Déclaration de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale et membre du PS, sur le Parlement des enfants, Paris le 16 mai 1998.

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Intervenant(s) : 
  • Laurent Fabius - président de l'Assemblée nationale et membre du PS

Circonstance : Ouverture de la séance annuelle du Parlement des enfants, à l'Assemblée nationale à Paris le 16 mai 1998

Texte intégral

Mesdemoiselles et Messieurs les Députés-Juniors,
Chers amis,

Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. De la même façon que les députés représentent la Nation française, vous représentez aujourd’hui tous les enfants de France. J'espère que vous trouverez nos travaux intéressants et enrichissants pour vous-mêmes. J'espère aussi qu'ils vous montrent que le débat public, la vie politique ne sont pas toujours ce que l'on raconte.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à vos parents qui vous accompagnent. Ils ont pris sur leur temps pour vous aider à comprendre comment fonctionnent les institutions de la République, et pour vous aider à devenir des citoyens. Je les en remercie, parce qu'il n'y a rien de plus important pour l'avenir de notre démocratie que de préparer les jeunes à leurs responsabilités civiques.

Je remercie également beaucoup les enseignants qui, tout au long de l'année, ont pris une part active au déroulement des phases préparatoires de cette séance. A travers eux, c'est l'ensemble des enseignants français que je salue. Quels que soient les propos parfois tenus à ce sujet, je tiens à souligner que vos enseignants sont d'une grande qualité et d'un grand dévouement, et doivent savoir que nous leur en sommes reconnaissants.

Je constate, en vous regardant, qu'il y a un peu plus de députées-juniors du sexe féminin que du sexe masculin, ce qui est le contraire de l'Assemblée des députés-adultes. J'en suis heureux, parce que je pense que les responsabilités politiques doivent être accessibles aussi bien aux femmes qu'aux hommes. Vous montrez le bon chemin car il y a même parmi vous légèrement plus de filles que de garçons. Depuis cette semaine d'ailleurs, nous avons tranché la question : on dira désormais ici, « Monsieur le Député » pour un homme, « Madame la Députée », pour une femme. Auprès du Gouvernement, la personne qui a en charge de promouvoir la notion de parité est la déléguée aux droits des femmes, Madame Geneviève Fraisse : elle est ici présente avec nous et je la salue.

La séance d'aujourd'hui est la dernière étape d'une démarche qui a duré plusieurs mois. Sous la conduite de votre institutrice ou de votre instituteur, vous avez participé à des activités qui répondent à deux objectifs. D'une part, vous permettre de mieux comprendre ce qu'est une loi, comment elle se prépare, et comment elle se vote. D'autre part, sensibiliser l'opinion aux questions qui préoccupent le plus les enfants, les jeunes. A ce sujet, le travail préparatoire aux propositions de lois qui a été réalisé dans les 577 classes qui ont participé à l'opération montre que vous êtes particulièrement sensibles aux injustices et aux inégalités, surtout lorsqu'elles concernent des enfants. Vous souhaitez une société plus fraternelle, plus solidaire, plus juste. Vous avez raison.

J'avais déjà noté cette préoccupation dans les propositions faites par vos camarades députés-juniors l'an dernier. Beaucoup de leurs suggestions, comme beaucoup des vôtres cette année, concernaient ce que l'on appelle les « droits de l'Enfant ». Nous en avons tiré la conséquence : j'ai proposé à l'assemblée nationale la création d'une Commission d'enquête parlementaire sur ce sujet. Avec une trentaine de députés, nous avons interrogé de très nombreux responsables et nous avons procédé à l'analyse des principaux aspects des conditions de vie des jeunes dans notre pays. Un rapport a été rédigé. Nous l'avons rendu public mardi dernier : il vous est remis, il contient des propositions proches des vôtres souvent. J'espère qu'il servira à provoquer des innovations sur les points qui nécessitent des améliorations.

J'en cite quelques-unes. Premièrement : voter certains textes qui permettront que la Convention internationale des droits de l'Enfant, la convention de New York, soit appliquée vraiment en France et que tous les enfants qui vivent dans notre pays puissent demander à l'appliquer. Deuxièmement : créer des comités communaux ou intercommunaux de l'enfance dans les villes et les agglomérations pour traiter des problèmes de l'enfance. Troisièmement : augmenter le nombre des infirmières scolaires et des endroits où les enfants pourront librement parler de leurs problèmes, et où on les écoutera. Quatrièmement : mieux informer les enfants, en diffusant plus largement le numéro de téléphone gratuit pour les enfants maltraités (numéro vert 119) et en demandant aux chaînes de télévision et de radio publique de réaliser un journal télévisé pour les enfants. Cinquièmement : l'innovation peut-être la plus importante, le souhait de création d'un médiateur ou d'une médiatrice des enfants. De la même façon qu'il existe un « médiateur de la République » qui peut contribuer à régler les problèmes que les citoyens rencontrent avec les administrations, il serait utile qu'il existe un « médiateur des enfants », qui pourrait être saisi par vous-même, par vos camarades, par toute personne qui a connaissance d'un problème sérieux que vivent des enfants. Ce médiateur, ou cette médiatrice, serait un interlocuteur de l'enfance dans les institutions de la République. J'espère que cette proposition pourra être mise en œuvre dans un proche avenir et je vais continuer d'agir en ce sens.

A l’occasion de notre rencontre, je ne peux pas passer sous silence le problème de la violence. Les faits de violence dans les écoles, dans les quartiers, sont inacceptables. Chacun y a sa responsabilité : l’État, qui ne fait pas toujours ce qu'il devrait faire ; certaines familles, qui laissent parfois se dégrader la situation : les auteurs de violences d'abord, évidemment, que rien ne justifie dans une société démocratique comme la nôtre. En tout cas, je veux dire devant vous, qui en êtes convaincus, que c'est un problème très sérieux, que la violence est inacceptable et qu'elle ne doit en aucun cas être acceptée.

Nous allons maintenant passer aux différents points de l'ordre du jour de notre séance. Dans un premier temps, vous allez pouvoir poser à Madame la ministre Ségolène Royal et à moi-même les questions que vous avez prévues, et nous essayerons de vous répondre. Ensuite, Madame Royal vous dira quelques mots sur son action. Enfin, vous présenterez les trois propositions de loi que vous avez sélectionnées ce matin en commission et vous voterez pour déterminer celle que vous voulez adopter.

Après la proclamation de ce vote et la remise des prix aux dix classes dont la proposition de loi a été sélectionnée à l'échelon national, notre séance se terminera. Je souhaite et je ferai en sorte que nous puissions faire voter par le Parlement des adultes l'une ou l’autre de vos propositions. Cela avait pu être réalisé en 1996. Pour 1997 aussi : l'Assemblée nationale a en effet adopté une proposition de loi du Parlement des Enfants qui permet à l'enfant orphelin de participer au Conseil de famille, et le Sénat vient de le faire. Ce texte, que vos camarades avaient préparé l'an dernier, fait donc désormais partie des lois de la République. Pour 1998, je veillerai à ce que vous soyez également entendus, afin que vous ne travailliez pas « en l'air », mais que vos recommandations aient un effet concret.

Pour terminer, une information et un vœu. L'an prochain, 1999, nous préparerons l'an 2000. Il y aura non seulement un Parlement national des Enfants en mai, mais à la fin de l'année un Parlement mondial des Enfants. J'inviterai, avec l'UNESCO, un garçon et une fille de chaque pays du monde, nous nous réunirons ici et nous adopterons une déclaration pour le 21e siècle. Je souhaite que vous tiriez de l'expérience que vous avez vécue cette année la conviction que la politique doit être le souci de construire l'avenir et que chaque habitant jeune ou moins jeune, doit prendre sa part de responsabilités, comme sur un chantier. Bon, travail et vive la République !