Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis américains,
La ville de Lyon peut s'enorgueillir d'avoir, cette année, la préférence des Américains puisque quelques semaines après la venue du président Bill Clinton pour le sommet du groupe des sept pays industrialisés, l'ancienne capitale des Gaules a le plaisir de vous accueillir, Monsieur le Président, ainsi que près de cinq cents de vos collègues, pour la tenue de votre congrès annuel.
Permettez-moi de vous féliciter pour cet excellent choix et de vous dire, au nom du gouvernement français, combien nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui, vous, qui êtes les meilleurs artisans de la présence du français aux États-Unis d'Amérique, auxquels nous lie une amitié ancienne, solide, et bien vivante.
L'association américaine des professeurs de français que vous présidez, M. Valdman, est riche de son passé et de ses effectifs. Fondée en 1927, elle rassemble plus de 10 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire américain et qui partout sont les inlassables ambassadeurs du français et de la Francophonie dans un contexte qui n'est pas toujours facile.
Nos relations s'inscrivent dans l'esprit de la politique du ministère des Affaires étrangères, qui affirme son soutien aux associations de professeurs de français, partout dans le monde. À cet égard, la tenue du 9ème congrès mondial de la Fédération internationale des professeurs de français à Tokyo, à la fin du mois prochain, constituera la manifestation la plus éclatante du lien étroit que souhaite établir la France avec ceux qui envisagent et font aimer le français et toutes les cultures de langue française à des millions d'élèves, de lycéens et d'étudiants.
Notre service de coopération linguistique et éducative à New York entretient avec vous des rapports fructueux qui se sont traduit par de nombreux projets conduits en commun, principalement dans deux domaines.
D'abord, l'aide à la formation continue en direction des enseignants américains. Dans ce cadre, 124 boursiers américains participent en ce moment en France à divers stages de formation pris en charge par le ministère des Affaires étrangères, stages de français des affaires à l'Université de Montpellier et au Centre international d'études des langues de Strasbourg, stages de français juridique à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, stages d'enseignement précoce du français à l'Université de Toulon, d'autres stages encore à Besançon, à Saint-Pierre et Miquelon, à la Martinique, à Lyon enfin où 24 stagiaires sont actuellement inscrits à l'Université Louis-Lumière.
L'autre point fort de notre coopération, c'est la coproduction de matériel pédagogique à l'intention des enseignants et des élèves.
Ces actions communes ont un seul objectif simple : développer, encourager l'enseignement du français partout où cela est possible.
La situation à laquelle vous devez faire face tous les jours n'est pas toujours facile, je le sais, et je connais vos inquiétudes. Cette situation est en partie liée à l'histoire et au système éducatif américain où l'apprentissage d'une langue étrangère n'est pas obligatoire. La position dominante de l'anglais dans le monde n'encourage pas les jeunes Américains à apprendre une langue étrangère. C'est à nous tous qu'il appartient de leur faire comprendre que la connaissance d'une langue étrangère est un enrichissement incomparable de leur personnalité, qu'il est un atout supplémentaire dans leur formation académique et professionnelle et qu'on ne saurait accéder à la richesse du monde muni d'une seule langue, quelle que soit sa diffusion.
Il est vrai que pour des raisons géographiques, la langue espagnole est apprise toujours davantage aux États-Unis.
Il n'est pas interdit de penser qu'une part importante de ces jeunes gens qui apprennent l'espagnole peut constituer un vivier non négligeable d'étudiants de français. Il me semble que c'est précisément là que l'AATF peut jouer un rôle déterminant en expliquant au jeune Américain qui aura appris l'espagnol qu'il lui est possible d'ajouter un atout à sa formation en apprenant le français, l'une des quatre grandes langues du continent américain et l'une des langues de l'héritage américain. De récentes découvertes archéologiques ont révélé que le premier établissement humain sur le territoire actuel des États-Unis était français. En Louisiane comme en Nouvelle-Angleterre, le français n'est pas totalement une langue étrangère.
Il vous appartient également, Mesdames et Messieurs, de faire connaître la diversité du monde francophone, où près de 200 millions de personnes ont en commun ce qui nous réunit aujourd'hui, l'usage de la langue française. Il vous appartient de rappeler à ceux qui ne le sauraient pas ou qui l'oublient que le français est des deux grandes langues des Nations unies, parlées sur les cinq continents, utilisées par des peuples aux cultures diverses, des Caraïbes à la Polynésie, du Congo au Saint-Laurent, de Beyrouth à Bucarest.
Ne cédons donc pas au pessimisme. Nous sentons bien que le monde cherche, parfois difficilement, de nouveaux équilibres, après l'effacement de celui qui prévalait depuis la fin de la IIème guerre mondiale. L'enjeu culturel prend du même coup pour notre avenir une importance qu'il n'avait pas il y a seulement dix ou quinze ans. Le discours francophone sur la diversité linguistique se situe bien au coeur du débat le plus actuel. Sachons donc séduire, innover, rompre avec les stéréotypes et les conformismes. C'est de vous que dépend l'avenir du français aux États-Unis et j'ai confiance dans votre pugnacité et dans la sincérité de votre engagement. Il y a des signes encourageants, ainsi le nombre croissant des candidats au grand concours que vous organisez chaque année. Par ailleurs, le congrès annuel de la culture française qui se déroule en Floride depuis 44 ans a connu, cette année, un nombre record d'inscriptions. Enfin, j'ai appris que le bureau de votre association avait décidé de pourvoir un poste de secrétaire général à temps plein.
La France, de son côté, développera son dispositif de coopération linguistique et éducative en créant un poste d'attaché linguistique à Chicago et à la Nouvelle-Orléans, terre d'élection de la Francophonie sur le sol américain.
Il est un domaine qui me tient particulièrement à coeur : la diffusion de programme de télévision en français aux États-Unis. C'est un outil indispensable à la diffusion de notre langue. Je sais que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, mais soyez assurés que je veillerai personnellement à ce que des progrès soient rapidement enregistrés.
Le congrès qui vous rassemble aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, traitera du plurilinguisme, thème passionnant où je retrouve l'une des préoccupations essentielles de mon action et de celle du gouvernement français. Vous savez combien nous voulons mobiliser nos partenaires au sein de l'Union européenne sur cet aspect fondamental pour l'éducation des jeunes citoyens, l'accès aux autres langues de l'Union et le refus de l'uniformisation. Ce combat me paraît pertinent aussi pour les États-Unis, et nous comptons sur vous pour le mener avec nous en plaidant pour l'apprentissage des langues qui enrichit et multiplie les chances d'épanouissement personnel et professionnel. Notre volonté est simplement d'affirmer le fait francophone comme une réalité vivante du monde contemporain. Nous savons la part que vous prenez les uns et les autres pour relever ce défi, et je vous en remercie très sincèrement. Je vous souhaite un excellent séjour en France. Vous êtes ici chez vous. Je vous redis avec beaucoup d'amitié toute ma confiance et mon admiration pour ce que vous faites quotidiennement.