Texte intégral
G. Leclerc : Vous êtes un homme tranquille, puisque vous avez la chance d’être l’un des treize députés élus dès le premier tour. Le deuxième tour s’annonce beaucoup plus difficile pour la majorité. Le salut passe-t-il par le ticket gagnant Séguin-Madelin ?
B. Pons : Je crois que le ticket Séguin-Madelin peut être un ticket gagnant. Je crois qu’il est porteur de ce qu’a indiqué le président de la République : un changement d’hommes, un changement de méthode et la volonté d’appliquer la politique pour laquelle le président de la République a été élu en 1995. Cette politique n’avait pas pu être appliquée dans son intégrité jusqu’à maintenant, car il fallait solder les comptes du passé. Alain Juppé, Premier ministre, a été mobilisé pour cette tâche. C’était une tâche dure, difficile, ingrate et impopulaire. Le premier tour a montré que les Français exprimaient cette impopularité à travers un vote de sanction, un vote de mécontentement. Le message a été bien reçu : le président de la République l’a dit. Je crois que c’est à partir de ce message que le président de la République a pris ses différentes décisions.
G. Leclerc : Il y a comme un problème : d’un côté, on a le républicain social Séguin ; de l’autre, le très libéral Madelin. N’est-ce pas inconciliable ? Ne revient-on pas dans l’ambiguïté de la campagne présidentielle de 1995 ?
B. Pons : À Chambéry, hier soir, Philippe Séguin a dit : « On dit que c’est le mariage de la carpe et du lapin ». Il a dit : « Dites-moi qui est la carpe et qui est le lapin ! » Dans un gouvernement, il peut y avoir – il doit même y avoir des hommes de sensibilité un peu différente. De toute façon, la France a besoin d’un certain libéralisme, mais elle n’a pas besoin, et surtout pas, d’un libéralisme débridé, échevelé : elle a besoin d’un libéralisme maîtrisé, dirigé, corrigé. C’est cela qui est essentiel. C’est un petit peu le thème de la campagne qu’a développé Philippe Séguin depuis le premier tour. C’est un petit peu le thème de la campagne que nous avons été quelques-uns à développer.
G. Leclerc : Il avait été un peu oublié depuis 1995, ce thème ?
B. Pons : Depuis 1995, le gouvernement s’est attelé à une tâche très rude qui était de remettre à flot la situation économique et financière de notre pays. Le résultat est là. J’ai écouté hier matin votre confrère M. Manière sur Europe 1 qui comparait la situation de la France à celle des États-Unis au moment de l’élection présidentielle, quand Bush a été battu. Quelques mois après l’élection de Clinton, on s’est aperçu que la situation économique des États-Unis était en plein redressement et qu’elle s’était même redressée six mois avant, mais on ne le savait pas. M. Manière hier disait : on a oublié, dans le cadre de cette campagne électorale, de regarder les statistiques ; il parlait de l’inflation qui n’avait jamais été aussi basse depuis 40 ans ; il disait : « ne parlons même pas de la balance extérieure qui est largement excédentaire » ; il disait que la croissance reprend puisqu’on a des chiffres de l’Insee qui démontrent qu’à l’heure actuelle on a 3,2 % de croissance, ce qui est bien au-dessus de tout ce qu’on pouvait imaginer ; il disait également que les entreprises – on le sait par la Banque de France – commencent à montrer que la consommation repart.
G. Leclerc : L’hypothèse Balladur Premier ministre est-elle abandonnée ?
B. Pons : De toute façon, le président de la République est le seul à pouvoir prendre sa décision. Il le fera au soir du deuxième tour en fonction des résultats. Donc, on ne peut pas préjuger. Simplement, à l’heure actuelle, je crois que la mise sur le devant de la scène et le fait qu’il ait eu un contact personnel avec Philippe Séguin et Alain Madelin est un élément très fort et un signe important.
G. Leclerc : On a trouvé, lors de sa dernière intervention télévisée, un Jacques Chirac très cohabitant, intégrant déjà quasiment la victoire de la gauche.
B. Pons : Jacques Chirac est très respectueux des institutions de la Ve République. Il l’a toujours montré dans son action politique par le passé. Donc, il est le président de la République, il a pris la décision de la dissolution, il ne peut pas non plus apparaître comme un chef de parti. Dans son intervention, il a clairement montré quels étaient les dangers qu’il fallait éviter à la France. Il a interrogé les Français, en disant : « Voulez-vous remettre en selle les vieilles idées socialistes ? » C’était un message très clair. Hier, en Conseil des ministres, et cela a été repris par le porte-parole du gouvernement, il a dit : « La France ne peut pas changer de cap à tout instant ».
G. Leclerc : D’où peut venir le salut, pour la majorité, qui pour l’instant est en retard, si on regarde les chiffres du premier tour ? Des abstentionnistes ou du Front national ?
B. Pons : Je crois que le salut doit venir des Français dans leur globalité, des abstentionnistes, des électeurs qui ont émis un vote de protestation au premier tour et qui doivent corriger ce vote de protestation, car, comme l’a dit Philippe Séguin hier soir, et il a tout à fait raison : on ne peut pas attendre le salut des socialistes, on a déjà donné.
G. Leclerc : N’avez-vous pas le sentiment que la dynamique, l’idée du renouvellement, c’est plus à gauche qu’à droite ? On voit maintenant Lionel Jospin qui dit qu’en cas de victoire, son gouvernement serait ramassé, renouvelé dans les hommes et avec beaucoup de femmes. C’est cela, le changement ?
B. Pons : Non, pas du tout. Ce qui compte, c’est la politique qui sera conduite. Ce n’est pas que les socialistes, au niveau de leurs qualités humaines, soient incapables de diriger et de gérer, ce sont les idées dont ils sont porteurs qui sont dangereuses pour notre pays. Nous les avons vu mises en application pendant deux septennats socialistes. Donc, je crois que la France a déjà donné, que les Français, avant ce deuxième tour qui est capital, vont quand même réfléchir avant de mettre leurs bulletins dans l’urne. À l’heure actuelle, même si le premier tour a été très dur et laisse présager un deuxième tour très difficile, je crois que, quand même, il y a de l’espoir et que cette récupération de deux points indispensables pour la victoire de la majorité actuelle, on peut les obtenir, si véritablement les Français ont bien conscience de l’enjeu capital pour la France.
G. Leclerc : La défaite a été particulièrement sévère à Paris. Y a-t-il des leçons à en tirer ?
B. Pons : Paris, depuis la Révolution, amplifie toujours les mouvements. Mais lorsqu’il y a une défaite, il faut toujours en tirer les enseignements.
G. Leclerc : C’est M. Tiberi qui pourrait, au lendemain des élections…
B. Pons : Je dis qu’il faut toujours… Nous verrons bien.