Déclaration de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, sur le rôle de Rhône-Poulenc Rorer dans l'industrie pharmaceutique, la consommation de médicaments et la maîtrise des dépenses de santé, Le Trait (Seine-Maritime) le 6 avril 1998.

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Circonstance : Inauguration de la chaîne Lovenox de Rhône-Poulenc Rorer, au Trait (Seine-Maritime) le 6 avril 1998

Texte intégral

Monsieur le Directeur,
Cher Monsieur Brisson,
Cher Igor Landau,

Je suis particulièrement heureux d’être avec vous aujourd’hui. J’ai tenu à répondre à votre invitation car je voulais, à l’occasion de l’inauguration de la chaîne Lovenox dans cette usine du Trait, saluer l’entreprise.

Rhône-Poulenc Rorer est à mes yeux une entreprise exemplaire :
- premier groupe pharmaceutique français et entreprise pharmaceutique d’envergure mondiale, résolument tournée vers l’international ;
- entreprise citoyenne, partenaire privilégié des pouvoirs publics ;
- laboratoire pharmaceutique largement engagé dans la recherche de l’innovation et dans la mise à disposition de produits adaptés aux besoins de la santé : de l’automédication avec Théraplix, à la thérapie génique avec RPR Gencell, du produit innovant au développement des génériques avec Bio galénique.

Pasteur Mérieux Connaught, numéro un mondial dans le domaine des vaccins, et Rhône-Poulenc Rorer font de Rhône-Poulenc, un agent économique majeur au sein de l’industrie pharmaceutique mondiale. Son avenir est conditionné par son développement international. Vous l’avez compris, vous y avez œuvré avec volonté et réalisme. C’est tout une culture que vous avez acquis. Vous êtes sur le chemin de la réussite.

De plus vous avez réussi à concilier cette expansion avec une présence sur le territoire national forte et un partenariat exemplaire avec les pouvoirs publics et les différents acteurs de la santé de notre pays.

Conscients des enjeux liés aux investissements industriels et à la création d’emplois, vous vous êtes également fortement engagés pour contribuer à la maîtrise des dépenses de santé. Je pense notamment aux efforts que vous avez consentis dans le domaine des médicaments génériques, pour contribuer au bon usage du médicament et à une gestion optimisée de certaines maladies ou en diminuant vos dépenses promotionnelles – plus que le reste de la profession – tout en maintenant des efforts de recherche soutenus – supérieurs à ceux de la profession en France.

Avant de visiter le site du Trait et cette nouvelle chaîne Lovenox, je veux vous dire quelques mots sur ce produit parce que lui aussi est exemplaire.

Exemplaire par son apport à la santé publique. On entend de plus en plus parler d’iatrogénie médicamenteuse. Ce sujet ne peut être occulté, notamment parce qu’une partie des effets indésirables des médicaments est évitable. C’est cette partie évitable qu’il nous faut mieux cerner et prévenir. C’est l’enjeu du bon usage du médicament. Mais il faut aussi rappeler ce qu’apporte le médicament à la santé des hommes, à la santé de millions de malades chaque jour. Les héparines de bas poids moléculaires sont efficaces pour prévenir et pour guérir des maladies graves et fréquentes.

J’évoquais la sécurité des médicaments. Vous avez souligné, Monsieur le Directeur, les précautions prises pour garantir la qualité et la sécurité de Lovenox tout au long de ses étapes d’extraction, de fractionnement, de purification et de conditionnement en seringues stérilisées. C’est aussi un point essentiel. La sécurité c’est l’impératif premier pour tout médicament. Elle est faite d’exigences et de contrôles multiples. Les laboratoires pharmaceutiques s’y sont engagés depuis plusieurs années. Les pouvoirs publics, l’inspection et les contrôles de l’agence du médicament ont été également renforcés considérablement. Tant et si bien que les médicaments servent aujourd’hui de référence pour les autres produits de santé. On le voit bien dans le cadre de la loi actuellement discutée au Parlement sur le renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme. C’est bien à partir de l’expérience du médicament que nous avons réfléchi pour définir un dispositif qui encadrera l’ensemble des produits de santé et l’ensemble des produits destinés à l’homme, en adaptant bien entendu ce dispositif aux différents types de produits concernés.

A côté de son efficacité et des mesures prises pour assurer sa sécurité, l’histoire du développement de Lovenox me paraît elle aussi exemplaire : cette recherche systématique et ininterrompue des potentialités du produit dans différentes maladies. Vous avez su ne pas vous contenter des premiers résultats pourtant déjà gratifiants. En témoignent les résultats obtenus dans la maladie veineuse, puis dans la maladie artérielle, ce succès récent dans l’angor instable et dans les infarctus sans onde Q, et vos expériences dans les accidents vasculaires cérébraux et dans l’embolie pulmonaire.

Vous avez également cherché à développer des présentations mieux adaptées aux besoins des malades et vous étudiez les possibilités d’une utilisation éventuelle de Lovenox en ville. Je suis particulièrement attaché à ces approches car elles témoignent de la prise en compte d’abord et avant tout du malade et parce qu’elles ouvrent les perspectives des conditions de sa prise en charge qui ne peuvent se limiter à l’hospitalisation.

La chaîne de fabrication et de conditionnement du Trait participe à la production du produit pour le monde entier : une importation régionale, des investissements importants, des créations d’emplois – et je suis frappé par la jeunesse de vos collaborateurs et de vos collaboratrices qui sont ici majoritaires – tout cela dans l’intérêt de la France et orienté en grande partie vers l’exportation.

Cette histoire est une réussite. Le produit est présent, vous nous l’avez rappelé, dans plus de 70 pays, dans les plus grands pays, sur les grands marchés. C’est devenu le premier produit de Rhône-Poulenc Rorer.

Je voudrais pour finir revenir sur le rôle d’entreprise citoyenne joué par Rhône-Poulenc Rorer.

Nous avons devant nous des échéances financières difficiles. « Comme toujours » me direz-vous, et « c’est inéluctable les dépenses de médicaments ne peuvent que croître », rajouteront certains. C’est peut-être vrai. Toutes les maladies ne sont malheureusement pas guéries, le champ des découvertes reste largement ouvert. Ces découvertes seront coûteuses ; elles devront être financées. L’innovation doit être justement rétribuée. Elle le sera mais à deux conditions : qu’il s’agisse de vraies innovations et que les marges de financement qui existent soient dégagées.

Il n'y a aucune justification, dans un pays riche comme le nôtre, à imposer un rationnement des dépenses. Mais il serait inacceptable, compte tenu des contraintes économiques que l’on connaît, de ne pas se soucier du caractère justifié de la dépense consentie qui va croissant. Les dépenses que l’assurance maladie consacre aux médicaments seront désormais fondées sur des seules considérations de santé publique. Les modalités de prise en charge des médicaments doivent dépendre du service médical qu’ils rendent et de l’amélioration du service qu’ils apportent compte tenu de l’existant.

Les marges financières existent pour l’assurance maladie, elles nécessitent :
- une réduction des volumes dans les classes pour lesquelles on constate une surconsommation abusive. Vous le savez, nous avons avec Martine Aubry fixé un objectif de réduction de consommation des antidépresseurs et de certains antibiotiques de 10 % dans les dix huit mois, de manière à infléchir durablement les tendances pour ces médicaments ;
- la réévaluation des conditions de prise en charge et des prix dans les classes médicamenteuses où le service médical rendu s’avère insuffisant nous apportera également des disponibilités. Nous avons demandé au comité économique d’engager immédiatement cette réévaluation ;
- le développement des génériques est également un enjeu majeur pour notre pays. J’attends un engagement de tous en la matière et notamment des médecins et des pharmaciens. On observe depuis le début de l’année un frémissement. Il est encourageant mais insuffisant. Je demande aux industriels et à Rhône-Poulenc Rorer de ne pas relâcher leurs efforts ;
- enfin nous devons favoriser l’automédication. Je suis ouvert à des propositions concrètes pour le permettre.

C’est ensemble que nous devons réussir. Il en va de la pérennité de notre système d’assurance maladie et surtout de l’intérêt des malades.

Concrètement, je sais que la lisibilité est un impératif pour la gestion de vos entreprises. Je sais que vous attendez la parution de certains textes réglementaires. Mais les orientations sont désormais connues, les objectifs sont fixés. Vous devez vous préparer à leur déclinaison avec Jean-François Bénard.

La poursuite d’objectifs collectifs – réévaluation, réduction des volumes, réduction de la promotion – est certes une contrainte supplémentaire dans votre discussion avec le comité économique du médicament. Mais elle n’est pas incompatible avec la contractualisation par laboratoire.
Rhône-Poulenc Rorer a été au rendez-vous des premières conventions. Il nous faut continuer à avancer ensemble. Je compte sur vous.