Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Quelques considérations habituelles sur le CAG au point où il en est. Vous savez le sujet qui a dominé les travaux de la matinée, le plus important concernait la conférence ministérielle de Singapour, conférence de l’Organisation mondiale du commerce. Les conclusions du Conseil, proposées par la présidence, ont été approuvées, notamment par la France. Ces conclusions soulignent l’importance des ambitions plus fortes aux travaux de cette conférence ministérielle et, par conséquent, de renforcer le texte de déclaration tel qu’il est aujourd’hui préparé à Genève. Avec plusieurs autres délégations, nous avons, en particulier, fait valoir qu’il faut respecter pleinement les engagements pris à Marrakech, par exemple, en ce qui concerne les négociations sur les télécommunications de base et celles sur les technologies de l’information. Mais, il faut aussi progresser sur d’autres secteurs nouveaux et nous visons en particulier la protection mondiale des investissements et la question, très importante à nos yeux, des normes sociales. Enfin, la France attache de l’importance à ce que les pays les moins avancés soient mieux intégrés dans le commerce mondial et que, par conséquent, on leur facilite l’accès au marché. Telles sont les positions françaises et j’ai le sentiment aussi que cela correspond aux idées partagées par les pays membres de l’UE, à quelque 15 jours de l’ouverture de cette très importante conférence ministérielle, puisque ce sera la première conférence ministérielle après la création de l’OMC. La délégation française a rappelé, en outre, que le Conseil européen de Florence avait donné mission à la Commission européenne de préparer, pour sa prochaine réunion, à Dublin, une étude sur la question des zones de libre-échange. Nous attendons toujours ce texte. Pour dire la vérité, nous avons le sentiment que la Commission n’y travaille pas avec l’acharnement qu’elle sait mettre quand elle le veut bien. Il nous semble que, de ce point de vue, il est urgent de rappeler à la Commission ce que lui a demandé le Conseil européen à Florence et qu’il est en droit d’exiger pour Dublin.
Nous n’avons pas encore parlé du Zaïre, nous allons en parler tout à l’heure. Je veux néanmoins en dire quelques mots. Comme vous le savez, les Européens ont convenu de faire de leur action, une action commune de l’UE. Cette décision a été prise formellement au conseil développement, vendredi dernier, mais je voudrais insister auprès de vous sur l’importance de cette décision qui marque la volonté partagée des Européens de travailler ensemble sur cette question essentielle. Vous savez aussi que les Européens ont chargé l’UEO, en application de l’article J4 du traité de l’Union, d’apporter son soutien à l’action internationale, y compris sur le plan des moyens militaires. C’est une décision importante qui illustre ce que nous voulons faire dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, qui est, je dois vous le rappeler, un chapitre essentiel du débat en vue de la révision du traité de l’Union. Je voudrais vous rappeler que la résolution 1080 du Conseil de sécurité garde toute sa force. Cette résolution a prévu à la fois de porter secours aux populations réfugiées et déplacées qui se trouvent au Kivu et de faciliter le retour des réfugiés vers le Rwanda. Cela signifie que l’intervention internationale doit s’exercer de part et d’autre de la frontière entre le Rwanda et le Zaïre. Naturellement, chacun ne peut que se féliciter de constater que de nombreux réfugiés sont rentrés au Rwanda. On annonce plusieurs centaines de mille. Il faut être prudent sur les chiffres, mais on a évoqué 400 000 à 500 000 personnes. Depuis deux ans, c’est-à-dire depuis la crise de 1994, la France n’a pas cessé de plaider en faveur du retour volontaire des réfugiés rwandais dans leur pays. C’est pourquoi nous estimons, comme un fait positif et encourageant, les retours qui ont eu lieu au cours des dernières semaines, et dès lors il convient d’aider les autorités rwandaises à accueillir les réfugiés. Il faut d’ailleurs, dans le même temps, prendre des dispositions pour veiller à ce que cet accueil se fasse dans de bonnes conditions, et notamment de bonnes conditions de sécurité. La demande a été formulée d’augmenter le nombre des observateurs, de les porter de 103 à 300. C’est évidemment une initiative que la France soutient. Cependant, de nombreux réfugiés rwandais restent présents au Zaïre : dans plusieurs zones, dans le Nord, où le retour n’a pas été complet, chacun le sait. On évalue à plus de 100 000 ceux qui errent sur les routes dans cette partie de la province du Kivu, mais aussi dans le Sud. Il est difficile de faire des évaluations, des chiffres contradictoires sont avancés : pour les uns 250 000, pour d’autres 500 000, pour d’autres encore 600 000 ou 700 000. Il n’en demeure pas moins que cela prouve qu’il est désormais nécessaire, qu’il continue d’être nécessaire, de sécuriser le Kivu, pour permettre la distribution d’une aide par l’action internationale, par les organisations non-gouvernementales, par les organisations spécialisées, conformément à ce qui a été décidé par le Conseil de sécurité. Le Canada, qui a accepté d’assumer la responsabilité du commandement de la force internationale envisagée et qui, à ce titre, assure la responsabilité de coordonner la réflexion des pays qui ont participé ou qui y participeront, est à l’origine d’une réunion qui est prévue aujourd’hui, à New York, faisant suite aux travaux des états-majors à Stuttgart. Je voudrais redire la position de la France : la force internationale, qui a été décidée par la résolution du Conseil de sécurité, il y a maintenant 10 jours, est plus que jamais nécessaire et urgente. Personne ne conteste aujourd’hui l’existence, la présence, de plusieurs centaines de personnes réfugiées ou de personnes déplacées. Il y a quelque chose de misérable, de sordide, dans les décomptes que j’entends ici et là, qui auraient pour objet, si j’ai bien compris, de se dispenser d’une intervention que la responsabilité des nations nous commande de faire et que le Conseil de sécurité nous a enjoint. Enfin, la France rappelle le caractère intangible de la frontière entre le Rwanda et le Zaïre, comme la nécessité de réunir rapidement, sous l’égide de l’ONU, avec le concours de l’OUA, la conférence pour la paix dans la région des Grands Lacs, afin de régler les problèmes de fond qui existent dans cette région et dont l’absence de règlement est la cause des difficultés que nous connaissons aujourd’hui.
Nous avons évoqué plusieurs questions concernant l’ex-Yougoslavie, j’ai naturellement rendu compte des travaux de la Conférence de Paris, qui a été un succès. J’ai constaté d’ailleurs que les différents partenaires ont exprimé leur satisfaction. Nous préparons la Conférence de Londres, le 5 décembre prochain, qui est également importante. Nous avons évoqué l’approche régionale adoptée par l’UE dans ses relations avec les républiques issues de l’ex-Yougoslavie. C’est un projet qui est confirmé. Enfin, nous avons parlé de la situation en République fédérale de Yougoslavie. Constatant qu’au sein du Conseil apparaissait un certain désaccord entre ceux, apparemment majoritaires, qui souhaitaient que soit confirmée l’extension des mesures à caractère commercial à l’endroit de la République fédérale de Yougoslavie et ceux qui y étaient opposés, et qu’elle disposait d’une minorité de blocage. En ce qui concerne la proposition de la France, la solution qui a été retenue a été de confirmer le principe de l’extension de ces mesures au bénéfice de la République fédérale de Yougoslavie et de nous revoir le 6 décembre prochain, en vue de leur mise en œuvre.
Quelques mots sur le Moyen-Orient. La principale information, c’est que la mission de M. Moratinos a été confirmée, qu’elle est désormais une action commune de l’UE, c’est un progrès important.
Enfin, tout à l’heure, va se tenir la réunion de la Conférence intergouvernementale. La France, comme vous le savez, prend au sérieux les travaux de cette conférence. Nous sommes attachés à donner la priorité aux réformes institutionnelles. Il s’agit d’une question centrale, dont l’absence de résolution serait de nature à soulever beaucoup de problèmes, au fur et à mesure de l’élargissement de l’Union, progressivement privée de sa capacité à prendre les mesures nécessaires à sa vie quotidienne. De ce point de vue, nous souhaitons qu’à Dublin les chefs d’État et de gouvernement disposent d’un projet de traité, même si toutes les questions ne sont pas résolues et si, par conséquent, certaines formulations devront être placées entre crochets avec des options possibles. Il faut bien finir par avoir un texte entre les mains, sur lequel on travaille. Nous demandons aussi que la présidence, comme cela a été convenu à Dublin, en octobre dernier, fournisse à ses collègues, un document cadre. Cela pourra permettre de centrer le débat dans la deuxième phase de la négociation qui doit s’ouvrir en janvier prochain sur les questions centrales et essentielles de cette négociation très importante.
Voilà Mesdames et Messieurs, quelques considérations sur les travaux que nous conduisons.
Puis-je saisir cette occasion pour vous dire combien je me félicite du retour de la lire dans le mécanisme de change européen. Ce n’est pas simplement une bonne nouvelle, c’est une excellente nouvelle et cela signifie que l’Italie est engagée, de façon déterminée, dans le choix de sa présence au sein de l’UEM, dans sa troisième phase selon le même calendrier que le nôtre. C’est un élément que je jugeais extrêmement important avant la négociation qui s’est achevée hier, et que je juge extrêmement positif aujourd’hui. Comme j’observe que de son côté l’Espagne fait preuve d’un très grand courage et d’une très grande détermination, ce sont autant de signes positifs qui donneront demain à l’euro sa vraie dimension. Voilà.
Q. : (Sur le Zaïre.)
R. : Je maintiens qu’il y a urgence ; je crois avoir été le premier à réclamer sur tous les tons, sur toutes les radios, les TV, l’urgence de l’intervention humanitaire. Les événements qui se sont déroulés depuis lors ne font que confirmer la nécessité de cette intervention. Certes, il y a eu l’événement positif du retour au Rwanda d’un nombre important de réfugiés. C’est une nouvelle positive. Ça ne dispense pas la communauté internationale de sa responsabilité qui reste forte et je suis choqué devant cette espèce d’apathie que l’on dissimule derrière d’interminables discussions. Est-ce que c’est parce que ce sont des Africains que la communauté internationale s’y intéresse moins ? Songez à ce que serait la réaction du monde si ces événements se passaient quelque part en Europe. Les Africains sont d’égale dignité à tous les autres êtres humains. Les nations chargées de responsabilités ont des devoirs. C’est ce que je pense. Je n’entends donner de leçons à personne, je n’entends accuser personne, je me borne à dire ce que je crois, ce que je pense, personnellement. On ne peut exercer les fonctions de ministre des Affaires étrangères avec froideur et indifférence.
Les décisions sont à prendre au sein du Conseil de sécurité. Je le répète, la réunion qui a eu lieu aujourd’hui, à New York, est une réunion politique, une réunion de grande importance. Comme vous le savez, la France a toujours réclamé qu’il y ait la participation de forces européenne, africaine et américaine. Elle s’y tient, pour des raisons qui tiennent à l’analyse que nous faisons de la région. La France est toujours décidée à apporter sa contribution.
Q. : (Inaudible.)
R. : Encore une fois, je n’ai pas l’intention de montrer du doigt, d’accuser, de donner des leçons. Je le dis ici, je crois qu’il y a une grande urgence. Un grand devoir s’impose à nous, nous, les pays qui avons les moyens, nous, les pays qui disposons de la capacité de faire, nous, les pays qui prétendons donner des leçons au monde entier, nous qui avons des responsabilités.
Q. : (Inaudible.)
R. : Il faut agir à la fois au Rwanda, où il y a 500 000 réfugiés qui sont présents et dont il faut s’occuper sur le plan humanitaire, où il faut également prendre des dispositions dans le domaine de la sécurité, de la protection des droits de l’homme. J’observe d’ailleurs que le Rwanda les demande ; au Kivu, parce qu’il y a des réfugiés et des personnes déplacées en grand nombre. Je vous informe d’ailleurs que j’ai demandé au Haut-Commissariat aux réfugiés de fournir officiellement des évaluations, des informations, les plus précises possibles, parce qu’après tout ils ne seraient que 10 000. Le devoir serait le même, le devoir n’est pas une question de nombre, c’est une question d’utilité.