Interview de M. Raymond Barre, député apparenté UDF, dans "Le Progrès" du 5 mars 1998, sur le financement du périphérique nord de Lyon et de divers équipements routiers de la ville.

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Média : La Tribune Le Progrès - Le Progrès

Texte intégral

Le périphérique Nord rouvre ce matin. Quelles raisons vous ont poussé à en fermer la plus grande partie pendant près d’un mois ?

La décision du Conseil d’Etat annulait le contrat de concession. A partir de ce moment-là, nous étions dans un vide juridique total. Il était nécessaire de faire face à cette situation, d’autant que des travaux étaient en cours sur le périphérique. J’ai donc pensé que la meilleure solution était de le fermer. D’autre part, si le périphérique avait continué à fonctionner alors que le prélèvement d’un péage n’était plus autorisé, c’était accepter pour toujours la gratuité de l’équipement. Or, j’ai toujours dit qu’il fallait que le péage soit maintenu.

Compte tenu des nouveaux tarifs appliqués, à partir de quel trafic pensez-vous que le périphérique puisse être rentable ?

Nous avons fixé les péages avec deux préoccupations. Premièrement, rendre le périphérique accessible au plus grand nombre des Lyonnais, au coût le plus modéré. Deuxièmement, partager entre l’usager et les habitants le coût d’exploitation et du rachat du périphérique. Nos calculs actuels montrent que les péages ne suffiront pas à couvrir ces frais. Mais je me demande, pour ma part, si l’ouverture du périphérique, avec les tarifs que nous avons fixés, ne va pas entraîner une fréquentation de plus en plus importante de l’ouvrage, et si par conséquent, nous n’obtiendrons pas ultérieurement des recettes plus abondantes que prévu. Mais dans ce domaine, je ne fais jamais d’hypothèse trop optimiste.

Si les recettes s’avéraient trop faibles pour couvrir le coût du péage lui-même, pourrions-nous aller vers une exploitation gratuite ?

D’après les calculs que nous avons faits, ce coût est couvert. Si la fréquentation n’est pas suffisante, ce n’est pas une raison pour supprimer le péage. Les habitants du Grand Lyon ne sont, maintenant, pas contraints de prendre le périphérique. Les autres voies de circulation, qui avaient été - selon la plaisante expression – “pincées” en vue de rabattre les usagers sur le périphérique, sont désormais totalement disponibles. Aux automobilistes de faire le choix que leur dictera leur intérêt.

Le fait que le viaduc du Rhône devienne gratuit remet-il en cause la construction de l’échangeur de la Feyssine ?

Non, pas du tout. Mais je ne peux pas donner de date exacte pour son ouverture. Nous sommes dans une situation pressante, et il sera probablement terminé avant l’été.

Cela concerne aussi la requalification de la rue Marietton ?

Cette requalification est décidée. Elle se fera dès que la situation sera clarifiée pour le périphérique et les itinéraires de dégagement.

C’est-à-dire dans l’année ?

Oui, certainement.

Un nouveau responsable d’exploitation a-t-il été nommé, et le nom de Téo subsistera-t-il pour désigner le périphérique ?

Effectivement un nouveau responsable d’exploitation a pris son poste. Il s’agit de M. Michel Carreau qui était directeur général de la société Isis, filiale du groupe Scetauroute, et directeur d’exploitation d’AREA. II a donc une parfaite connaissance de la gestion des infrastructures autoroutières. Téo restera dans le langage populaire. Ce problème de sémantique n’est pas essentiel. J’ai l’habitude de parler du Tronçon Nord du Périphérique, du TNP, ça évoque le théâtre et il y a une part de théâtre dans tout cela.

Où en sont les travaux du second tube ?

Ils sont assez avancés et c’est la raison pour laquelle nous voulons passer rapidement un marché négocié de travaux avec les sociétés concernées. Il était prévu que ce second tube serait disponible vers le début de l’an prochain. Notre objectif reste une mise en exploitation normale des deux tubes du tunnel en 1999. Tout se passe dans d’excellentes conditions avec l’ancienne société concessionnaire et les membres de celle-ci.

Pouvez-vous expliquer ce qu’il est convenu d’appeler l’impôt Téo ?

Je voudrais surtout faire comprendre la démarche que je crois utile d’adopter à la Ville comme à la Communauté urbaine. Nous avons établi des plans de mandats assortis de plans de financement. Ces programmes ont été établis avec une double préoccupation : réduire l’évolution des taux de fiscalité à la Ville et par ailleurs, à la Communauté urbaine, maintenir la pression fiscale qui n’a pas changé depuis 1995. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas disposé à modifier ces plans et leur financement pour tirer les conséquences d’un événement imprévu, qui ne résulte en rien de l’actuelle gestion.

Pour faire face à l’annulation du contrat de concession, nous devons racheter l’ouvrage et l’exploiter nous-même en régie directe avant de confier sa gestion à une structure définitive dont nous déciderons la forme après la remise du rapport des experts en mai. Les dépenses que nous aurons à engager devront être financées par l’emprunt. Ce n’est pas un problème insoluble dans la mesure où la Communauté urbaine est peu endettée, mais il faudra assurer le remboursement de cet emprunt. Pour le bon ordre des choses, je crois qu’il conviendra d’individualiser les besoins de financement nécessaires à la solution définitive de cette affaire, de rechercher toutes les recettes normales et de fixer la contribution fiscale supplémentaire qui sera, sans doute, indispensable. Ce que je souhaite, c’est éviter la confusion entre les recettes et les dépenses concernant la gestion de l’actuelle mandature et celles provenant d’un événement dont elle ne partage aucune responsabilité, ni dans son origine, ni dans son évolution.

Henry Chabert estime que la précédente mandature avait assumé les conséquences du dossier Maggaly dont elle n’était, elle aussi, pas responsable. Que pensez-vous de ce parallèle ?

Il n’y a pas de ressemblance entre ce qui s’est passé pour Maggaly et ce qui est à l’origine de l’annulation du contrat de concession du périphérique Nord.

En prenant la décision d’annulation, le Conseil d’Etat a, à mon sens, non seulement voulu fixer une règle juridique, en tenant compte de directives européennes, mais aussi donner à sa décision solennelle un caractère moralisateur. Nous avons, nous aussi, assumé des dépenses engagées par la précédente mandature. Nous l’avons fait dans la bonne foi et la discrétion.

Le Conseil général participera-t-il au financement du rachat ?

Nous travaillons en étroite collaboration avec le Conseil général. C’est sur la base des documents que nous aurons établis que nous pourrons ensuite arrêter notre conduite commune à l’avenir.

Quel est votre sentiment sur les solutions alternatives avancées ici ou là pour racheter Téo ?

Elles relèvent certainement de bons sentiments mais me paraissent correspondre aux contes de “Ma mère l’oye”. Quand j’entends parler de l’argent du TOP (Tronçon Ouest du Périphérique) pour le financement des dépenses auxquelles il faudra faire face, je voudrais rappeler que c’est dans ce mandat que nous devrons payer le rachat du périphérique. Or, nous n’avons aucun budget réservé pour le TOP dans notre politique pluriannuelle d’investissements.

L’idée du surpéage aux entrées autoroutières de Lyon n’est-elle pas intéressante ?

Il s’agit d’une proposition irréaliste. Le surpéage, les experts nous l’ont dit est illégal. Il n’a été consenti par l’Etat que pour des autoroutes de contournement et non pour les ouvrages à l’intérieur d’une agglomération. Certains disent que la loi peut changer. Je ne peux pas mesurer l’influence politique de ceux qui avancent ce point de vue. Mais comment peut-on croire que l’Etat, qui a choisi de ne plus financer ce type d’infrastructure ne, va laisser les collectivités locales puiser dans la cagnotte des autoroutes alors qu’il n’arrive même plus à financer les projets autoroutiers nécessaires à l’aménagement de notre territoire national ? Le fait pour Lyon de maintenir le péage est exemplaire car c’est à cette condition que des équipements urbains pourront être finances ultérieurement en France.

J’ajoute que les solutions que certains nous proposent aujourd’hui, il fallait les trouver il y a sept ans. C’est à ce moment-là que les conséquences de ce qui a été décidé auraient dû être soigneusement pesées.

Que répondez-vous à ceux qui vous demandent d’engager une action en justice ?

J’ai toujours été d’une très grande circonspection en ce domaine. Ma position a, de tout temps, été celle qu’a formulée le commissaire du gouvernement au Conseil d’Etat.

Il a constaté certains faits troublants qui tendraient à faire penser que le contrat de concession a été davantage inspiré par l’intérêt personnel que par l’intérêt général, mais il ajoute qu’il ne peut les retenir, dans la mesure où il ne dispose que de coupures de presse.

Je me refuse, pour ma part, à prononcer de graves allégations. Si les procédures en cours aboutissaient à des conclusions indiscutables, j’ai indiqué que je n’hésiterai pas à ce que la Communauté urbaine se porte partie civile dans ce dossier pour défendre les intérêts de la collectivité et de ses habitants.