Interviews de M. Jacques Delors, membre associé du conseil national du PS, dans "Le Nouvel Observateur" le 12 mars et le 30 avril 1998, sur les conséquences de l'introduction de l'euro et sur l'avenir de l'Union européenne.

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Média : Le Nouvel Observateur

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LE NOUVEL OBSERVATEUR - 12 mars 1998

Le Nouvel Observateur. - Est-ce que la relation franco-allemande se porte si mal que vous lui consacriez tout un livre ?

Jacques Delors. - Pour fonder un projet politique commun pour l’Europe, il nous faut nous sentir forts de nos identité respectives. Or...

N. O. - Vous craignez que ce ne soit plus le cas ?

J. Delors. - L’une des conséquences de ce demi-siècle de paix est que la peur du voisin n’est plus là pour exalter le sentiment d’attachement à la nation. Il finit par s’éroder, alors même que nos démocraties fonctionnement mal. Au lieu de renforcer le sentiment d’appartenance nationale en nous attaquant à nos difficultés interne, nous les attribuons à la construction européenne. Il y a un malaise. Le fait que la France se concentre à ce point sur son passé indique qu’elle est à la recherche d’elle-même. La France cherche ses raisons d’être. Quant à l’Allemagne, elle a retrouvé son unité mais pas encore trouvé le ciment de cette nouvelle communauté. Il y a en conséquence une panne de la relation franco-allemande. Sa dimension affective risque de ne pas survivre au retrait des dirigeants de l’après-guerre.

N. O. - N’est-ce pas la prochaine entrée de la Grande-Bretagne dans l’euro qui menace le plus cette relation ?

J. Delors. - Le problème est que l’Union européenne a un devoir historique de s’élargir aux pays d’Europe de l’Est et du Centre, mais que, si elle le fait sans avoir réfléchi à ce que l’Europe politique peut être, l’Europe ne sera pas politique. Suivant une pente naturelle qui répond au vœu traditionnel de la Grande-Bretagne et peut séduire les Allemands, nous irions alors vers un espace économique sans finalité politique. Ce serait Adam Smith sur le plan économique et Metternich sur le plan politique.

N. O. - Qu’est-ce qui peut aujourd’hui parer à ce danger ?

J. Delors. - La volonté politique de faire un bond en avant dans la relation franco-allemande. C’est une urgence, car, tandis que l’Allemagne hésite sur le projet européen, la France ne mène pas de réflexion de fond sur l’Europe que nous voulons. Je lance dans ce livre et ici même un cri d’alarme, parce que je crains une dérive. J’ai peur pour l’Europe, car la routine actuelle ne nous permettra pas de réaliser le rêve de ses vrais militants – une Europe puissante et généreuse, capable à la fois de se faire entendre du monde, d’y défendre non seulement ses intérêts mais aussi ses valeurs, et d’enrayer le déclin géopolitique qui est le sien depuis la guerre de 14-18.

N. O. - Les pays de l’Union européenne constituent aujourd’hui l’ensemble le plus riche du monde. Il y a pire déclin.

J. Delors. - Le PNB par tête ne doit faire oublier ni nos divisions sur la scène internationale ni notre incapacité à réaliser le plein-emploi et à concilier les principes de l’Etat providence avec l’évolution de la donne économique mondiale.

N. O. - Les quatre plus puissants pays d’Europe devraient bientôt tous avoir des gouvernements de centre-gauche, partageant grosso modo les mêmes orientations. N’est-ce pas là un facteur d’espoir pour l’Europe politique ?

J. Delors. - Il faudrait pour cela que les partis en question essaient de trouver une plate-forme commune, au moins sur les questions européennes. Pour l’instant, je ne vois rien venir.

N. O. - N’êtes-vous pas trop cassandre ? Les pays européens se sont trouvés d’accord pour critiquer les lois Helms-Burton ; pour prôner à l’égard de l’Iran une politique différente de celle des Etats-Unis et pour dire qu’il fallait plus se distancer du gouvernement Netanyahou que ne le fait la Maison-Blanche. Il y a quelques années encore ce n’aurait pas été possible.
 
J. Delors. - La concertation entre les ministres des Affaires étrangères a commencé dès le début des années 70. Vingt-cinq après, le saut n’est pas vraiment qualitatif. Nous avons créé l’engrenage de l’unité grâce à l’économie, mais, quel que soit mon enthousiasme pour la monnaie unique, je ne crois pas qu’elle suffise à susciter le climat nécessaire au lancement de l’Europe politique. Il est temps de parler politique, de réfléchir à la transparence des processus de décision ; aux compétences respectives des Etats-nations et de l’Union ; aux domaines prioritaires de la coopérations entre gouvernements ; au contrôle démocratique, enfin, qui demande notamment de personnaliser le pouvoir européen.
Et puis il faut surtout se demander si les 25 ou 30 pays qui feront demain partie de l’Union, ont les mêmes ambitions pour l’Europe. La réponse étant évidemment non, il faudra bien un jour différencier ceux qui veulent aller plus loin qu’un grand espace économique commun et les autres.

LE NOUVEL OBSERVATEUR - 30 avril 1998

Le Nouvel Observateur. - N’êtes-vous pas inquiet de voir l’Europe se lancer dans l’aventure de la monnaie unique sans s’être donné les moyens de définir une politique économique commune ?

Jacques Delors. - Je le suis et je le répète depuis des mois. D’ailleurs, dans le « rapport Delors » qui a fourni en 1989 le cadre de ce qui allait devenir l’Union économique et monétaire, nous avions donné autant de place au pôle économique de la future construction qu’à son pôle monétaire. Je pense que c’est, au plus tard, à Dublin en décembre 1996 que l’on aurait dû poser comme préalable à l’adoption du « pacte de stabilité » la conclusion parallèle d’un pacte de coordination des politiques économiques. Il y a cependant, élément plus rassurant, la résolution adoptée au Conseil européen de Luxembourg et qui, en instituant un Conseil de l’Euro, fait un pas dans la bonne direction.

N. O. - Pensez-vous vraiment qu’une politique économique commune pourra se mettre en place sous la pression des faits, alors même que la Banque centrale européenne, elle, bénéficie d’ores et déjà d’un statut régalien face aux gouvernements ?

J. Delors. - Dès la mise en œuvre de l’Union économique et monétaire, certains malentendus devront être levés. Culturellement, pour les Allemands, l’indépendance de la Banque centrale fait partie d’un ordre économique spécifique, dans lequel la politique monétaire doit être dépolitisée, hors d’atteinte des gouvernements. D’autres, dont la France, n’ont pas la même conception. Chacun devra donc faire des concessions. L’Union européenne ne procède pas uniquement de l’ordre économique tel qu’il a été établi et tel qu’il fonctionne en Allemagne. Par conséquent, la Banque centrale européenne devra expliquer sa politique devant le Parlement européen, les parlements nationaux, les gouvernements, les opinions publiques.

N. O. - Comme ce n’est pas prévu dans les textes, il faudra y parvenir à travers des batailles politiques.

J. Delors. - Cela se précisera progressivement. Il ne faut pas sous-estimer la force de la vie elle-même. Au mois de mai, le Parlement européen auditionnera les six membres du directoire de la Banque centrale. Imaginez ce qui peut se passer s’il récuse l’un des membres. La construction européenne se fait aussi à coups de crises. Le Parlement européen a conquis une partie de ses pouvoirs non seulement par les modifications apportées aux traités mais par l’action politique. Cette évolution se poursuivra. Je considère que la Banque centrale doit être totalement indépendante mais elle doit des explications au pouvoir politique, et aux représentants des citoyens. D’ailleurs, une monnaie - et une politique monétaire - qui ne jouirait pas d’un certain consensus des agents économiques et de l’opinion publique manquerait de crédibilité, donc d’efficacité. La Banque centrale européenne sera obligée d’en tenir compte.

N. O. - Pour que cette évolution - souhaitable - se concrétise, il faudrait qu’il y ait des institutions qui puissent la prendre en compte...

J. Delors. - Le Conseil des Ministres de l’Economie et des Finances, l’Ecofin, sera investi d’une mission redoutable qui consistera à créer peu à peu un pôle de politique économique commune au sein de l’UEM. On peut être sûr qu’il y aura de rudes discussions au sein du Conseil européen lui-même. Et si l’on veut bien reconnaître à la Commission son rôle pivot dans l’ensemble du processus, notamment en ce qui concerne la surveillance des politiques économiques et son droit de proposition, il se créera progressivement un pouvoir économique. Tel est l’engrenage positif.

N. O. - C’est un acte de foi...

J. Delors. - La construction européenne est une aventure. Lorsque nous avons mis au point les projets de relance européenne à partir de 1984. c’était aussi un acte de foi.

N. O. - Tant que ce pôle politique ne s’affirme pas, c’est l’Europe libérale qui triomphe. Est-ce l’Europe que vous souhaitiez ?

J. Delors. - Il faut d’abord se demander ce qui se serait passé s’il n’y avait pas eu d’Europe. En raison des contraintes mondiales, la France aurait dû de toute manière accepter une dose de libéralisme. Ou alors s’isoler du monde. Par « dose de libéralisme » j’entends l’acceptation du rôle central - je ne dis pas du rôle unique - du marché dans l’allocation des ressources et dans la fixation des prix. L’Union européenne, au stade où elle est du point de vue économique et monétaire, est le meilleur moyen pour maîtriser en commun les phénomènes de la globalisation. Croyez-vous que dans les négociations de l’Uruguay round, où l’on a établi les règles de la libéralisation du commerce, la France seule aurait obtenu ce qu’a pu imposer l’Europe, notamment pour l’agriculture, l’exception audiovisuelle, l’exportation des services, etc. ? Certainement pas.
Autre exemple, lié à la position du dollar, sur lequel sont indexées les autres monnaies : entre 1991 et 1996, la médiocrité relative de nos performances économiques a été aggravée par le dumping monétaire dû à la faiblesse de la monnaie américaine.
Aujourd’hui, 80 % des transactions financières se font en dollars. La naissance de l’euro changera peu à peu la donne internationale. Prenons encore l’exemple de la crise asiatique. Les pays d’Asie du Sud-Est ont trébuché pour diverses raisons. L’une d’elles a été la montée subite du dollar qui a affaibli la compétitivité des pays dont la monnaie était indexée sur la devise américaine. Ces pays ont une politique de change, et une politique monétaire. Sans doute seront-ils intéressés par des conversations avec les responsables monétaires européens, pour savoir dans quelle mesure un lien entre leur monnaie et l’euro pourrait les aider à surmonter leurs difficultés futures.
Car l’euro deviendra progressivement une grande monnaie de paiement dans les échanges internationaux, une monnaie de réserve et une monnaie de placements financiers. De plus, l’Union européenne a le plus grand marché du monde. Avec la monnaie unique, ce marché intérieur fonctionnera beaucoup mieux. Des dévaluations compétitives comme celles de la livre sterling, de la lire italienne et, dans une certaine mesure, de la peseta, qui ont ajouté à nos difficultés économiques des dernières années, ne seront plus possibles.

N. O. - Mais de graves distorsions peuvent naître du fait, par exemple, qu’il n’y a pas, en même temps que la monnaie unique, une convergence des fiscalités ?

J. Delors. - Il y a deux thèses que je récuse, parce que leur triomphe serait fatal à l’Europe. La première est celle des perfectionnistes, qui disent qu’on ne peut pas faire la monnaie unique si l’on n’a pas réalisé d’abord un certain nombre de préalables, comme l’union politique, la fiscalité commune, etc. Avec de tels interdits, on ne pourrait jamais construire l’Europe. Je suis a priori confiant car il y aura des pressions de la part des entreprises pour instaurer un minimum de règles communes. C’est dans leur intérêt et dans celui de tous.
Je vois trois directions principales :
1) la création d’une société de droit européen qui faciliterait les coopérations et les fusions ;
2) l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés ; 3) l’harmonisation – ce sera particulièrement difficile – des impôts sur les revenus des capitaux mobiliers.
La deuxième thèse à combattre est celle des docteurs Knock du libéralisme qui considèrent que nos pays sont irrémédiablement malades et qu’il faut encore et encore leur administrer des remèdes libéraux pour les guérir. Si cette thèse l’emportait, ce serait la révolte populaire. Car nos pays ont fait, dans la phase précédente de l’UEM, depuis le 1er juillet 1990, des efforts énormes pour assainir les finances publiques et réduire l’inflation. Les salariés en ont souffert, et la croissance économique aussi. Cet effort était nécessaire. Mais si aujourd’hui, après avoir fait accepter ces sacrifices, on prêchait une nouvelle rigueur, des baisses de coûts salariaux, des réductions de la protection sociale etc., il y aurait des résistances considérables. Car ce que l’on est en droit d’attendre de l’euro, qui complète la création d’un espace économique européen, c’est que les Européens en recueillent les fruits du point de vue de l’emploi, de la lutte contre l’exclusion et des progrès du niveau de vie. Car l’Union économique et monétaire va renforcer la croissance et apporter une valeur ajoutée aux efforts qui doivent être menés au niveau national en matière de compétitivité, de recherche, d’éducation, de politique du marché du travail.

N. O. - Vous êtes un ancien syndicaliste et un homme politique. Quel sera, à votre avis, le rôle des luttes sociales et politiques pour faire échec à ces docteurs Knock du libéralisme ?

J. Delors. - La Confédération européenne des Syndicats est favorable à l’UEM. Elle mène le combat sur la même ligne que moi - sans doute parce qu’ils font, comme moi, confiance à la force de la vie, c’est-à-dire aussi aux luttes. Il faut en tenir compte, là où les textes ne vont pas assez loin. Cela dit, il y a eu, sous mon impulsion, des progrès dans la dimension sociale de l’Europe, qu’il s’agisse de l’égalité entre les hommes et les femmes, de l’harmonisation des conditions d’hygiène et de sécurité dans les entreprises, des politiques structurelles qui servent en partie à soutenir les programmes pour l’emploi, l’information et la consultation des travailleurs dans les sociétés multinationales, le congé parental, etc. Certes, la libération des échanges va plus vite que le code social européen. Mais le déséquilibre n’est pas total. Le mouvement est partout, le mouvement est tout, comme aurait dit Bernstein.

N. O. - Est-ce que les partis politiques vont s’organiser aussi vite que les entreprises pour prendre en compte la nouvelle dimension européenne ?

J. Delors. - Je fais davantage confiance aux organisations syndicales. Mais je pense que les partis socialistes et sociaux-démocrates européens devraient élaborer une stratégie commune pour permettre à l’Europe d’affirmer sa puissance et sa crédibilité, notamment en créant les bases d’un développement économique et social durable. Je regrette qu’ils n’en soient pas encore arrivés là. J’espère qu’ils seront prêts pour la prochaine élection au Parlement européen.

N. O. - Quels sont les principes qui devraient orienter leur démarche ?

J. Delors. - Je me contenterai de rappeler ce qui nous a poussés à faire l’Europe. Nous l’avons d’abord faite par nécessité, pour écarter définitivement le danger de guerre entre nous. Nous l’avons faite par le cœur, c’est-à-dire par attachement à ce que l’Europe représente dans le monde, au mode de vie européen et à une certaine conception spécifiquement européenne de la place de l’individu dans la société. Et je regrette que le cœur parle si peu en ce moment parmi nos dirigeants. Enfin nous avons fait l’Europe de la raison, pour être à la fois puissants et généreux, pour défendre notre mode et notre niveau de vie, pour sauvegarder ce qu’il y a de meilleur dans nos traditions, y compris, bien sûr, l’Etat-providence.

N. O. - En fin de compte, quelle Europe croyez-vous possible et souhaitable ? Une Europe des nations ? Une Europe fédérale ?

J. Delors. - Ce que je préconise, c’est une fédération d’Etats-nations. Dans un tel ensemble, les Etats acceptent le transfert d’un certain nombre de compétences au niveau européen et la possibilité, très souvent, de prendre des décisions à la majorité qualifiée dans les domaines ainsi transférés. C’est l’approche fédérale, à laquelle obéissent déjà un certain nombre de politiques communautaires, et dont s’inspire aussi le traité sur l’UEM. C’est le contraire de l’Europe des nations, qui repose sur la pratique intergouvernementale par opposition à la politique communautaire. La coopération intergouvernementale suppose que les Etats-nations ne font des choses en commun que lorsqu’ils sont tous d’accord.
La Fédération d’Etats-nations est un mariage de ces deux formules. Elle permettrait de définir clairement ce qui est communautaire et ce qui reste du ressort des Etats. Je propose même d’inscrire dans le traité les compétences qui seraient explicitement réservées aux nations, notamment la politique de l’éducation, l’emploi, la sécurité sociale, la culture, l’aménagement du territoire, etc. Cela aurait l’avantage de la transparence. Les décisions seraient prises dans ces domaines au plus près des citoyens, ce qui renforcerait la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance à 1a nation. Je ne soulignerai jamais assez, pour ma part, la supériorité de la méthode fédérale et de la pratique communautaire sur celle de la démarche intergouvernementale, source d’impuissance et de conflits.

N. O. - La construction européenne, déjà compliquée à quinze, ne risque-t-elle pas d’être bloquée par l’arrivée de nouveaux membres ? Ne faudrait-il pas leur dire la vérité, à savoir que si leur place est naturellement en Europe, leur adhésion ne pourra en aucun cas se concrétiser dans les trois ou cinq ans, contrairement à ce qu’on a fait miroiter à certains d’entre eux ?

J. Delors. - Je répondrai d’abord par deux questions. Est-on sûr que les 26 pays - les 15 actuels et les 11 candidats, auxquels d’autres pourraient se joindre par la suite - partagent la même ambition pour l’Europe et pour le rôle qu’elle doit jouer dans le monde ? Ne faudrait-il pas revoir le contrat de mariage à la baisse, en proposant d’abord aux candidats de pouvoir bénéficier des acquis principaux de la construction européenne, en particulier la liberté des échanges et les politiques d’accompagnement ? C’est la raison pour laquelle j’ai toujours plaidé pour deux Europe : une Europe large, dont les membres profiteraient des avantages du grand marché, et une Europe limitée sans doute à quelques pays dont les ambitions seraient plus hautes et qui voudraient une Europe qui joue dans le monde un rôle conforme à sa vocation d’universalité.

N. O. - A quel horizon voyez-vous l’Europe du grand marché, élargie aux pays d’Europe centrale ?

J. Delors. – Entre 2002 et 2005.

N. O. – Et pour quand l’autre Europe, plus resserrée, plus ambitieuse, plus communautaire ?
         
J. Delors. - Je suis un peu plus pessimiste. Car les forces spontanées vont vers une zone de libre-échange sans âme et sans volonté. Et c’est à ce titre que l’UEM est intéressante. La monnaie unique apparaîtra peut-être un jour aux historiens comme l’élément qui aura empêché cette dérive vers une simple zone de libre-échange souhaitée par certains pays. Il y a eu deux grandes tentatives pour faire l’Europe par la politique. La première, qui visait à faire l’Europe par la défense, a été rejetée en 1954. La deuxième, qui va faire l’Europe par la monnaie, a été acceptée, et elle est en cours. La monnaie est éminemment politique. Elle est, comme la défense, au cœur de la souveraineté nationale. C’est la raison pour laquelle je pense que sa mise en commun déclenchera une dynamique vers un approfondissement de l’Europe et la création d’un espace politique européen où chaque citoyen pourra débattre de son avenir. »