Texte intégral
Q : 0ù en est la "revue de programmes "annoncée en 1997 ?
R: Nous avons fait la moitié du chemin, Je présenterai vers la fin février les principales conclusions et les principaux enjeux qu'a dégagé ce travail. Nous ne nous sommes pas limités à un examen des programmes, nous avons essayé d'appuyer un éclairage sur le débat stratégique et économique. Sur ces deux thèmes, nos réflexions mériteront d'être poursuivies. Aussi, cette revue de programme n'est-elle pas une nouvelle loi de programmation mais une méthode pour entrer dans la loi de programmation actuelle. C'est l'occasion de réaliser un certain nombre d'estimations de comptes, d'éviter le risque de redondances, et l'occasion aussi de soumettre aux autorités politiques dans leur ensemble la correspondance entre les coûts d'un certain nombre de programmes et les technologies auxquelles ils sont associés, en disant : si nous voulons passer en dessous en termes de choix budgétaires, on peut le faire, mais voilà lucidement ce à quoi nous devrons renoncer. Toutefois, compte tenu de la durée acquise de certains programmes, la capacité d'infléchir les budgets au cours, des prochaines années est évidemment très réduite. Cette revue de programme doit nous permettre aussi d'entreprendre à bonne date l'élaboration de la prochaine loi de programmation. Je ne crois pas satisfaisant que ce pays fasse un Livre blanc tous les 25 ans. Il faut rester réceptif aux évolutions. Pour des raisons de rationalité budgétaire, il me paraît judicieux que la prochaine loi de programmation soit soumise au Parlement dans la première moitié de l'année 2011. De manière à ce que la dernière loi de finance de l'actuelle programmation, devant être adoptée à l'été 2011, soit suffisamment éclairée par la perspective de la programmation suivante. Si on retient cette chronologie pour la loi de programmation - 2003-2009, un certain nombre de débats pour confirmer, infléchir ou préciser les options du Livre blanc de 1994 pourraient s'ouvrir dès l'an prochain.
Avion de transport futur
Q : L'avenir du programme ATF/FLA passait-il par un élargissement vers la CEI ?
R : Nous souhaitons que l'industrie russe et ukrainienne entre dans un partenariat pour élaborer le projet d'un appareil de transport. Il s'agit de faire un avion nouveau. Il ne s'agit pas de reprendre un avion existant. Pour cette opération, le partenariat d'Airbus militaire est appelé à s'élargir. La politique d'équipement militaire doit être utilisée comme un ressort pour se maintenir au plus haut niveau dans certaines technologies de pointe. C'est le sens de l'opération ATE. S'il s'agissait seulement de développer un modèle d'avion de transport militaire à 300 exemplaires partagés entre différents pays sans effet de fertilisation civile, je m'interrogerais sur l'opportunité de le faire. Je constate par ailleurs que l'argument traditionnel selon lequel la commande d'avions américains répondrait mal à nos besoins, ou serait trop chère, n'est pas exact. Le cocktail pour répondre aux besoins opérationnels français serait de cinq à huit C-17 et d'une cinquantaine C-130. Dans ces conditions, la valeur ajoutée du projet ATF, par rapport à ses risques et à son coût, c'est la fertilisation des capacités technologiques pour les futurs programmes Airbus. Il me paraît important de savoir s'il y a une perspective commerciale sur le marché civil du fret et si le programme ATF génère des retombées sur les activités civiles. Si la réponse est non, cela me rendrait très vigilant sur la poursuite du programme, compte tenu des coûts et des risques d'étalement des commandes.
Rafale (commande)
Q : Les conditions pour passer la commande de 48 Rafale sont-elles réunies ?
R: Fin 1997 marque le lancement de la procédure des commandes pluriannuelles. Cette procédure a déjà été utilisée pour cinq programmes d'un montant global de plus de 18 millions de francs. Il va falloir une certaine durée d'analyse et d'approfondissement de la méthode pour qu'on applique ce schéma à des contrats unitairement massifs. C'est le cas du Rafale et des nouveaux hélicoptères de combat Tigre. Même s'il n'y a pas d'incertitude sur le fait que le gouvernement achètera des Rafale il est clair que la revue de programme ne s'achèvera pas sans que le gouvernement définisse une position stratégique vis-à-vis de ce programme. Il y aura un escadron de démonstration Rafale, mais je ne vous préciserai pas à quelle date ni à quelles conditions : cela fait partie de nos discussions avec les industriels concernés par ce projet.
Industrie européenne de défense (pôle aéronautique)
Q : Quelles sont les réactions de vos partenaires européens au projet de création d'une entreprise aérospatiale unifiée ?
R : Il y a une énorme différence qualitative entre ce que nous avons fait avec Thomson et ce que nous devons faire pour l'aéronautique et le spatial à l'échelle internationale. Nous avons fait part à nos partenaires européens de notre préférence pour une consolidation du maximum de fonctions aérospatiales au sein d'une grande entreprise industrielle unifiée. Il est évident que chacun, en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne, aura sa propre interprétation de ce concept, de sa géométrie et de son calendrier. Mais au-delà de ces partenaires majeurs, je m'attache à prendre en considération trois autres grands acteurs européens que sont l'Italie, l'Espagne et la Suède. A cet égard, je suis notamment convaincu que l'Italie est appelée à jouer un rôle important dans cet ensemble. Si, comme nous le souhaitons, l'aviation militaire fait partie de cette grande fusion aérospatiale européenne dans les années qui viennent, il est de : l'intérêt des industriels français que cela ne tarde pas.
DGA
Q : La réforme de la DGA, initiée par vos prédécesseurs, vous satisfait-elle ?
R : Oui, le mouvement initié par mes prédécesseurs est conforme à mes idées. Mais on ne peut pas assigner une fin à ce type de réforme. Les structures centrales ont vocation à continuer à faire des efforts d'allégement et d'assouplissement. L'ampleur de nos programmes pousse à réduire le flux d'entrée des hommes de la DGA et à veiller à recruter les spécialistes dont cette administration a besoin. J'y ajoute une part plus politique : au-delà de l'expertise dont elle est détentrice, la DGA doit maintenir du côté des états-majors une part de responsabilité dans la conduite des programmes. C'est la garantie d'un retour régulier des étapes des programmes devant le pouvoir politique.
Helios 2 - Trimilsatcom
Q : La baisse de 5,6 % des crédits "Espace" est-elle de nature à favoriser une plus grande dualité civile et militaire ?
R : Le budget 1998 est cohérent avec les orientations de notre politique spatiale et la priorité que le gouvernement souhaite lui donner, Il permet notamment un bon équilibre entre l'utilisation opérationnelle des systèmes en service, le développement des moyens futurs tels Hélios 2 ou Trimilsatcom, et les études en amont destinées à préparer l'avenir. Celles-ci permettront de financer des recherches sur de nouveaux concepts comme les petits satellites, les constellations ou les nouvelles applications comme la navigation ou l'alerte avancée. En fait, ce recul est dû aux économies réalisées par les décalages de calendrier et le non lancement des programmes franco-allemand d'Hélios/Horus. En outre, d'autres économies, ont été rendues possibles en retardant d'un an certaines capacités jugées moins prioritaires comme la surveillance de l'espace.
Dans nos limites financières, l'espace est, pour de multiples raisons, une fonction en croissance dans ce ministère. Pour des raisons à la fois technologiques et économiques, la doctrine évolue vers une dualité plus assumée dans un état d'esprit plus ouvert. Cette dualité a cependant des limites dans certains domaines du renseignement spécifiquement militaires. Mais cette dualité amorce aussi des problèmes nouveaux et difficiles de financements en commun, de partage des coûts et d'analyse de marché.
Q : Hélios 2 et Trimilsatcom vont-ils bénéficier de l'apport des systèmes commerciaux ?
R : Dans des domaines comme les télécommunications et dans une partie de l'observation, il y a effectivement des possibilités de dualité forte entre le civil et le militaire. Ainsi, les études entreprises par le Cnes permettent-elles d'entrevoir, à terme, le recours à des petits satellites de classe métrique. A l'occasion de la revue de programme, j'ai moi-même demandé que soit accélérées les études menées par le ministère de la Défense sur ce sujet. De même, dans le domaine des télécommunications, il est envisageable que les armées puissent avoir recours à ... des moyens gérés par des opérateurs civils. A cette fin, nous pourrions évoluer d'une stratégie d'acquisition de moyens vers une stratégie d'achat de services.
Q : L'absence de financement allemand remet-elle en question Helios 2 et Horus ?
R : La non-participation allemande sur Hélios 2 est beaucoup moins grave que pour Horus. Les 20 % de l'Allemagne n'ébranlent pas le programme Hélios que nous ferons de toute façon. Par ailleurs, la non-participation allemande sur Hélios 2 constitue une menace pour l'avenir du programme : Horus financé à hauteur de 60 % par l'Allemagne. Or, il faut à la France un satellite radar. Si l'Allemagne venait à se désengager, ce qui n'est pas son intérêt à long terme, nous trouverons une solution pour avoir accès à l'imagerie radar. Il pourrait s'agir d'un système radar moins ambitieux mais qui, utilisé en synergie avec le système optique et surtout à base de technologies civiles, pourrait offrir un compromis autorisant la détection d'activités en s'affranchissant des contraintes météorologiques. Pour ces solutions alternatives, la France continuera à promouvoir la recherche de partenaires européens.
Q : La Défense serait-elle prête à participer au financement d'un système de navigation satellitaire ?
R : Par définition, la Défense a des calendriers à plus long terme que d'autres ministères. Par ailleurs, son budget spatial est juste suffisant pour honorer ces propres engagements. Or la navigation par satellites présente un caractère complètement dual puisque les armées ne devraient représenter que 2 % des utilisateurs en 2000. C'est un sujet que je vais aborder avec les ministères des Transports, de la Recherche et des Affaires étrangères, pour établir une position française dans le cadre des travaux de la Commission européenne. La contribution du ministère sur ce sujet est en cours d'élaboration.
Q : Quel est votre point de vue sur un éventuel rapprochement Cres-Onera ?
R : C'est un thème de réflexion. Un tel rapprochement, dont la nature reste à déterminer, peut offrir une palette de solutions en termes de convergences de capacités. Nous avons la perspective d'établir une relation de coopération approfondie entre le ministère de la Défense et le CNRS pour toutes les questions d'espace militaire. Dans la durée, le CNRS a vocation à jouer un rôle aussi intimement lié à la Défense dans son domaine que le CEA dans le sien.