Texte intégral
Intervention (Paris, 14 novembre 1996)
Nous sommes ici réunis à un moment crucial pour la Bosnie-Herzégovine.
Nous pouvons tous ensemble consolider la paix ou nous pourrons devenir les témoins d’un engrenage qui nous ramènerait tragiquement en arrière.
Le Plan de consolidation que nous allons lancer ici-même ne sera bien entendu pas suffisant à assurer la paix par la seule vertu des mots. Il faudra de surcroît toute votre détermination, à vous qui représentez la nouvelle direction de la Bosnie-Herzégovine. Il vous faudra aussi tout le soutien que nous sommes prêts à vous apporter au nom de la communauté internationale. Mais ce soutien est étroitement lié à votre détermination.
Je dois me féliciter du symbole que représente votre participation commune à cette conférence, et ce pour la première fois. Votre présence ici et ensemble est le témoin visible aux yeux du monde de l’existence des institutions communes de la Bosnie-Herzégovine, mises en place par des élections démocratiques, gage de paix s’il en est.
Tout aussi important me paraît être le fait que vous ayez adopté ensemble, avant de venir à Paris, une plate-forme commune qui corresponde par ses points essentiels à ceux que nous souhaitions inscrire dans le document de cette conférence : l’engagement à se conformer pleinement aux Accords de paix, le maintien d’une présence internationale civile au-delà de 1996 et l’attachement au rôle du Haut Représentant, sont de toute évidence, pour vous comme pour nous, quelques-uns des éléments fondamentaux du contrat moral qui nous engage ensemble pour faire vivre la Bosnie-Herzégovine.
Tel est bien le message que je veux vous adresser de façon très solennelle. La paix définitive et durable, qui doit succéder à la paix fragile et encore indécise, dépendra du respect mutuel et réciproque de ce contrat. Les récents incidents sur la ligne inter-entités, l’entrée d’armes dans la zone démilitarisée, les obstacles à la libre-circulation, le refus de se plier aux contraintes de la collégialité dans certaines circonstances, sont autant d’infractions graves à un contrat qui conditionne la présence et l’aide internationales.
Nous sommes ici réunis dans une conférence internationale. Nous sommes – je dirais – entre nous, mais cela ne doit pas nous faire oublier le monde au-delà de cette salle. Il y a au-delà de ces murs nos opinions publiques, qui nous observent et qui nous jugeront.
Ce sont vos opinions publiques, Messieurs les Présidents, qui jugeront votre action, apprécieront votre détermination ou vos responsabilités dans l’avenir que vous leur préparez aujourd’hui.
Ce sont nos opinions publiques qui décideront si votre engagement pour la paix vaut les efforts consentis en faveur de la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine.
Il nous faudra les uns et les autres, d’une façon ou d’une autre, rendre compte des résultats de nos actions.
C’est donc conscient de cette responsabilité qui pèse sur nos épaules qu’il nous faut non seulement adopter, mais ensuite mettre en œuvre le Plan de consolidation qui, au cours des deux années qui viennent, devra assurer la paix durable.
Pour que ce plan ne reste pas lettre morte, il doit être accompagné de certaines étapes :
– la constitution d’un gouvernement est une première étape qui doit être franchie dans les meilleurs délais et impérativement avant la Conférence de Londres. L’assurance de notre aide en dépend ;
– la question de l’environnement de sécurité devra être résolue car il reste incontestable que les besoins de sécurité resteront très importants pour les deux années à venir, de même que la question du retour des réfugiés.
Enfin l’efficacité de l’aide internationale devra être améliorée, d’abord par une meilleure coordination, autour du Haut Représentant, mais aussi par un contrôle plus assidu. C’est à ce prix que nous pourrons continuer à obtenir de nos publics qu’ils soutiennent les efforts substantiels accomplis pour la reconstruction.
Ce sont là des conditions nécessaires pour que progresse la construction de l’État de droit, qui ne peut se faire sans la coopération indispensable avec le Tribunal pénal international. Pour que se reconstruise l’économie, ce qui ne peut se faire que dans le cadre des principes de la liberté du marché, pour que la démocratisation de la vie politique soit effectivement consacrée, ce qui passe par la tenue des élections municipales.
Ce programme de deux ans devra être mis en œuvre par phases selon des programmes d’action sectoriels, précis et de durée déterminé, dans les treize domaines considérés comme prioritaires. La Conférence de Londres est le premier rendez-vous capital. Je laisserai à mon ami, Malcom Rifkind, le soin de vous présenter les objectifs assignés à la session plénière de la Conférence de mise en œuvre des Accords de paix.
La France, en encourageant aujourd’hui ce processus de consolidation, comme hier en participant aux efforts sur le terrain, ou en portant sa part du fardeau de la reconstruction, a démontré jour après jour sa foi dans l’avenir de la paix et dans la légitimité de notre action commune. Par le contrat qui est sur la table aujourd’hui, nous nous engageons à nouveau ensemble pour répondre aux attentes des populations éprouvées et mettre en place les structures d’une paix durable.
Conférence de presse conjointe du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charette, et du haut représentant, M. Carl BILDT - Propos du ministre (Paris, 14 novembre 1996)
Avant de laisser la parole à Carl Bildt pour présenter l’ensemble du texte que nous avons adopté je voudrais d’abord vous dire que cette Conférence de Paris a lieu, très exactement, onze mois, jour pour jour, après la signature des Accords de paix, également à Paris le 14 décembre 1995. Pendant ces onze mois, il s’est passé beaucoup de choses. À dire vrai, nous avons eu plus de déceptions que nous n’en escomptions. Nous avons rencontré beaucoup de difficultés sur le terrain. Nous avons vécu l’extrême difficulté de la mise en place des engagements souscrits par les parties à Dayton. Mais, je voudrais que vous preniez quand même considération du fait que la guerre est terminée et que depuis onze mois, s’il est vrai que la paix a cheminé difficilement, s’il est vrai qu’elle est encore fragile, c’est la paix, ce n’est plus la guerre. Et d’ailleurs, quand c’était la guerre, vous étiez plus nombreux, beaucoup plus nombreux.
Nous avons adopté un texte, appelé « Principes directeurs sur les aspects civils du plan de consolidation » et, ce texte, je voudrais en souligner devant vous deux éléments. D’abord, c’était une proposition française. Au mois de juin dernier, c’était d’ailleurs le 14 juin, si je ne me trompe, j’ai proposé à la Conférence de Florence, qu’après la mise en œuvre de notre programme de l’année 1996, qui avait été convenu à Dayton, nous organisions un plan de deux ans, avec l’objectif de passer de cette paix fragile actuelle a une paix durable et stable. D’un État encore naissant, dans la difficulté, à un État stable organisé, démocratique et engagé sur la voie du développement. Voilà ce que nous avons à faire pendant les deux ans qui viennent. Je ne peux que me réjouir que la communauté internationale ait souscrit à ce projet de travail de deux ans que nous avons discuté, négocié au cours des mois écoulés et que nous avons adopté aujourd’hui.
Enfin, dernière observation, c’est bien, désormais, un contrat qui est passé entre les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine, la présidence collégiale, et la communauté internationale. C’est bien ce que j’ai entendu de la part de l’ensemble des représentants de la communauté internationale rassemblée aujourd’hui à Paris. C’est un contrat « donnant-donnant ». La communauté internationale est d’accord pour continuer son action à la demande des membres de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine. Mais en contrepartie, ceux-ci s’engagent sur un certain nombre de points. Disons que pour l’essentiel ils s’engagent organiser la Bosnie-Herzégovine comme cela a été convenu à Dayton. Ils s’engagent à vivre ensemble. Ce contrat, nous le respecterons strictement. C’est-à-dire qu’il y a une conditionnalité forte, un lien précis entre ce que nous sommes prêts à faire et ce que nous attendons des dirigeants de la Bosnie-Herzégovine. Je parle avec franchise, parce que je crois qu’il y a des moments où il faut appeler un chat un chat. La disponibilité de la communauté internationale est grande. Elle l’a montré par le passé. La France, comme les autres, est volontaire pour permettre à la Bosnie-Herzégovine de prendre sa place dans le concert des nations européennes. Mais il faut aussi, il faut surtout, il faut d’abord que les dirigeants de Bosnie-Herzégovine assument la plénitude des responsabilités et des engagements qui sont les leurs.
Q. : Vous avez tous les deux, aujourd’hui et ces derniers jours, souligné la nécessité de maintenir une force, une présence militaire internationale en Bosnie pour les deux années à venir, pour les deux années de la période de stabilisation. Or, nous avons entendu M. Kinkel, ce matin, dire « une armée et pas un jour de plus » et divers autres alliés apparemment aussi veulent se limiter à un an. Quel est l’enjeu à votre avis et quel est le risque si on ne s’engage que pour un an ?
R. : D’abord, aujourd’hui nous n’avons pas traité de la question du dispositif militaire appelé à faire suite à l’IFOR. Je crois qu’il est, d’ores et déjà, assez clair que, de la part des pays présents sur le terrain, il y a un mouvement assez large d’accord pour poursuivre, dans des conditions, selon des effectifs et selon des règles qui restent à déterminer et qui font l’objet, à l’heure actuelle, de consultations entretenues. Ce sera, bien entendu, à l’Alliance atlantique d’en débattre. Que, d’ici là, chacun donne son point de vue ne me surprend pas.
Q. : II est question des responsabilités du Haut Représentant. Quels sont les nouveaux pouvoirs que l’on envisage de lui conférer pour les deux années qui viennent ? Lorsque M. Bildt a été désigné il y a un an, il avait assumé ses fonctions pour un an. Est-il question de le remplacer ? Dans l’affirmative, par qui ?
R. : Je vais répondre à une partie de la question et je laisserai à M. Bildt le soin de répondre à la deuxième partie.
Je voudrais exprimer devant vous tous la reconnaissance de la communauté internationale, qui a été exprimée de façon forte, ce matin, par les différentes délégations, à l’égard de M. Bildt, personnellement, pour l’engagement qui a été le sien dans une période extrêmement difficile, pour la détermination et l’efficacité dont il a fait preuve. Alors que dans la situation initiale il était clair que la tâche du Haut Représentant serait extrêmement difficile, il a réussi à imposer la fonction au point qu’aujourd’hui nous sommes convenus d’en renforcer le rôle et la mission. Et, cet hommage que j’exprime publiquement devant vous, c’est celui que j’ai entendu de la part de mes collègues, au cours de la réunion que j’ai présidée avec lui, à l’instant.
Ensuite, vous avez pose des questions sur le contenu du renforcement de ses pouvoirs. Il est mieux à même que moi de pouvoir répondre. Vous avez posé une question qui lui est personnelle, à laquelle je ne peux naturellement pas répondre.
Q. : Quelles sont les possibilités pour obliger la présidence collégiale de Bosnie à former un gouvernement d’ici au 4 décembre, la prochaine session ? Quels sont les moyens, les procédés et les possibilités ?
R. : Nous avons fait expressément figurer dans le texte, qui a dû vous être ou va vous être distribué, que parmi les engagements pris par la présidence collégiale, figure la mise en place de l’ensemble des institutions de la Bosnie-Herzégovine, parmi lesquelles, et d’abord, le conseil des ministres. Mais, je le répète, ces engagements sont liés de façon conditionnelle à l’exécution, de notre part des décisions, que nous avons prises. Cela vaut, naturellement, pour le conseil des ministres.
Entretien avec « Ouest-France » (Paris, 14 novembre 1996)
Ouest-France : La Conférence internationale sur la Bosnie qui se tient ce jeudi à Paris vise-t-elle à consolider la paix ou à prévenir le retour de la guerre ?
Hervé de Charette : On est à mi-parcours. Onze mois après la signature à Paris des Accords de Dayton, nous nous réunissons pour décider ensemble d’un plan de consolidation de la paix de deux ans. On ne se bat plus en Bosnie. C’est un progrès formidable mais insuffisant. De tous les problèmes qui restent à régler, le plus important est de savoir si les Croates, les Bosniaques et les Serbes sont décidés à vivre ensemble.
Ouest-France : Deux mois après leur élection, les trois membres de la présidence collégiale bosniaque, représentant chacune de ces communautés, font à Paris leurs premiers pas internationaux. Quel contrat la communauté internationale leur propose-t-elle ?
Hervé de Charette : Contrat est bien le mot. Contrat moral avec la communauté internationale, qui est prête à poursuivre son effort. Mais elle le conditionne désormais à l’engagement des autorités nouvelles de Bosnie-Herzégovine à poursuivre sur la voie de la paix. Le plan de consolidation, dont je rappelle qu’il est d’initiative française, comporte deux étapes : la première en 1997, la seconde en 1998. Quatre fois dans la période, en juin et décembre de chaque année, nous nous réunirons pour faire le bilan de l’action accomplie. Pour décider de la suite à donner et pour vérifier que la Bosnie-Herzégovine nouvelle tient ses promesses.
Ouest-France : Concrètement, que contient ce plan ?
Hervé de Charette : D’abord le renforcement de l’État de droit basé sur une justice indépendante et sur une pleine coopération avec le Tribunal pénal international. Ensuite le retour des réfugiés, qui est un droit sacré, et leur réinstallation. En troisième lieu, le rétablissement de l’ordre et de la sécurité publics. Enfin, des éléments très importants : rétablissement d’un système de formation scolaire, professionnelle et universitaire ; reconstruction d’une économie unifiée. J’y ajoute la stabilisation militaire au niveau d’armement le plus bas possible et le déminage. C’est un projet très ambitieux.
Ouest-France : Comment réussir sa mise en œuvre ?
Hervé de Charette : Il y faut le concours résolu des nouvelles autorités de Bosnie. Il existe maintenant des institutions. II faut qu’elles fonctionnent, qu’elles fassent leurs preuves et qu’elles jouent le jeu. L’objectif est le retrait total de la communauté internationale d’ici deux ans.
Ouest-France : Une force armée multinationale reste-t-elle nécessaire ?
Hervé de Charette : Oui, au début. Je défends l’idée que progressivement, les troupes internationales devront passer la main aux forces de police locales.
Ouest-France : Les soldats américains resteront-ils après le 20 décembre, terme du mandat de la Force internationale (IFOR) ?
Hervé de Charette : Sur les questions militaires, les décisions politiques seront prises dans les semaines qui viennent. Nous, Français, sommes prêts à poursuivre notre contribution pour que la Bosnie retrouve la sérénité, la paix et s’organise comme un État au sein de la communauté internationale. Mais nous ne poursuivrons cet effort qu’en proportion de l’engagement américain.
Ouest-France : Les Européens sont-ils tous sur la même longueur d’ondes ?
Hervé de Charette : En Bosnie-Herzégovine, on a souvent déploré, à juste titre, que l’Union européenne agisse en désordre. Ce n’est plus le cas. D’ores et déjà, on sait que, dans le dispositif militaire futur, le secteur sous responsabilité de l’année française accueillera des contingents italien, espagnol, allemand. Des éléments de la brigade franco-allemande assureront la présence commune de la France et de l’Allemagne. Dans le domaine civil aussi, les États membres définissent ensemble leurs orientations. En Bosnie, l’Europe parle et agit collectivement.
Ouest-France : En diriez-vous autant pour l’Afrique des Grands lacs ?
Hervé de Charette : La France a été le premier pays du monde à « secouer » la communauté internationale. J’ai présenté notre première proposition dès le 4 novembre. Depuis, je n’ai pas cessé de frapper à toutes les portes. On peut dire maintenant que l’Europe s’exprime d’une seule voix. C’était au tour des Africains et des Américains de se prononcer. L’Organisation de l’unité africaine a fait connaître son point de vue en faveur d’une force neutre. Le Canada a marqué sa disponibilité pour assurer le commandement d’une opération à laquelle les Américains sont à présent prêts à participer. Cela va dans le bon sens : la communauté internationale est enfin mobilisée et la décision du Conseil de sécurité de mettre en place une force multilatérale est imminente.
Ouest-France : Pourquoi notre participation à une action de « sécurisation » est-elle récusée par Kigali et les rebelles tutsis du Zaïre, bien que la France ait accepté d’avance un commandement américain ?
Hervé de Charette. : Au Kivu, c’est la guerre. Chacun essaie de tirer la couverture à lui au mieux de ses avantages. Nous n’avons dans cette affaire qu’un seul objectif : tendre une main secourable à ce million de réfugiés qui est actuellement sans vivres, sans eau, sans médicaments ni aucun moyen de secours. Nous tenons aussi à ce que la communauté internationale contribue à la solution des causes de ce drame. C’est pourquoi nous proposons cette conférence des Grands lacs sous l’égide de l’ONU et avec le concours de l’Organisation de l’unité africaine.
Ouest-France : Faut-il, comme le propose Bernard Debré, créer un État hutu en remodelant les frontières entre le Zaïre, le Rwanda et le Burundi ?
Hervé de Charette. : Certainement pas. Je ne crois pas que la communauté internationale puisse accepter des formes nouvelles d’épuration ethnique. Nous travaillons en Bosnie-Herzégovine à ce que les uns et les autres puissent vivre en paix ensemble. Cela fut l’un des principes fondateurs de l’action de la communauté internationale, de la présence militaire française, des sacrifices que nous avons acceptés, notamment en vies humaines. Ce sont les mêmes principes qui fondent notre action en Afrique.
Ouest-France : Quelle leçon commune lirez-vous de ces deux tragédies, celle de Bosnie et celle des Grands lacs ?
Hervé de Charette : Les crises régionales seront sans doute l’un des aspects majeurs de la vie internationale à l’avenir. II faudra que les grands pays – dont la France – soient en mesure d’assumer leurs responsabilités. Nous ne sommes pas les gendarmes du monde. Mais lorsqu’un drame survient, la conscience que nous avons des valeurs que nous défendons ne vaut pas qu’à l’intérieur de nos frontières. La diplomatie française, c’est aussi la défense d’un certain nombre de valeurs humaines essentielles. Nous veillerons à en assumer la responsabilité.
Entretien avec « RTL » (Paris, le 14 novembre 1996)
RTL : Monsieur le ministre, un an après les accords négociés à Dayton, quels sont les objectifs de cette conférence ?
Hervé de Charette : Pendant cette année 1996, en effet, nous avons fait ce que nous avions convenu, c’est-à-dire l’intervention d’une force militaire de 60 000 hommes, la mise en place des premiers éléments de la reconstruction et de l’organisation des nouvelles institutions de la Bosnie-Herzégovine. Cela a été compliqué, il y a eu beaucoup d’incidents, mais il n’y a pas eu de drame.
La France a proposé au mois de juin – et aujourd’hui la communauté internationale adopté – un plan de consolidation de deux ans. Cela veut dire que pour 1997 et 1998 il y a un contrat moral entre les nouveaux dirigeants de la Bosnie-Herzégovine et la communauté internationale. D’un côté, ces nouveaux dirigeants s’engagent à mettre en place les nouvelles institutions, le gouvernement, l’Assemblée, la Cour constitutionnelle ; ils s’engagent à organiser le retour des réfugiés, à assurer la liberté de circulation, à organiser l’économie de marché. Ce sont des engagements lourds, que jusqu’à présent ils n’ont guère tenus, il faut bien le dire. La communauté internationale, en contrepartie, s’engage à les aider et à contribuer à la reconstruction. Mais, dans notre esprit, c’est donnant donnant. Donc, nous ferons le point quatre fois dans cette période de deux ans, tous les six mois, pour vérifier que les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine font ce qu’ils promettent de faire. L’aide de la communauté internationale sera directement conditionnée à la bonne application des engagements pris par les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine.
RTL : Est-ce que la communauté internationale a obtenu cet engagement moral de la part des nouvelles autorités bosniaques ?
Hervé de Charette : Oui. Nous publions dans quelques instants une déclaration commune, dans laquelle il y a les engagements de la présidence collégiale nouvelle de la Bosnie-Herzégovine et les projets de la communauté internationale sur tous les points que nous venons d’évoquer. Je dois ajouter que nous demandons aussi à la présidence collégiale de coopérer avec la communauté internationale pour que les crimes de guerre soient sanctionnés.
RTL : En matière de consolidation de la paix, cette Conférence de Paris est une première étape qui doit être suivie d’une autre étape à Londres, le mois prochain…
Hervé de Charette : Voilà, après la mise en place de ce dispositif valable pour deux ans, qui est donc décidé à Paris, on va entrer à Londres dans le détail pour la première période à suivre, c’est-à-dire pour l’année 1997. On va faire les plans de détail et ce sera suivi d’ailleurs d’une autre réunion, appelée réunion des donateurs, au début de l’année prochaine, pour collecter les fonds nécessaires à la poursuite de l’effort de reconstruction. Je le répète : c’est vraiment un contrat, c’est vraiment donnant donnant, car les dirigeants de Bosnie-Herzégovine ont besoin d’être sous la pression de la communauté internationale, tant il est bien clair que leur enthousiasme à vivre ensemble n’est pas encore évident.
RTL : Cette conférence donne l’occasion à la nouvelle présidence collégiale bosniaque de faire sa première sortie officielle à l’étranger. Comment fonctionne cette présidence collégiale ?
Hervé de Charette : Disons : comme ci, comme ça, et sans la pression permanente de la communauté internationale, il est vrai que les choses n’iraient pas bien. II y a encore beaucoup de difficultés. C’est bien pour cela que j’insiste sur ce contrat moral, sur ce « donnant donnant », parce que, autant nous sommes prêts à aider ces malheureuses populations à sortir de la guerre et à entrer dans une paix durable, autant nous voulons que leurs dirigeants prennent la totalité de leurs responsabilités et respectent leurs engagements.