Article de M. Edouard Balladur, député RPR, dans " La Tribune" du 9 mars 1998, sur la clarification des compétences des régions, intitulé "Construire un avenir européen aux régions françaises".

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Circonstance : Elections régionales du 15 mars 1998

Média : La Tribune

Texte intégral

Le retentissement de cette campagne électorale le démontre suffisamment : les régions, dernières-nées des collectivités locales, sont devenues des acteurs à part entière de la vie nationale.

Les régions n'ont pas vingt ans et souffrent d'un mode de scrutin qui en fait les seules collectivités dont les administrateurs sont élus dans un ressort territorial différent de celui qu'ils ont la charge d'administrer.

Pourtant, la région est, de toutes les collectivités locales, la seule dont les dépenses d'investissement ou d'équipement excèdent les dépenses de fonctionnement : elles représentent 60 % du montant total des budgets régionaux et leur part devrait encore augmenter dans l'avenir. Cela signifie que la région consacre l'essentiel de ses ressources aux missions qui lui ont été confiées par le législateur. Ces missions sont de trois ordres.

Le développement économique est, depuis la loi de 1972, une fonction privilégiée des régions, qui détiennent, en théorie, le monopole de l'octroi des aides aux entreprises. La formation est devenue une compétence essentielle des régions, la plus importante même au point de vue budgétaire. La loi du 22 juillet 1983 a confié à la région d'importantes responsabilités dans le domaine de l'enseignement secondaire : à elle incombe la charge des lycées et des établissements d'éducation spécialisée. C'est aussi dans le domaine de l'enseignement supérieur que se développent les compétences régionales, qui couvrent également l'apprentissage et la formation professionnelle.

Le cadre de vie est la troisième facette de l'activité des régions. Cela suppose d'abord de réfléchir à l’organisation globale de l'espace, à travers la conception et la mise en œuvre d'un schéma régional d'aménagement du territoire : la Sdaurif, par exemple, en Île-de-France. Cela suppose ensuite une action menée secteur par secteur : dans l'habitat par exemple, mais aussi dans les transports avec la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982. En Île-de-France, cet aspect de l'activité de l'exécutif régional est essentiel, eu égard à l'engorgement des voies de communication et à la pénibilité des transports : la priorité est et demeure l'amélioration des relations de banlieue à banlieue (Orbitale, Lutèce, A 86, la Francilienne ...). Mais il reste à la région capitale à devenir l'autorité organisatrice unique en matière de transports.

La défense du cadre de vie passe enfin par un souci de mieux respecter l'environnement. La loi a doté la région de certaines compétences en matière d'élimination des déchets. Les régions peuvent aussi, de leur propre initiative, mettre en œuvre des politiques de protection.

La présentation des compétences de la région débouche sur un constat : notre mode d’administration territoriale souffre de l'absence de blocs de compétences homogènes correspondant à chaque collectivité locale.

Loin de dégager des blocs clairs de compétences et de moyens, le partage des compétences né de la sédimentation des lois de décentralisation a entraîné une certaine dilution des responsabilités. La moindre action fait intervenir L’État, la région, le département, la commune. Chacun agit et finance un peu, mais qui est responsable ? Les élus ne le savent plus guère. Les électeurs moins encore, ce qui est malsain pour l'avenir de la démocratie locale.

Aussi est-il urgent de mieux définir les compétences des différentes collectivités locales. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 avait prescrit que les compétences fussent réparties « de manière que chaque catégorie de collectivités territoriales dispose de compétences homogènes ». Je souhaite que les pouvoirs publics fassent en sorte que ces dispositions reçoivent application.

Serait-ce le cas que cette clarification resterait insuffisante pour que notre pays soit en mesure d'affronter de plain-pied la compétition européenne. La France présente en effet la particularité de compter un nombre d'échelons d'administration territoriale sans exemple dans les pays voisins : plus de 36 000 communes, 100 départements, 26 régions. Il n'est pas certain que cette structure, et l'éclatement des compétences qui la caractérise, soit la mieux à même de permettre à notre pays d'être au rendez-vous de l'Europe des régions. Comment faire jeu égal avec les 16 Länder allemands, les 18 communautés espagnoles ou les 20 régions italiennes, si nous nous obstinons à ne pas réformer notre administration territoriale et à nous accommoder de chevauchements de compétences inextricables ?

C'est pourquoi, je souhaite que la réforme de l'administration territoriale que j'appelle de mes vœux consacre la notion de collectivité locale chef de file. Ainsi les régions pourraient-elles se voir reconnaître un tel rôle dans les domaines de l'enseignement, de l'action économique et de l'aménagement du territoire. L'efficacité administrative aurait tout à y gagner, de même que la clarté des choix démocratiques. En tout état de cause, il serait utile que les prochains exécutifs régionaux prennent des initiatives en ce sens.

J'ai proposé, pour l’Île-de-France, que les élus des communes, des départements et de la région se réunissent sans tarder après le 15 mars pour définir les moyens permettant, au prix d'un réexamen attentif de l'exercice de leurs compétences respectives, d'obtenir une stabilisation de la fiscalité locale. Ma conviction est que les deux sujets sont intimement liés. Les régions doivent devenir l'exemple d'un mode nouveau d'administration, efficace et peu coûteux. C'est un défi qu'il appartiendra à l'opposition républicaine et libérale de relever, partout où elle aura recueilli la confiance des électeurs.

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