Texte intégral
Europe 1 : Le président de la SNCF doit-il démissionner dès lors qu'il est mis en examen, à l'instar de certains ministres comme les Longuet, Carignon, Roussin de ces dernières années ?
C. Millon : Laissons la justice accomplir sa mission d'une manière sereine, arrêtons de commenter des actes de justice, arrêtons de commenter les actes du Parquet ou les actes des juges d'instruction. Il existe des procédures et je crois que tout le monde s'en portera mieux. Aujourd'hui, à force de commenter les actes de justice, à force de critiquer, de dénigrer systématiquement, on est en train d'agiter une eau trouble d'où ne sortira rien de bon. Je voudrais dire à un certain nombre d'hommes politiques, qui aujourd'hui confondent opposition et dénigrement, contre-propositions et critique systématique, qu'ils feraient bien d'arrêter de jouer avec le feu car ce ne sont pas eux qui tireront les marrons du feu, ce seront les partis extrémistes, le Front national, à savoir ceux qui dénoncent notre démocratie.
Europe 1 : C'est L. Jospin qui disait hier soir, que le gouvernement n'avait pas su créer la confiance. C'est ce que vous êtes en train d'expliquer ?
C. Millon : Je dis tout simplement que L. Jospin est un homme qui est l'incendiaire qui critique l'incendie, car à force de dénigrer, de contester des décisions qui sont des décisions de justice, à force de remettre en cause un certain nombre de procédures qui sont des procédures tout à fait normales et classiques en démocratie, il est en train de casser la confiance et à partir de ce moment-là, il provoque un phénomène qui favorisera les partis extrémistes.
Europe 1 : C'est le pompier pyromane ?
C. Millon : C'est le pompier pyromane.
Europe 1 : Mais sur le fond, les ministres s'appliquent une règle de conduite, une sorte de déontologie gouvernementale. Pourquoi est-ce qu'il n’y aurait pas la même chose pour des présidents de sociétés d'État ?
C. Millon : Il existe un principe en justice, la présomption d'innocence, et Monsieur le président de la SNCF prendra la décision qu'il juge bonne en conscience. Ce n'est ni à moi, ni à d'autres de lui donner un avis ou un conseil.
Europe 1 : Revenons à vos moutons de la Défense. Vous avez vu la manifestation de Cherbourg hier, qui traduit l'inquiétude suscitée par ce que l'on appelle le « plan Millon » ou la mort annoncée de la construction navale ?
C. Millon : Je voudrais faire un petit retour en arrière parce qu'il y a un certain nombre de personnes qui s'érigent en donneurs de leçons aujourd'hui et qui finissent par désespérer la France et la démoraliser en critiquant systématiquement toutes les décisions qui sont prises. Je voudrais rappeler à un certain nombre d'observateurs que lorsque je pris le dossier de la Direction des constructions navales, il y avait un chiffre d'affaires de 15 milliards et il y avait des charges de 22 milliards, ce qui fait 7 milliards de déficit par an qui s'accumulent, c'est-à-dire que le dépôt de bilan de la DCN, si rien n'est fait, est annoncé. À ce moment-là, il n'y aura pas un réaménagement des effectifs, il n'y aura pas un redressement qui sera engagé, il y aura une liquidation de la DCN. Or c'est ce que le Gouvernement veut empêcher.
Le Premier ministre, courageusement, avec ténacité, est en train aujourd'hui d'abord de faire le diagnostic de ce qui nous a été transmis, et je vous parle de la DCN mais je pourrais vous parler du GIAT et de bien d'autres entreprises ; ensuite, il est en train de provoquer des périodes de concertation et nous sommes en train de mener des concertations partout pour pouvoir expliquer aux salariés, aux cadres, aux techniciens ce qu'il en est et ce que nous voulons faire. Je l'ai fait à la DCN et j'ai expliqué qu'il n'y aurait pas de licenciements secs. Toute personne qui sera concernée par la réduction des effectifs aura des propositions soit au niveau des mesures d'âge, soit de la retraite anticipée, soit de la réorganisation du temps de travail. Et puis enfin, on prend les décisions car nous savons que la France a, en fait, énormément d'atouts, qu'elle peut relever un certain nombre de défis et dans le domaine de la construction navale, on sait que l'on peut mettre sur le marché un certain nombre de produits qui sont très compétitifs. C'est là tout notre schéma et tout notre plan.
Europe 1 : Le prix en est le quart des emplois que ce soit à la Direction de la construction navale ou à Giat Industries, c'est le moindre mal ?
C. Millon : Le prix, c'est n'est pas le quart des emplois ! Le prix, c'est la prise de conscience comme quoi il y a un plan de redressement et de redéploiement à faire, qu'il y a un certain nombre de reconversions professionnelles à mener et de le faire avec sérénité, ténacité et gravité. Et je le dis et je le répète à toutes les familles et toutes les familles qui sont concernées, il n'y aura pas de licenciements secs. Chaque cas sera traité d'une manière personnelle et individuelle pour que l'on puisse prendre en compte les situations de chacun.
Europe 1 : Vous risquez d'avoir droit au même concert de lamentations lorsque vous annoncerez les fermetures de régiments, non ?
C. Millon : Mais je n'annoncerai pas les fermetures de régions, j'annoncerai un plan de professionnalisation de nos armées qui a été voté par le Parlement, qui est, en fait, accepté par tous ceux qui se penchent sur le dossier.
Europe 1 : Sauf les élus locaux !
C. Millon : Mais les élus locaux verront et ils le savent d'ailleurs parce que je me suis concerté avec un certain nombre d'entre eux, que l'on peut revoir le format des armées, revoir le nombre d'unités et en même temps prévoir un certain nombre de mesures d'aménagement du territoire qui accompagneront le reformatage de nos armées.
Europe 1 : Est-ce qu'il y a des régions qui seront préservées ? On dit que la Lorraine, qui a déjà connu un sinistre avec la sidérurgie, aurait droit à un traitement de faveur ?
C. Millon : Je ferai une annonce globale dans la semaine du 15 au 20 juillet. Je ne vais pas commencer aujourd'hui à essaimer les annonces car je crois que tous les Français sont concernés. Et il n'est pas question de faire ici et là des exceptions. Il y aura simplement un plan avec des mesures d'accompagnement économiques et sociales comme le président de la République s'y est engagé.
Europe 1 : Et sur les troupes françaises basées en Allemagne ? A-t-on une idée des desiderata des Allemands au regard des impératifs de la France ?
C. Millon : Les troupes françaises en Allemagne, après concertation avec le Chancelier Kohl de la part du président de la République, après concertation avec le ministre de la Défense allemande de ma part, seront-elles aussi concernées par une réorganisation des régiments et je ferai l'annonce en même temps que les annonces pour les troupes qui sont situées sur le territoire français.
Europe 1 : D'un mot, J. Chirac se rend en Arabie Saoudite où vous étiez il y a une quinzaine de jours. Peut-on espérer leur vendre des chars Leclerc ?
C. Millon : Les voyages que le président J. Chirac fait, ce ne sont pas voyages d'affaires mais des voyages politiques. Il y va pour des raisons politiques, il y va parce qu'il y a une politique arabe de la France à développer et à défendre. Et personnellement, j'y suis allé à plusieurs reprises car j'ai une politique de coopération en matière de défense et d'armements. C'est vrai qu'il y a un certain nombre de contrats qui sont à l'étude et je continue à les étudier dans la sérénité. Et j'espère pouvoir apporter aux entreprises françaises un certain nombre de commandes dans les mois qui viennent car je pense, et je suis sûr même, que les produits français sont., sans doute, parmi les meilleurs du monde.