Texte intégral
Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Voici quelques mois, un des participants de notre réunion de N’Djamena a insisté sur le fait qu’il convient de montrer aux investisseurs internationaux l’Afrique « qui marche ». Vous comprendrez que pour quelqu’un qui, comme moi, se déclare « afro-optimiste », cette idée est séduisante et, avec la permission de l’orateur, je me permettrais de l’utiliser et de la développer.
Cette évolution positive des pays de la zone franc est devenue une réalité qu’il importe de faire savoir et de montrer.
Montrer cette Afrique qui marche aux populations africaines elles-mêmes, pour qu’elles constatent que les efforts qui leur ont été demandés portent maintenant leurs fruits et pour solliciter leur adhésion à de nouveaux projets mobilisateurs. Pour que les investisseurs potentiels soient informés des modifications réalisées dans l’environnement économique et pour qu’ils réalisent pleinement les opportunités qui s’offrent à eux.
Montrer cette Afrique dynamique aux populations du Nord, pour convaincre les réticents et leur montrer que l’aide publique au développement est efficace dès lors que les bénéficiaires se mobilisent pour l’utiliser au mieux, pour montrer les succès et attirer de nouveaux partenaires : milieu associatif, collectivités locales... Mobiliser aussi les investisseurs qui, depuis la dévaluation, trouvent dans les pays de la zone franc des opportunités plus nombreuses.
Au cours des prochaines heures, un examen des progrès réalisés en matière de gestion macro-économique et financière sera réalisé. C’est donc volontairement que je souhaite évoquer devant vous quelques points, sans doute moins techniques, mais qui sont des exemples de succès. Ils me paraissent devoir être montrés parce que ce sont des résultats concrets que nous avons enregistrés. Leurs conséquences sont immédiates pour les populations. Je souhaite, par ailleurs, évoquer devant vous les inflexions que j’entends donner à notre politique de coopération.
Tout d’abord, permettez-moi de citer l’exemple de la production cotonnière qui touche des millions de paysans en zone sahélienne. La campagne cotonnière 1995-1996, dont la production est actuellement en cours d’égrenage, a atteint en zone franc un record historique de 690 000 tonnes de coton fibre, soit 100 000 tonnes de plus que l’année précédente. La zone franc confirme ainsi sa place de troisième exportateur mondial.
Le Mali, par exemple, premier exportateur africain, entre dans le club des dix premiers exportateurs mondiaux. Ces bons résultats sont dus pour l’essentiel aux effets de la dévaluation du franc CFA conjugués à une bonne pluviométrie et à un marché mondial devenu porteur.
En effet, depuis le réajustement monétaire de janvier 1994, les prix de revient, qui étaient auparavant supérieurs aux prix de vente sur le marché mondial, sont devenus compétitifs.
Cette situation a permis de dégager un revenu brut important pour les acteurs de la filière coton. C’est ainsi, par exemple, que 62 milliards de FCFA ont été distribués aux paysans maliens pour l’achat de coton graine lors de la campagne 1994-1995. De même, les sociétés d’intervention ont pu notablement améliorer leurs résultats financiers.
En moyenne, le prix d’achat au producteur a doublé en FCFA depuis 1992-1993, ce qui a permis de maintenir la rémunération des producteurs dans la zone franc et de stabiliser les populations rurales dans les campagnes.
La structuration actuelle de la filière coton montre que les États de la Zone franc ont su répondre aux opportunités offertes par le marché mondial, et sont sur une dynamique remarquable. Je considère que c’est un exemple de l’Afrique qui se développe et crée des richesses.
Autre signe encourageant : les efforts que vous effectuez pour améliorer le droit des affaires, qu’il s’agisse des actions réalisées sur le plan bilatéral ou de celles au niveau régional. Je pense en particulier à la mise en place des dispositions du traité sur les droits des affaires. Cette vaste entreprise d’harmonisation du droit, de mise en place d’une cour régionale et d’une école régionale de la magistrature, est un événement d’une grande portée et contribuera à sécuriser les investisseurs.
Troisième exemple si vous permettez :
On nous dit, bien souvent, que l’Afrique n’est pas un marché émergent.
Eh bien, regardons de plus près les résultats d’une des seules sociétés de capital-risque qui ne travaille que sur ce continent, je veux parler de la filiale de la Caisse française de développement : PROPARCO.
Depuis cinq ans, le volume global des engagements a ainsi fortement augmenté pour atteindre actuellement le rythme annuel de 1 milliard de francs.
En dépit de la croissance des encours de crédits, le taux d’impayés sur les prêts consentis s’établit à un niveau très faible, 1,5 % des prêts, ce qui démontre qu’il existe de bons risques financiers en Afrique.
De façon plus significative, son portefeuille de participation a dégagé une rentabilité brute largement positive qui démontre que des investissements en Afrique peuvent être rentables.
Voilà trois exemples simples et significatifs, qui peuvent illustrer l’intérêt de cette zone pour des investisseurs potentiels, et qui illustrent concrètement les résultats macroéconomiques positifs.
Un autre point que je souhaiterais évoquer concerne les conséquences, sur les modalités de notre aide, du succès des politiques d’ajustement et la possibilité qui nous est offerte aujourd’hui de réhabiliter l’aide projet.
L’environnement économique et financier, largement assaini dans les pays de la zone franc, nous permet en effet et, enfin, de dépasser les préoccupations de court terme. Nous pouvons investir sur le long terme en nous attachant à donner au développement le caractère durable que nous appelons tous de nos vœux.
C’est la vocation de l’aide projet que de servir cette ambition en mettant à disposition de ceux qui en ont besoin, et surtout qui le demandent, les moyens humains et financiers dont ils ne disposent pas encore.
Mais réhabilitation ne signifie pas reconduction des pratiques anciennes.
L’un des messages forts des travaux récents conduits par les membres du CAD ou ceux du G7 est bien que, s’il faut maintenir des flux conséquents d’aide publique au développement à destination des plus démunis, ceux-ci doivent servir un partenariat renouvelé.
Et dans ce nouveau partenariat, l’appropriation et le pilotage des opérations de développement par les États ou les organisations concernés doivent devenir une réalité. C’est là un enjeu majeur pour les prochaines années.
Il implique, à notre niveau, la définition de stratégies de développement claires, ambitieuses et de long terme comprises et partagées par les différents acteurs de la société civile.
Ce constat m’amène enfin à évoquer la nécessaire coordination entre bailleurs, la simplification des procédures d’interventions, voire la mise en commun des moyens. Les réflexions sur ces thèmes avancent mais leur concrétisation opérationnelle est, je le concède, encore insuffisante.
La coopération française, pour sa part, continuera, comme elle le fait déjà activement dans tous les forums consacrés à l’avenir de l’aide au développement, à plaider pour cette coordination accrue entre donateurs. Cette coordination, vous devez en être les premiers responsables.
Elle est en effet essentielle pour stabiliser les flux d’aide publique au développement, qu’ils proviennent des donateurs bilatéraux ou multilatéraux. Je voudrais, sur ce point, et je sais qu’il sera au centre des discussions du huis clos de cet après-midi, souligner le rôle particulier de l’aide européenne.
Vous connaissez l’attachement de la France à la Convention de Lomé et les efforts qu’elle a déployés en 1995 pour obtenir la reconstitution d’un FED honorable. L’an 2000 sera pour l’aide européenne la prochaine échéance décisive puisqu’il sera marqué par la renégociation de la Convention de Lomé et la reconstitution du FED. C’est une échéance proche à laquelle il nous faut tous ensemble nous préparer.
Il ne faut pas nous cacher que la Convention de Lomé suscite des interrogations : son volet commercial est actuellement dérogatoire aux nouvelles règles de l’OMC, le montant du FED apparaît, à certains, excessif ; bref, des voix se font entendre qui condamnent l’aide européenne. Je considère, pour ma part, que si la convention mérite d’être rénovée, adaptée au nouvel environnement mondial, elle n’en reste pas moins un instrument indispensable à l’aide au développement et elle doit être préservée. Nous aurons, dans les mois à venir, l’occasion de revenir sur ce dossier, mais je suis convaincu que dans les prochains débats, une position concertée des pays membres de la zone franc et plus largement des pays francophones peut être déterminante. À nous de la préparer.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite plein succès pour la poursuite de vos travaux.