Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
La volonté du gouvernement de maintenir et de renforcer son engagement en faveur de la coopération et de l’aide au développement s’inscrit dans cette volonté de solidarité exprimée de manière permanente et répétée par le président de la République. Que ce soit à Cannes (au sommet européen consacré en partie au Fonds européen de développement), à Lyon lors de la réunion du G7, ou lors de ses voyages en Afrique, il a fait en sorte que la France soit le défenseur de l’aide au développement et qu’au « mondialisme économique réponde aujourd’hui le mondialisme du développement ».
Certains, en effet, s’interrogent sur le bien-fondé d’une telle politique, notamment en faveur du continent africain.
D’une manière générale, il faut tout d’abord constater que sous couvert d’un afro-pessimisme plus ou moins désabusé se masque le plus souvent une volonté de désengagement de certains grands pays industrialisés. Mais la France renoncerait à être elle-même si elle cédait à cette tentation de repli. Ceci doit être d’autant plus combattu que l’observation des faits nous confirme dans la conviction que les progrès importants constatés doivent être confortés : progrès économiques, fruits des efforts d’ajustement engagés depuis 10 ans et permettant d’espérer une croissance annuelle supérieure à 5 % en 1996 ; progrès politiques en termes de liberté d’expression, d’amélioration de l’Etat de droit et bien sûr de démocratisation.
Il y a aussi des raisons économiques : l’Afrique est et sera un marché porteur pour nos entreprises.
Il y a enfin les liens tissés par la culture et par l’histoire.
Et puis sans développement des pays africains, comment espérer réduire la pression migratoire dont les conséquences pèsent sur notre pays ?
Une politique de coopération forte et généreuse est donc bien une nécessité pour notre pays.
De plus, il s’agit d’un enjeu pour la construction européenne et l’avenir de l’Europe car l’Europe ne peut se construire véritablement qu’autour d’une même conception de l’homme qui doit se traduire dans les rapports Nord-Sud.
Dans ce contexte, quels sont les principaux objectifs et priorités autour desquels s’organise mon action ?
Tous d’abord l’esprit qui guide notre politique de coopération c’est la recherche d’un véritable partenariat, en ayant à cœur de définir conjointement les priorités d’intervention, en facilitant à nos partenaires l’appropriation des projets, et en établissant avec eux un véritable échange, c’est-à-dire en considérant que la relation ne doit pas être à sens unique. Ce partenariat d’ailleurs ne se limite pas à l’aide au développement, il doit inclure les relations culturelles et commerciales.
La finalité profonde de la coopération c’est d’améliorer la vie quotidienne des personnes. Il faut que les populations où qu’elles se trouvent, voient leur vie, du fait de notre action de coopération, améliorée.
Aujourd’hui, dans un contexte budgétaire rigoureux, pour les pays bailleurs comme pour les pays bénéficiaires, il est nécessaire de définir de nouvelles formes de coopération, aptes à compléter de manière efficace les politiques plus traditionnelles d’aide.
Il faut, bien sûr, poursuivre la politique d’assainissement et de rigueur entamée notamment avec la dévaluation du franc CFA, en confortant les progrès constatés et en renforçant au maximum notre coordination avec les autres bailleurs de fonds.
Dès que cela s’avère possible, cela se traduit par une priorité à l’aide-projet, c’est-à-dire un effort accru en faveur des projets de développement remplaçant progressivement l’appui aux balances des paiements et les annulations de dettes.
Plus concrètement, cela signifie renforcer le tissu et la trame de ce continent et ce à plusieurs niveaux :
Tout d’abord en privilégiant le développement de proximité, celui qui incite les populations à demeurer sur place et qui lutte autant contre l’exode rural que contre l’émigration excessive. Plus généralement, c’est encourager une politique de développement durable, soucieuse de préserver dès les départ l’aménagement de son territoire, et accordant la priorité au développement humain, richesse première de toute nation.
Ensuite en favorisant les mesures d’intégration régionale, tant par l’élaboration de projets de développement communs à plusieurs États que par le renforcement d’organisations d’intérêt régional.
En renforçant enfin l’appui à l’Etat de droit, dans toutes ses dimensions : droit public mais aussi droit privé ; droit de la justice mais aussi droit des affaires ; droit de l’État mais aussi droit du citoyen. En effet, seul le renforcement de l’Etat de droit permettra d’enraciner durablement le développement économique, lui-même indispensable à la stabilité des démocraties. C’est pourquoi, dans ce domaine, nous nous félicitons de la décision du FMI et de la Banque mondiale de faire de la lutte contre la corruption un élément central de leur politique d’aide.
Enfin, et cela grâce aux progrès de l’état de droit, en encourageant l’investissement privé et l’émergence d’un secteur privé africain pour deux raisons principales : d’une part, l’aide publique au développement est loin d’être suffisante, mais elle peut et doit être le moteur qui entraîne derrière lui l’investissement privé ; d’autre part, la situation économique en Afrique offre des perspectives prometteuses en termes de croissance et d’opportunité d’investissements.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, la France ne participe pas au scepticisme ambiant vis-à-vis de l’utilité de l’aide, et, pour ma part, je suis résolument optimiste ; je ne méconnais pas les difficultés, les crises voire les échecs ; mais il y a aussi les enjeux, les avancées, les progrès ; il faut, bien sûr, que nos actions et notre aide soient appréciées en fonction d’exigences d’efficacité et de transparence, mais il faut aussi qu’elles expriment, d’une manière certes modeste, une certaine vision française de l’avenir du monde.