Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, dans "La Lettre de la nation magazine" le 10 décembre 1999, et conférence de presse le 17 publiée le 24 dans "La Lettre de la Nation Magazine", sur son élection à la présidence du RPR et la présentation de la commission exécutive du parti.

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Circonstance : Election de Michèle Alliot-Marie à la présidence du RPR le 4 décembre 1999 et nomination des membres de la direction du RPR le 16 décembre

Média : La Lettre de la Nation Magazine

Texte intégral

La Lettre de la Nation, 10 décembre 1999

La Lettre de la Nation Magazine : Les militants doivent-ils vous appeler Madame le président, MAM ou Michèle ?

Michèle Alliot-Marie : Pourquoi pas Michèle ? Je trouve cela très sympathique. D’abord, c’est mon prénom. Et puis, lors de la campagne, beaucoup de militants m’ont appelé ainsi et j’espère que cela continuera parce que c’est la preuve d’une relation réelle de compagnonnage et d’amitié.

La Lettre de la Nation Magazine : Au soir de votre élection, pour qui a été votre première pensée ?

Michèle Alliot-Marie : Pour le général de Gaulle. Il aurait été certainement satisfait de voir que ce qu’il avait commencé en donnant le droit de vote aux femmes se perpétuait et se symbolisait aujourd’hui dans l’élection d’une femme à la tête du RPR.

La Lettre de la Nation Magazine : Vous avez déclaré : « Rien ne sera plus comme avant… » Pouvez-vous préciser ?

Michèle Alliot-Marie : Je crois effectivement que les militants ont montré en cours de cette campagne qu’ils avaient pris toute la dimension du droit que leur avaient donné Philippe Séguin et Nicolas Sarkozy. Ils ont compris qu’ils ont le droit de s’exprimer et que j’ai le devoir de les entendre. Un grand mouvement comme le nôtre doit être un laboratoire d’idées porté par ses adhérents. Chacun peut et doit y contribuer. Ils participeront ainsi à la définition de notre action loin des querelles de personnes pour former une équipe allant vers la victoire.

La Lettre de la Nation Magazine : Alors, justement, quand comptez-vous nommer le secrétaire général et la commission exécutive, et sur quels critères ?

Michèle Alliot-Marie : J’ai dit dès le départ que je prendrai le temps nécessaire à la réflexion et à la consultation. Je n’ai pas l’intention de travailler sous la pression médiatique. C’est jeudi 16 décembre que l’équipe de direction sera nommée. Elle fera place à toutes les sensibilités, celles de François Fillon et de Patrick Devedjian qui m’ont apporté leur soutien au second tour mais aussi celle de Jean-Paul Delevoye. Le profil du secrétaire général, je l’ai défini : il devra être très disponible et s’impliquer étroitement dans la gestion quotidienne du Mouvement, en accord avec les évolutions que je souhaite en œuvre au sein du RPR.

La Lettre de la Nation Magazine : Le seul angle d’attaque de la majorité gouvernementale vous concernant porte sur la vigueur de vos critiques sur la personne de Lionel Jospin. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Michèle Alliot-Marie : Non, je n’attaque pas la personne de Lionel Jospin, j’attaque son attitude en politique que je considère intolérante, sectaire et méprisante à l’égard de tous ceux qui ne sont pas de son avis. Certains voudraient faire croire que je suis intolérante, c’est totalement faux. Je respecte mes adversaires ; il n’est d’ailleurs pas question de détester qui que ce soit, ce qui ne m’empêche pas de combattre leurs idées et leur action politique. J’estime que l’action du gouvernement de Lionel Jospin va exactement à l’encontre de que qu’attendent une grande partie des français. Ils veulent reprendre confiance et ont l’impression que dès que quelqu’un prend des initiatives, veut assumer ses responsabilités à tout niveau, il en est découragé au profit d’un système d’assistance généralisée. Cela concerne aussi bien les plus fragiles, les plus démunis de notre société. Est-il normal que certaines dispositions réglementaires encouragent à rester au chômage plutôt qu’à travailler ?

La Lettre de la Nation Magazine : Vous êtes la première femme élue d’un grand mouvement politique en Europe. Le RPR compte seulement 34 % d’adhérentes et seulement 12 parlementaires femmes. Vous vous êtes exprimée contre les quotas. Que comptez-vous faire, surtout au vu des déclarations du président de la République, pour améliorer la représentation des femmes au sein du RPR ?

Michèle Alliot-Marie : Les femmes doivent prendre plus de responsabilités en politique mais aussi dans le secteur administratif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai dénoncé l’hypocrisie du gouvernement. Il présente un texte soi-disant pour favoriser les femmes, alors que, dans le même temps, le premier ministre, qui a la possibilité, tous les mercredis, de faire nommer en conseil des ministres des femmes aux plus hauts postes de la fonction publique française, où se prennent les décisions, n’en a proposé depuis qu’il est arrivé qu’un pourcentage inférieur à celui des femmes représentées à l’Assemblée nationale ! Je crois qu’il revient aux partis politiques de favoriser l’émergence des femmes de qualité. C’est ce que je ferai à la fois au sein de l’équipe dirigeante du RPR mais également pour les prochaines élections. Je mettre tout en œuvre pour que le RPR présente le plus grand nombre possible de femmes comme candidates, en position bien entendu éligibles, mais aussi comme têtes de liste ; J’ai eu l’occasion de le dire dans cette campagne, je voudrais présenter 5 000 femmes dans les mairies où l’on nous dit qu’aujourd’hui 48 % des maires ne veulent plus se représenter. Il y a là un premier geste fort à faire en la matière. Mais, cela dit, si nombre de femmes ne se lancent pas dans la politique, c’est aussi que l’image de la politique n’est pas bonne et qu’un certain nombre de femmes extrêmement compétentes, qui ont des responsabilités par ailleurs, refusent de les quitter pour prendre un engagement politique qu’elles jugent moins valorisant.

La Lettre de la Nation Magazine : Les incitations financières concernant donc la présence des femmes vous choquent-elles ?

Michèle Alliot-Marie : Oui, très franchement. C’est peut-être du réalisme, mais je trouve que dire « on vous donne de l’argent en échange de la présence d’une femme », ce n’est pas satisfaisant. Au début du XXIe siècle, on devrait avoir une approche plus valorisante de la femme. Il faut aussi un tout autre état d’esprit si l’on veut vraiment que les femmes viennent à la politique : il est nécessaire aussi bien de prendre en compte les réalités matérielles que de mettre fin du caractère très agressif du monde politique.

La Lettre de la Nation Magazine : Nous sommes à la fin de l’année, quels sont les grands rendez-vous du Rassemblement pour l’an 2000 ?

Michèle Alliot-Marie : Tout en préparant les prochaines échéances et notamment les municipales, nous avons à mettre en œuvre les engagements pris dans cette campagne : l’écoute des militants (ce sera fait dès lundi), la réflexion, l’élaboration de propositions très concrètes. Les assises du mouvement, qui devront être celles de tout le gaullisme, nous permettrons d’affirmer la modernité de nos idées. Je proposerai à nos partenaires des états généraux de l’opposition pour, qu’ensemble, nous puissions préparer sur des bases très solides les futures échéances électorales. Sur un plan matériel, nous déménagerons de la rue de Lille pour nous installer dans les nouveaux locaux de la Tour Maubourg. L’an 2000 sera une année bien remplie et de renouvellement profond.

La Lettre de la Nation Magazine : Quel message souhaitez-vous adresser aux militants ?

Michèle Alliot-Marie : Je voudrais leur adresser un message de confiance et d’encouragement au travail. Tous ensemble, faisons-en sorte que ce courant d’intérêt pour le RPR, né des élections, grâce à la façon dont nous les avons menées, se transforme en une véritable adhésion des français. Nous avons un double défi à relever : d’abord, faire repartir le RPR à la conquête du terrain, en refaire le premier mouvement politique français ; ensuite, faire comprendre à nos compatriotes, en défendant nos idées et nos valeurs, qu’ils doivent se ré-intéresser à la politique et revenir vers nous.


Déclaration de Michèle Alliot-Marie
Vendredi 17 décembre 1999

La composition de l’équipe que je vous présente aujourd’hui traduit notre souci commun d’unité du mouvement et de rassemblement. Elle est le résultat des discussions que j’ai menées, comme je l’avais annoncé au cours de ma campagne, avec les deux candidats présents aujourd’hui, et avec Jean-Paul Delevoye. Cette équipe s’inscrit dans la triple volonté de modernité, de reconquête du terrain des idées et d’opposition ferme au gouvernement socialiste.

1. La modernité est manifestée par les personnalités composant la commission exécutive. Ce sont pour beaucoup d’entre-elles des responsables politique peu connus du grand public, mais reconnus pour leur approche nouvelle des problèmes de notre société et pour leur proximité avec le terrain et les français. Les femmes sont en nombre significatif (sans qu’il ait été besoin de loi pour y parvenir).

2. La reconquête du terrain des idées s’inscrit dans l’importance donnée à la prospective, aux sujets de société, au projet, à la formation et à l’animation notamment. Dans tous ces domaines et dans d’autres, j’entends que les problèmes puissent être abordés de la façon la plus ouverte possible. Les délégués nationaux, coordonnés par le secrétaire national à la prospective, proposeront, dans le cadre du projet, les solutions préconisées par le mouvement pour relever les défis auxquels notre pays et les français sont confrontés. Nous nous devons de proposer aux français une vision positive et dynamique de notre pays dans le siècle prochain, au moment où ils sont inquiets de l’impact des nouvelles technologies, de la mondialisation et des menaces pesant sur notre environnement.

En ce sens, d’ailleurs, j’ai prévu sue soient mis en place, dans un deuxième temps, des cercles de réflexion qui seront directement rattachés à la présidence. Ils permettront d’accueillir la vision et l’analyse des personnalités extérieures au RPR dans les domaines particuliers de l’écologie, de la culture et de l’économie, et d’établir aussi une relation permanente avec les milieux intellectuels.

La « Fondation » qui va être mise en place aura également un grand rôle à jouer dans l’élaboration de notre politique.

3. Le RPR s’inscrit résolument dans l’opposition à la politique menée par le gouvernement socialiste, communiste et vert.

La délégation générale à l’action politique constituera une sorte de contre-gouvernement formé de délégués nationaux qui sera chargé de relever et de dénoncer les incohérences ou les lacunes du gouvernement socialiste.

Bien sûr, l’équipe exécutive ne représente pas la totalité de la richesse humaine du RPR. Je confierais à des personnalités, dont certaines sont présentes aujourd’hui (le professeur Jean Bardet, Jacques Baumel, Guy Drut, Eric Raoult) des missions en cohérence avec notre volonté de réflexion d’ouverture et de propositions.

Au total, toutes les sensibilités qui font la richesse du mouvement, toutes les régions, tous les niveaux de militants seront appelés à participer à cette action de renouveau du RPR et, aux côtés de nos amis des autres partis d’opposition, au renouveau de la vie politique française.