Conférence de presse de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur la cession du CIC à la Banque fédérative du Crédit Mutuel, la réforme des Caisses d'Epargne, le renforcement de la sécurité du système bancaire et la privatisation du GAN, Paris le 14 avril 1998.

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Circonstance : Vente du CIC (Crédit Industriel et commercial) au Crédit Mutuel le 14 avril 1998

Texte intégral

Dominique Strauss-Kahn : Nous ne sommes pas réunis pour que je vous parle de la reprise de Sofinco par le Crédit Agricole mais pour que je vous parle de la reprise du CIC. Le suspense s’arrête. Le CIC sera cédé à la banque fédérative du Crédit Mutuel.

Tout cela a été une procédure que je crois relativement importante. Importante pour le CIC d'abord, c'est évident puisque vous savez que la décision de privatiser a été engagée en décembre 95 et qu'elle a été suspendue en novembre 96 devant les troubles divers créés par la reprise proposée à l'époque. Donc nous achevons aujourd'hui un processus qui est engagé depuis deux ans. De ce point de vue d'ailleurs, au passage, je vais en profiter pour remercier tous ceux qui ont collaboré avec beaucoup d'ardeur, au GAN, au CIC, au ministère des finances, personnel du CIC aussi de la même manière. C'est aussi important, je crois, pour le secteur bancaire parce que cela montre que de vieilles querelles auxquelles je ne veux pas participer peuvent être dépassées. Je reviendrai sur ce point, sur les vieilles querelles entre les banques à AFB et les mutuelles générales un peu plus tard. C'est important pour le GAN puisque c'est une étape majeure de la privatisation du GAN. J'en dirai quelques mots tout à l'heure en conclusion aussi. Et enfin c'est important pour le contribuable puisque le prix de cession est grosso modo deux fois supérieur à celui de 96, ce qui diminue d'autant l'aide de l'État. Cela diminue de deux manières : parce que la recette est supérieure pour le GAN et d'autre part parce que les 20 % que le GAN continuera de posséder dans le CIC sont valorisés à une valeur d'autant supérieure. Donc au total, dans la valorisation du GAN, cela a un double effet qui diminue massivement l'appréciation de l'aide publique apportée au GAN.

Alors pourquoi le Crédit Mutuel ? Parce que par rapport au cahier des charges, l'offre du Crédit Mutuel est apparue la meilleure. Et l'intérêt suscité d'ailleurs par cette procédure montre que c'est une très belle entreprise aujourd'hui que le CIC, qui est reprise. L'offre est apparue la meilleure au regard de différents critères.

D'abord du critère patrimonial. Vous savez qu'il restait trois offres en course après la première sélection à laquelle c'était livrée la Commission de privatisation. Les trois offres valorisaient 100 % du CIC à environ 20 milliards. Les écarts étaient peu significatifs entre les trois. Ils vont de 2 % à 6 % selon qu’on tient compte ou non des garanties, selon qu’on prend les chiffres bruts ou qu'on tient compte des garanties. Mais même dans l'écart maximum possible, les modalités de calcul donnaient un écart de 6 %, ce qui est à la fois supérieur, je le disais, à peu près le double de 96 et ce qui est nettement supérieur à l'actif net de l'entreprise CIC. Ceci conduit d'ailleurs pour 67 % - puisque je vous rappelle que c'est 67 % du CIC qui sont cédés, pas 100 % - cela conduit pour le repreneur à une valeur de 13 milliards 38. Ça, c'est l'aspect patrimonial.

Vous aurez remarqué que ce qui s'est passé dans la procédure - je ne sais pas si ce que je dis là outrepasse mes droits, peu importe - dans le premier tour ont été éliminées deux offres qui patrimonialement étaient nettement inférieures aux trois qui ont été gardées. L'offre du CCF et de la BNP valorisaient le CIC sensiblement en-dessous des trois autres. Les trois autres, eux, étaient extrêmement proches les uns des autres et donc, dans la deuxième phase, c'est principalement les autres critères (puisque le prix n'était pas un facteur de différenciation majeure) au cahier des charges qui ont servi à différencier les trois offres. Sur ces critères le Crédit Mutuel était soit légal, soit nettement supérieur aux autres offres. C'est vrai de l'identité du CIC, de son ancrage régional qui était un des éléments du cahier des charges où le Crédit Mutuel propose un co-développement entre les deux réseaux et donc la poursuite de l'identité du CIC qui est attestée par la cotation à Paris des titres de la Compagnie financière du CIC. Donc les titres de la Compagnie financière du CIC seront côtés à Paris et les deux réseaux Crédit Mutuel et CIC se développeront en parallèle. C'est vrai aussi du renforcement de la capacité financière et de la compétitivité du CIC. Ce sont 4 milliards de francs qui viendront améliorer la situation du CIC versés par la Banque fédérative. Et sur le plan industriel en matière de compétitivité, c'est la mise à disposition du CIC de toute l'expertise de la Banque fédérative du Crédit Mutuel en matière de monétique. Et vous savez que ce sont sur la place sans doute parmi ceux qui sont les meilleurs en matière de monétique. C'est vrai aussi de l'emploi où la proposition du Crédit Mutuel est nettement supérieure à celle des autres puisqu'elle consiste à maintenir le niveau de l'emploi jusqu'en 2003, ce qui fait une différence assez sensible avec ce que proposaient les deux autres repreneurs. Enfin c'est vrai aussi du partenariat entre le GAN et le CIC qui se renforçait dans cette proposition. Vous savez que le GAN conserve 20 % du capital du CIC. Le Crédit Mutuel a proposé (ce n'est même plus une proposition, c'est un fait) prolongera de trois ans l'accord banque/assurance du GAN et du CIC et donnera au GAN un rôle privilégié en matière de risque industriel. Un pacte d'actionnaires qui sera signé très bientôt entre le Crédit Mutuel et le GAN mettra cela en ordre.

Au total, si on prenait l'ensemble des critères que le cahier des charges avait défini, le Crédit Mutuel apparaissait bien sur l'ensemble du domaine - projet industriel et projet social - comme égal, tantôt égal, tantôt supérieur, même parfois nettement supérieur aux offres des autres repreneurs. Et ceci donne naissance à un groupe qui sera fortement ancré dans les régions - c'était une des conditions mises en avant par le cahier des charges - et qui devrait faire à peu près 10 % des parts de marché du système bancaire français.

La deuxième remarque que je voudrais faire, c'est que cette opération a concilié à la fois l'efficacité puisqu'on arrive au bout (ce qui paraît être évident mais ne l’a pas toujours été) ; et le dialogue et la concertation. De ce point de vue-là c'est vraiment, je crois, un succès collectif. J'ai moi-même rencontré les syndicats, les élus des villes dans lesquelles les banques du CIC sont installées ; les présidents de ces différentes banques. Tout le monde a à l'esprit les images du phénomène de rejet qui s'est passé en 96. Je crois que la discussion très approfondie qu'il y a eu en amont pour la définition du cahier des charges, la soumission, la discussion de ce cahier des charges notamment par les comités d'entreprises ; tout ça a créé une démarche qui se produit pour la première fois dans une opération de privatisation, mais qui a créé un climat qui permet justement à cette opération d'arriver au bout. Alors il faut que le dialogue social continue et le Crédit Mutuel s'est engagé à poursuivre ses dialogues avec le CIC. Il y a trois chantiers qui seront ouverts. Le premier consiste à mettre en place un comité de groupe entre le CIC et le Crédit Mutuel. Le second porte sur la gestion prévisionnelle du personnel ; et le troisième sur l'ouverture d'une négociation sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.

Tout ceci conduit de mon point de vue à un élément important de la restructuration du système bancaire français. Alors je ne doute pas qu'il y aura des critiques, notamment infranchissable dans les différents statuts des entreprises à activité bancaire en France. Moi ça n'est pas mon sentiment et d'ailleurs je constate que, depuis quelques années, les exemples se multiplient qu'il s'agisse du Crédit Agricole et d'Indosuez aujourd'hui étendus au problème de rachat de Sofinco ; qu'il s'agisse de Natixis et des banques populaires. Donc je crois que la communauté d'intérêt qu'il y a entre ces différentes structures fait que petit à petit ces distinctions sont appelées à disparaître. En tout cas je pense qu'il faut dépasser ces frontières, créer une sorte de maison commune dans laquelle chacun pourra avoir son appartement séparé, mes enfants qui a un règlement de copropriété qui fait que chacun a à peu près les mêmes droits et les mêmes devoirs. En tout cas c'est dans cette perspective là que je place mon action. Elle comprendra en matière de restructuration du système bancaire, au-delà de ce que je viens de dire sur le CIC, trois éléments : le premier qui est directement lié à cette opération Crédit Mutuel/CIC et qui est la centralisation des fonds du Livret bleu à la Caisse des dépôts et consignations. Vous savez qu'aujourd'hui le Crédit Mutuel collecte par le Livret bleu des sommes qui sont libres d'emploi pour le Crédit Mutuel. Dorénavant ces fonds seront collectés à la Caisse de dépôt et consignation et auront donc pour objet des affectations d'intérêt général, ce qui réduit considérablement « l’avantage » qu’est censé représenter le Livret bleu.

Le deuxième élément de restructuration du système bancaire, ce sera la réforme des Caisses d’Epargne. Vous savez que Raymond Douillère a remis son excellent rapport il y a quelques jours au Premier ministre. C'est bien entendu le rapport de Raymond Douillère. Le gouvernement n'est pas engagé par le rapport mais beaucoup des éléments qui s'y trouvent seront repris. Et il s'agit de mener une réforme à la fois ambitieuse des Caisses d'Epargne pour mieux les insérer dans le système bancaire, pour faire le choix clair d'une structure qui doit avoir des objectifs de rentabilité mais qui dans le même temps préserve les spécificités des Caisses d'Epargne. Et un projet de loi en ce sens sera déposé avant l’été.

Et le troisième élément, c'est le renforcement de la sécurité du système bancaire. Vous avez constaté qu'il y avait eu un certain nombre de défaillances. Il y a un mécanisme de sécurité mais clairement il manque de moyens, si bien que l'État a dû s'engager à plusieurs reprises pour couvrir des défaillances à partir des finances publiques dans des situations où il n'était pas actionnaire, où a priori il n'avait pas de raison de s’engager. Ainsi, dans le DDOF qui vient d’être voté, vous avez constaté qu'il a fallu une validation législative a posteriori d'une garantie qui avait été donnée par l'État en 95 à la compagnie du BTP pour 590 millions (si j’ai bonne mémoire). Donc je veux sortir de cette situation là et mettre sur pied un dispositif qui garantisse effectivement les dépôts dans l'ensemble du système qu'il s'agisse des banques de la FFB ou des mutualistes. Je travaille aujourd'hui avec le gouverneur qui est en même temps le président de la commission bancaire à cela et ces travaux qui sont engagés, donc ce traitement des crises, aboutiront aussi à un projet de loi qui sera déposé avant l’été.

Alors dernier élément : il reste l'étape de la privatisation du GAN. Vous venez de savoir que les offres fermes doivent être déposées le 14 mai (cela a été un peu retardé à cause du décalage dû à la procédure du CIC lui-même). D'ores et déjà, pour ce qui est du GAN, la plupart des conditions que la Commission de Bruxelles imposait à l'aide d'État (lorsqu’elle a accepté l'aide d'État) ont été remplies. C'est vrai de la session de 2 milliards 9 de participation dites stratégiques qui ont été cédés. C'est vrai de la vente de GAN-LIFE qui a elle seule suffit à couvrir 75 % de ce que la Commission de Bruxelles demandait comme diminution de l'implantation internationale du GAN. Il y a une diminution de l'implantation internationale du GAN qui est demandée par la Commission de Bruxelles. 75 % de ce parcours ont déjà été accomplis par la cession de GAN-LIFE. C'est vrai de la vente des actifs en défaisance qui ont été vendus sans décote par rapport aux valeurs qui avaient été estimées au départ de la procédure. Et c'est vrai de la cession de l’UIC et de l’UIS qui sera finalisée dans les semaines qui viennent. Donc la quasi-totalité, pour ne pas dire la totalité, des conditions préalables à la privatisation de GAN Assurances sont maintenant remplies. La dernière étape c'était la privatisation du CIC. Et donc je pense que sous un mois on aura les offres, sous deux mois grosso modo nous aurons terminé cette affaire qui est ouverte maintenant depuis extrêmement longtemps.

Monsieur X (américain ?) : Il y a donc une énorme consolidation des banques aux USA. On aurait pu croire que ça vous pousserait à aider la création d'une banque,… à la Société Générale qui a des activités internationales et qui est plutôt une banque internationale plus classique que le Crédit Mutuel, est-ce que vous ne croyez pas que ce serait important pour la France d'avoir une banque plus large et internationale ?

Dominique Strauss-Kahn : Je crois que c'est très important qu'en France le mouvement qui existe dans d'autres pays, de rapprochement de structure bancaire, puisse avoir lieu. Vous aurez remarqué que si vous faites référence à ce qui se passe aux États-Unis, c'est à l'initiative des banques elles-mêmes que ceci se passe. Moi j'attends avec une certaine impatience de voir comment les banques françaises ont l'intention de se restructurer et d'acquérir la taille sans doute nécessaire. Mais la comparaison avec ce qui se passe aux États-Unis ne faisait pas partie du cahier des charges. Et dans ces conditions, il ne m'appartenait pas de prendre une décision à l'écart de ce que le cahier des charges, la privatisation du CIC, prévoyait. Je me suis donc conformé aux réponses que chacun des repreneurs proposaient face à ce cahier des charges et c'est dans ce cadre-là que le Crédit Mutuel est apparu comme étant la meilleure solution. Ceci dit, je ne voudrais pas que vous donniez le sentiment par votre question que le Crédit Mutuel n'est pas une banque. Le Crédit Mutuel est aussi une banque. C'est une base domestique très large. Alors il est exact que son implantation internationale est extrêmement faible mais c'est sans doute une des chances aujourd'hui, pour le CIC, que de servir de plate-forme international pour le Crédit Mutuel, et que donc les marges de développement à l'international du réseau CIC sont certainement particulièrement grandes puisque la banque qui en sera l'actionnaire elle-même est peu développée à l'internationale. Sur le fond de votre question, je pense en effet que nous vivons une période de renforcement et de restructuration et j'observerai avec beaucoup d'intérêt ce que les banques françaises seront susceptibles de vouloir construire comme rapprochement.

Monsieur X : Est-ce que vous pourriez développer votre idée de maison commune ? Parce qu’en fait, à première vue, cela va plutôt compliquer la solution… (inaudible) mutualistes contre des banques traditionnelles…

Dominique Strauss-Kahn : Je crois que la distinction « ancienne » est très ancrée dans l'esprit des acteurs français. C'est une distinction qui est un peu dépassée. Je crois que ces banques font maintenant le même métier. Elles font face aux mêmes défis. Elles ont la même mission qui consiste à fournir à l'économie française les moyens de sa croissance. Bref, les conditions de concurrence, les objectifs sont grosso modo les mêmes. Et donc inévitablement cela aboutit à des rapprochements, dont l'illustration (et justement ce que vous évoquiez), c’est-à-dire le fait qu’Indosuez, Natexis ou le CIC puissent trouver des liens avec des structures qui sont des structures mutualistes. Donc la distinction par elle-même tend un peu à disparaître puisque se créent des groupes qui ont un pied de chaque côté. Et par conséquent, à partir du moment où se créent des groupes qui ont un pied de chaque côté, le mariage peut donner lieu à maison commune.

Madame X (inaudible)

Dominique Strauss-Kahn : La commission de privatisation s'est prononcée sur ce dossier. Les arguments qui nous ont conduits à retenir le Crédit Mutuel sont les arguments qui sont ceux de conformité au cahier des charges.

Madame X (inaudible) : … est-ce que l'offre du Crédit Mutuel est à la mieux-disante ?

Dominique Strauss-Kahn : L'offre du Crédit Mutuel n'était pas la mieux-disante. Ce n'était pas non plus la moins-disante. Quant au contrôle interne du Crédit Mutuel, vous savez comme moi qu'il y a certaines banques du Crédit Mutuel sur lesquelles, sans doute, des contrôles plus importants peuvent être justifiés si la Commission bancaire en décide. Cela relève du président de la Commission bancaire.

Monsieur X (inaudible)

Dominique Strauss-Kahn : Pour le GAN il n'y a pas que des candidats étrangers. Je ne sais pas quelle aurait été ma réponse si cela avait été le cas. Mais comme ça n'est pas le cas, je ne peux pas répondre à une question hypothétique.

Madame X (inaudible)

 Dominique Strauss-Kahn: Il y a une législation de ce point de vue-là qui est claire. Il faut que, conformément à la loi, mais c'est au Crédit Mutuel d'en faire son affaire, il doit offrir aux porteurs la possibilité de sortir du CIC. Ils choisiront s'ils veulent le faire ou s'ils ne veulent pas le faire.

Madame X (inaudible)

Dominique Strauss-Kahn : CIC : autour d'une vingtaine de milliards. 100 % du CIC. Les offres et notamment celle qui a été retenue, mais elles sont extrêmement proches, valorisent le 100 % du CIC autour d'une vingtaine de milliards. Et il y a des conclusions à en tirer, évidemment, sur la valeur unitaire [illisible].
Merci.