Texte intégral
Q. : On est presque surpris de voir un émissaire européen en Israël...
R. : Vous avez raison !
Q. : ...tant on a parlé hier des difficultés qu'a eues le « docteur Chirac », comme l'a appelé Yasser Arafat, à convaincre les partenaires...
R. : Cela fait 15 ans qu'on discute au Proche-Orient. Jamais on ne s'est préoccupé de voir l'Europe présente. Pourtant, si vous regardez les chiffres de l'aide économique dans toute cette région, c'est la France et l'Europe qui contribuent, et pratiquement jamais les États-Unis, sauf dans le cas particulier d'Israël. Je crois que l'Europe a montré à Dublin qu'elle avait des choses à dire.
Q. : Ce fut difficile ?
R. : Oui, il a fallu que le Président de la République et moi-même nous insistions, car, pour la première fois, il y avait une demande. Jusqu'à présent, personne ne nous demandait, donc nous n'étions pas là. Mais le Président Arafat a demandé publiquement, à Paris, de façon insistante, que l'Europe soit là. Je crois que c'était justifié car nous connaissons bien cette région, nous sommes au Moyen-Orient pour ce qui nous concerne depuis neuf siècles. Cela cite des liens et nous pensons que nous pouvons être utiles dans le processus de paix en étant attentifs aux uns et aux autres aux préoccupations de sécurité des Israéliens et aux préoccupations de développement, d'autonomie et d'indépendance des Palestiniens.
Q. : L'Europe ne participe pas directement à ces pourparlers, à Erez. L'Europe n'était pas invitée au Sommet de Washington. Pourquoi l'Amérique exclut-elle l'Europe, la France particulièrement, de ce processus de paix ?
R. : Je crois que c'est un peu plus compliqué que cela. Ce qui est important, c'est que le ministre des affaires étrangères irlandais qui assume la présidence de l'Europe soit aujourd'hui sur place, pour s'adresser aux uns, à M. Netanyahou qu'il va rencontrer, aux autres, au Président Arafat qu'il va rencontrer, pour leur dire quel est le sentiment européen dans cette affaire. Je vais vous le dire, il est très simple : il faut reprendre le processus de paix et la seule façon de le reprendre, c'est d'abord d'appliquer ce qui a été convenu entre M. Arafat et le précédent gouvernement israélien, qui a engagé Israël. Ensuite, c'est d'être très attentif aux préoccupations de sécurité d'Israël. Les uns et les autres doivent reprendre ce processus-là, il n'y a pas d'autre chemin que celui-là. Nous attendons la paix, nous sommes persuadés que, sur place, les uns et les autres la recherchent aussi. Nous pensons que nous pouvons les citer trouver ce chemin qui apparemment est difficile.
Q. : Quel est votre sentiment après l'échec du Sommet de Washington ? Le Premier ministre israélien a-t-il vraiment l'intention de faire la paix, de faire un geste ?
R. : Je me réjouis que les pourparlers reprennent, mais en même temps, je ne vous cache pas que je suis inquiet parce que, jusqu'à présent, depuis plusieurs semaines, non seulement il ne s'est rien passé mais on a plutôt reculé.
Q. : On a vu quelques gestes israéliens sur place ?
R. : Félicitons-nous-en et espérons que cela va continuer.
Q. : Nous allons reparler du Sommet de Dublin qui était un sommet informel, une grande répétition générale avant le prochain Sommet de Dublin en décembre, concernant la réforme des institutions. L'Europe de Maastricht va-t-elle vraiment voir le jour ?
R. : L'Europe de Maastricht est en place, depuis le 1er janvier 1993.
Q. : Peut-on éviter l'Europe à deux vitesses ?
R. : Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut changer un certain nombre de choses. Aujourd'hui, et c'est ce qui est important, on est quinze. C'est déjà compliqué à faire fonctionner. Demain, avec l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, on sera 20, 25 ou 30 et cela ne marchera plus. Il faut donc simplifier les institutions. C'est ce sujet qui fait l'objet de discussions passionnées, beaucoup sont techniques, mais elles véhiculent une idée très simple : comment peut-on améliorer le fonctionnement de nos institutions européennes pour être en état de prendre des décisions qui soient conformes à l'intérêt général de nos peuples.
Q. : Monsieur le ministre, puisque vous partez demain pour la Russie, je voudrais que vous commentiez avec cette image tout à fait insolite, car pour sa première visite en occident, on a vu aujourd'hui à Bruxelles, le général Lebed qui a été personnellement invité par le secrétaire général de l'OTAN qui n'espère, évidemment pas le faire changer d'avis. Nous connaissons ses positions par rapport à l'élargissement de l'OTAN aux pays de l'Est, mais, au sein même de l'Organisation atlantique, certains doutent de l'intérêt de cette visite au moment où Alexandre Lebed, candidat à la succession de Boris Eltsine semble plutôt politiquement isolé à Moscou.
R. : Ce sont tout de même des événements formidables. Il y a à peine sept ans que le mur est tombé. À l'époque, il y avait deux pactes, l'un contre l'autre, le pacte de Varsovie pour l'Union soviétique et l'Alliance atlantique. Maintenant, on voit un haut dirigeant russe qui est invité et qui vient au siège de l'Alliance. C'est donc que l'on progresse. Je vais à Moscou en effet. J'y serai demain soir. Je passerai 36 heures à discuter avec mon collègue russe, M. Primakov de ces questions de sécurité en Europe. Le grand changement est très facile à comprendre. Il n'y a plus d'affrontement. Il faut donc organiser la sécurité de l'Europe pour nous, pour les pays d'Europe centrale et orientale et pour la Russie, dans des conditions où chacun s'y retrouve, c'est-à-dire où chacun a le sentiment qu'il est protégé contre les risques éventuels. C'est cela que nous essayons de faire. Non plus la confrontation, mais la coopération dans ce que nous appelons une architecture européenne de sécurité. Cela veut dire un système où chacun a les garanties qui lui donnent toutes les assurances nécessaires.