Article de M. Jean-François Trogrlic, secrétaire national de la CFDT, dans "CFDT Magazine" d'avril 1997, sur la position de la CFDT favorable à l'Euro.

Prononcé le 1er avril 1997

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Média : CFDT Magazine

Texte intégral

La création d’une monnaie unique dans un ensemble de quinze pays est un événement sans précédent dans l’histoire. Pour la première fois, de vieilles nations décident librement et démocratiquement de s’unir. La CFDT, fidèle à son engagement européen ancien et constant, a pris position en faveur de l’Euro, suite logique de tout le mouvement de progression de l’unité européenne.

Elle y adhère d’abord parce que l’Euro offre un cadre favorable au retour de la croissance économique, condition nécessaire à la décrue du chômage. L’Euro est un atout supplémentaire : en harmonisant nos économies, il évite les préjudices d’une concurrence que se livrent nos pays à coups de dévaluations compétitives.

S’il constitue une étape nécessaire mais pas suffisante, le passage à la monnaie unique est rendu indispensable par les circonstances géopolitiques. Cette fin de siècle est marquée par l’émergence de nouvelles puissances régionales, notamment en Asie et en Amérique latine. Ces évolutions sont positives si elles réduisent la pauvreté et les écarts de développement trop scandaleux à travers le monde. L’Europe doit s’y adapter. L’avènement de l’Euro lui permet de sortir du cloisonnement de petits espaces nationaux. C’est la condition pour que chacun des pays européens puisse retrouver une croissance économique plus vigoureuse.

La France ne souffre pas d’un « trop d’Europe », mais bel et bien d’un « manque d’Europe ». La dénonciation de l’Europe tient lieu de démagogie et sert de cache-misère à l’immobilisme le plus complet, celui-là même qui plonge aujourd’hui 18 millions d’Européens dans le chômage. En même temps, l’Europe sert trop souvent d’alibi à des politiques économiques (lutte contre l’inflation et les déficits publics) qu’il faut de toute façon conduire.

Reste que l’Euro ne résout pas tous nos problèmes. Son avènement inquiète parfois l’opinion, mais il révèle surtout des angoisses et des peurs légitimes auxquelles il faut répondre. Pour consolider l’Europe et son modèle social auxquels ils aspirent, les Français, et la CFDT avec eux, sont prêts à des efforts à condition d’être écoutés, informés, à condition aussi qu’ils aient la certitude que ces efforts soient partagés. S’il offre un cadre favorable au retour de la croissance et donc de l’emploi, l’Euro ne nous dispense certainement pas de maintenir la pression pour imposer la réduction du temps de travail et continuer la réforme de la protection sociale.

L’Europe est une opportunité sans équivalent. Elle n’est pas non plus la potion magique. Mais elle est la condition pour retrouver des marges de manœuvre économiques dans un monde où seuls « les grands » fixeront les règles du jeu.

L’Europe ne réglera pas nos problèmes à notre place. La France est peut-être le pays qui affiche le plus son attachement à l’égalité, et c’est pourtant sans doute le pays qui la pratique le moins. Saurons-nous résoudre cette contradiction ?