Texte intégral
Q. : Je souhaite m’adresser à M. le secrétaire d’État à l’action humanitaire d’urgence pour lui poser une question d’actualité permanente, brûlante, et même explosive, puisqu’elle porte sur les mines antipersonnel qui, toutes les vingt minutes, détruisent une vie civile quelque part sur la planète. Les mines antipersonnel sont ces bombes à retardement qui, en quelques secondes télescopent une vie. Elles sont dispersées dans une cinquantaine de pays environ, et leur nombre s’élèverait à 100 millions.
Lors de la conférence de Vienne, en septembre-octobre 1995, le gouvernement de la France s’est engagé, par votre voix, à en interdire la production et à en détruire les stocks. Cette conférence, qui s’est poursuivie à Genève le moins dernier, est en train de s’enliser dans des considérations techniques et prosaïques alors que les fabricants continuent, eux, à écrire avec cynisme dans leurs catalogues qu’il vaut mieux mutiler que tuer car cela démoralise les troupes ! Certains même se reconvertissent en démineurs vertueux. Il faut dire que ce marché est juteux, puisqu’une mine coûte 20 francs à la fabrication et 4 000 à la destruction.
Pourtant, nous savons ce qu’il faut faire. D’abord, une mobilisation soutenue de la communauté internationale. Ensuite, un engagement plus fort dans les opérations de déminage, en évitant les primes au cynisme. Enfin et surtout, une loi qui inscrive dans la permanence la décision du Gouvernement et dans transparence les modalités d’application de cette décision.
Je tiens à vous faire savoir que si vous décidez de suivre cette voie, vous ne serez pas seul. Vous serez en compagnie des dix-neuf pays qui ont adopté l’interdiction totale, des trente-huit députés de cet hémicycle qui ont signé l’une des trois propositions de loi. Vous serez surtout en compagnie des 400 associations constamment mobilisées, des 120 000 signataires de la pétition contre la guerre des tâches, des 600 000 victimes recensées, des 110 millions de victimes attendues et, surtout, de toutes les personnes sensées et généreuses de la planète.
Si vous, Monsieur le secrétaire d’État, qui avez décidé de créer un observatoire national de la précarité, c’est-à-dire qui avez décidé de passer de la charité à la solidarité durable et d’insuffler de la volonté politique dans la lutte contre l’exclusion, n’avez pas la ferveur utopique nécessaire pour conduire ce combat jusqu’à son terme, alors nous n’aurons plus qu’à dresser un immense panneau qui sera visible du point le plus éloigné du sud et sur lequel nous aurons inscrit : « Planète interdite aux enfants, aux femmes, aux villageois, aux pauvres, aux faibles ».
R : Vous avez raison de le souligner, les mines antipersonnel représentent un fléau dont l’opinion internationale n’a pas encore pris la pleine mesure. Ces mines tuent et mutilent chaque jour des hommes, des femmes et des enfants, bien après la fin des conflits. La France a adopté sur cette question une attitude de chef de file. Un moratoire portait sur l’exportation de ces mines. La France s’interdit désormais de les produire, comme nous avons eu le plaisir de l’annoncer à la conférence de Vienne. Et elle continuera son œuvre de chef de file en essayant d’entraîner les pays de la communauté et les pays du monde entier dans la même voie. Tout cela assure à la France une certaine crédibilité pour parler de ce fléau. Pour ma part, lorsque je me rends dans les pays du tiers monde comme le Rwanda, l’Angola, le Tchad, où des territoires entiers sont en effet interdits aux populations – ce qui constitue un frein à leur développement –, je constate que la France peut ainsi mener une action diplomatique et des actions de terrain : prévention et éducation de populations déminage, actions de réintégration et de restauration des personnes qui ont été mutilées. Elle coopère, par ce biais, avec les associations – en particulier, Handicap international – qui luttent pour la réadaptation, pour l’appareillage et contra la douleur.