompagner. Cela exige une mobilisation nouvelle mais je crois que, contrairement à ce que l'on raconte, le terreau français – et même la culture française – sont propices à l'éclosion de ces aspirations individuelles qui peuvent devenir des réussites collectives.

Je suis très confiant car la pépinière d'entrepreneurs potentiels est grande dans notre pays. Pour être un bon chef d'entreprise. Il n'y a pas de recette, il n'y a pas d'obligation de QI. Il n'y a pas de forme d'intelligence spécifique. Nous l'avons vu tout au long de cette convention, la petite graine d'entrepreneur peut pousser sur des terrains très différents, si elle est arrosée par l'orgueil, la soif de revanche sur la vie ou de reconnaissance de soi-même, la passion pour un produit, pour une idée, pour un projet. Ce qui est essentiel, c'est l'envie, l'appétit de conquérir, de convaincre, de vivre une aventure. Tout part d'un homme ou d'une femme. Mais il n'y a pas de succès durable pour des courses en solidaire. Il faut une équipe. Il faut avoir bien sûr des clients et si l'entreprise devient grande, des actionnaires autre que l'entrepreneur d'origine. Il y a beaucoup de conceptions différentes de l'entreprise : je voudrais vous livrer la mienne. Une entreprise, c'est d'abord des hommes et des femmes qui mobilisent leur compétence et leur enthousiasme pour faire vivre un projet. Ils savent qu'ils sont prioritairement au service des clients mais ils sont aussi convaincus que la seule voie pour réussir, c'est de créer de la valeur, c'est-à-dire de faire fructifier le patrimoine de l'entreprise et donc de ses actionnaires. J'ai prononcé le mot « enthousiasme ». Il est essentiel. Le moral de l'équipe est une clé de la réussite. C'est pourquoi l'imagination en matière sociale fait partie, à mon sens, de l'esprit d'entreprise. Elle enlève l'angoisse venant des tensions intérieures ou extérieures. Elle conduit à insérer dans le projet une gestion des ressources humaines tournée elle aussi vers l'innovation. Comme je le disais en débutant, il existe une cohérence profonde entre le développement de l'esprit d'entreprise et l'action que nous voulons mener pour l'insertion des jeunes qui sont sources de vitalité et d'enthousiasme.

J'en finirai avec trois souhaits :

– le premier, je l'appliquerai à notre institution. Que toute son action se tende vers l'entreprise, qu'elle soit de plus en plus à son service. Qu'elle sache évoluer pour être toujours plus performante. Qu'elle sache elle-même faire preuve d'esprit d'entreprise ;
– mon deuxième souhaite, c'est que toutes les principales organisations qui sont au service des entreprises et qui ont chacune leur vocation et leur spécificité, s'unissent toujours davantage pour travailler ensemble dans le but commun qu'est la prospérité de notre pays. Je m'adresse plus particulièrement à la CGPME, à l'UPA et aux chambres de commerce et d'industrie dont les représentants sont présents dans cette salle. Je sais qu'ils partagent avec moi cette même volonté ;
– mon troisième souhait, Monsieur le Président de la République, va vers l'État et l'administration. Nous connaissons tous les efforts du Gouvernement et de Monsieur Jean-Pierre Raffarin, en particulier pour la rendre plus ouverte, moins compliquée, moins rebutante. Il est vital que nous libérions les petites et moyennes entreprises des contraintes qui entravent, retardent les décisions de développement et qui découragent. Je voudrais que tous ensemble, nous arrivions à secouer les trop grands conservatismes de façon à ce qu'aucun projet viable, qu'aucune petite pousse ne disparaisse par trop de bureaucratie, par négligence, par indifférence. Nul plus que moi n'est persuadé que l'entreprise est une personne vivante. Créer, développer l'entreprise, c'est une façon de donner la vie. C'est une tâche noble, à laquelle nous, organisation patronale, nous devons nous consacrer avec humilité et exigence vis-à-vis de nous-même. Nous souhaitons avoir le concours résolu de tous dans cette démarche et dans ce combat qui est notre raison d'être.

Une nouvelle fois merci. Monsieur le Président, de votre présence. Elle est pour nous pleine de sens. Elle contribue à fortifier le courage dont tous les entrepreneurs ont constamment besoin.