Texte intégral
Le Figaro : 29 août 1996
Le Figaro : Croyez-vous que la rentrée sera difficile et agitée sur le plan social ?
Michel Péricard : Pour certains, c'est vrai, la rentrée devrait être difficile. Mais depuis trente ans, je n'ai jamais entendu dire autre chose. Effectivement, il y a des menaces d'agitation sociale. La baisse du nombre d'enseignants ? Elle est la conséquence de la baisse des effectifs scolaires, et donc parfaitement justifiée. Tout ce que je lis et j'entends n'est que faux procès fait au gouvernement. Nous avons, pour la première fois, un projet de budget qui ne ressemble à aucun autre : pas d'augmentation des dépenses publiques et une réduction des prélèvements fiscaux. C'est un bon budget, beaucoup plus courageux que le précédent, et qui apporte quelque chose de nouveau. Certains peuvent dire, y compris dans les rangs de la majorité : « on aurait pu faire plus », mais c'est déjà reconnaître qu'on a fait quelque chose.
Les Français devraient se réjouir de cette convalescence qui commence. Or tous les agitateurs professionnels nous annoncent l'apocalypse. Moi, je ne suis pas sûr que la rentrée sera difficile et surtout je n'en vois pas les raisons.
Le Figaro : Vous semblez oublier que la situation est très tendue à Air France, à la SNCF et dans la plupart des groupes bancaires…
Michel Péricard : Il ne faut pas avoir peur de dire que c'est l'héritage socialiste, de rappeler l'état gravissime dans lequel la gauche a laissé ces entreprises. Pourquoi ferait-on porter au gouvernement d'aujourd'hui les responsabilités des gouvernement d'hier ?
Le Figaro : Quelles sont, pour vous, les réformes les plus urgentes ?
Michel Péricard : Il faut réformer l'État, non pas en supprimant trois formulaires ici, deux démarches là. Non, il faut réformer les mentalités. Je le vois au niveau le plus faible : il n'y a plus d'État, plus de sens du service public. L'administration n'a plus le sens du travail bien fait, utile. Chacun veut maintenir ses privilèges. C'est une réforme urgente, qui pourrait redonner l'espoir aux Français, car actuellement, on dépense mal et trop.
Le Figaro : Et en matière de lutte contre le chômage ?
Michel Péricard : Les ultra-libéraux disent qu'il faut réduire les charges des entreprises pour qu'elles embauchent. À mon avis, les entreprises n'embaucheront que si elles ont besoin de monde. C'est ça la vraie question. Il faut donc créer des emplois non marchands, des emplois de service, de solidarité. Pas des petits boulots mais de véritables emplois. À mon avis, seuls les maires peuvent le faire. À Saint-Germain-en-Laye, si on me donne cent jeunes payés au Smic, je sais comment les faite travailler intelligemment. Et je suis persuadé que tous les maires marcheront dans cette affaire.
Il y a évidemment l'aménagement du temps de travail. Je crois que c'est inévitable. Jacques Chirac a bien fait de recevoir Miche Rocard à ce sujet, car il y a dans le rapport de l'ancien Premier ministre des propositions intéressantes.
Le Figaro : Qu'avez-vous pensé de l'article d'Édouard Balladur dans « Le Monde » (nos éditions du 28 août) ?
Michel Péricard : Il y a beaucoup d'analyses, mais pratiquement pas de propositions. C'est toujours facile de dire « il faudrait que »…
Le Figaro Magazine : 28 septembre 1996
Catherine Nay : Le RPR et l'UDF ont réuni leurs groupes parlementaires. Avez-vous eu l'impression, compte tenu de la conjonction, que ces manifestations étaient plus utiles que d'habitude ?
Michel Péricard : Non. Quelle que soit la conjoncture, les journées parlementaires ont, chaque année, pour les élus gaullistes le même sens, celui du rassemblement. Autant qu'un rendez-vous politique, c'est pour nous une réunion de famille et le moment de nous retrouver tous ensemble, députés, sénateurs et membres du gouvernement. Placées aussi à quelques jours de la rentrée parlementaire, elles sont l'occasion de réaffirmer avec force notre soutien à la politique de réforme engagée par le gouvernement d'Alain Juppé sous l'impulsion du président de la République.
Catherine Nay : Avec un président de la République et un Premier ministre dont les cotes de popularité sont en berne, quel rôle assignez-vous aux députés sur le terrain ?
Michel Péricard : L'expérience de ces derniers mois nous a appris, si besoin en était, à relativiser la portée et parfois même la fiabilité des sondages… Comme l'a rappelé le président de la République à l'occasion du 14 juillet, le rôle des députés est d'être le relais de la politique du gouvernement sur le terrain afin d'expliquer à nos compatriotes le sens et le bien-fondé des réformes courageuses engagées. La réforme est d'ailleurs le thème choisi cette année pour nos journées parlementaires. Notre groupe, à cette occasion, a édité un bilan reprenant l'ensemble des réformes engagées depuis juin 1995.
Catherine Nay : Comment expliquez-vous que la baisse des impôts, qui était pourtant une annonce positive, les ait fait chuter dans les sondages ?
Michel Péricard : Après plus de dix ans d'atermoiements socialistes et deux décennies de crise économique, les Français sont devenus incrédules et d'un naturel sceptique. Je crois que la meilleure preuve du bien-fondé des réformes engagées et de notre volonté de changement, ils la trouveront dans leur boîte aux lettres lorsqu'ils recevront leur feuille d'imposition pour 1997. La baisse sera bien là et les sondages en tiendront compte.
Catherine Nay : Jacques Toubon va présenter prochainement une loi pour lutter contre le racisme. Y avait-il, selon vous, urgence à légiférer ?
Michel Péricard : Je crois qu'il est aujourd'hui nécessaire de mener une réelle réflexion sur ces questions et de faire le point sur la législation française. Ce projet de loi aura le mérite d'engager un vrai débat. La nécessaire déclaration d'Alain Juppé a d'ailleurs été sans équivoque. Cela dit, je pense que le silence est l'ennemi mortel de l'extrême droite. C'est pourquoi je n'en dirai pas plus.
Catherine Nay : Cette initiative du ministre de la Justice est-elle bien comprise par le groupe RPR ?
Michel Péricard : Parfaitement. Jacques Toubon est l'un de nos compagnons et nous connaissons son attachement aux valeurs républicaine. Nous comprenons tout à fait ses préoccupations en tant que ministre de la Justice.
Catherine Nay : Laisserez-vous à chacun la liberté de vote ?
Michel Péricard : La liberté de vote est notre règle générale. Elle est d'ailleurs inscrite dans les statuts de notre groupe.
Catherine Nay : Comme président du groupe RPR, regrettez-vous de compter aussi peu de femmes dans vos rangs ?
Michel Péricard : Bien sûr. En tant que maire de Saint-Germain-en-Laye, j'ai d'ailleurs œuvré pour la représentation des femmes en politique. Près de la moitié de mon conseil municipal est féminin et je m'en félicite. Pour ce qui est des élections législatives, plutôt que d'avoir recours à des quotas qui ont un côté discriminatoire et démagogique, je crois qu'il serait plus intéressant de proposer qu'aux prochaines élections, nous ne présentions que des « tickets » composés d'un homme et d'une femme. Là où un homme serait candidat, il prendrait obligatoirement pour suppléant une femme et inversement.