Texte intégral
Q — Le processus de paix au Proche-Orient traverse une véritable crise. Quelle est la position de la France vis-à-vis des pratiques du gouvernement Netanyahou et de ses actuelles orientations ?
R — La France est très attachée au processus de paix, aux Accords d’Oslo, à l’ensemble des accords qui ont été passés entre Israéliens et Palestiniens, et donc aux obligations qui en découlent. La France y est d’autant plus attachée que l’opinion publique et la classe politique française sont, depuis longtemps, politiquement et affectivement, très engagées dans les affaires du Proche-Orient. Nous souhaitons vraiment, profondément et sincèrement, que l’on trouve une solution de paix pour la cohabitation des Israéliens et des Palestiniens. Le processus de paix, lorsqu’il avait été lancé il y a quelques années, avait suscité un grand espoir en France. Il faut se rappeler aussi de l’action persévérante, menée par le président Giscard d’Estaing puis par le président Mitterrand pour que l’OLP soit reconnue comme un véritable interlocuteur, action poursuivie par le président Chirac. Il y a donc un contexte historique et un engagement ancien, qui font que ce processus est spécialement important pour la France. Beaucoup plus pour la France que pour n’importe quel autre pays d’Europe.
Nous sommes obligés de constater depuis l’affaire de Har Homa, que les entraves se sont accumulées. Aujourd’hui, l’asphyxie progressive du processus nous inquiète profondément. Il n’y a plus de dynamique, ni de perspective d’espoir au Proche-Orient. Le travail d’élaboration de confiance mutuelle pendant de très nombreuses années par des Israéliens courageux, des Palestiniens courageux, est en grande partie ruiné. J’ajoute que la plupart des Européens ont maintenant une analyse proche de la nôtre. Nous sommes déterminés à réagir.
Q — Que pensez-vous des menaces faites par les responsables américains de se retirer du processus de paix, au cas où les parties concernées refuseraient de transiger ? Que pensez-vous de la souplesse manifestée par la partie palestinienne en acceptant la dernière proposition américaine ?
R — Je pose la question : Est-ce que le gouvernement israélien serait encouragé par ce retrait à adopter une attitude plus constructive ? Les Palestiniens ont besoin que les Américains, les Européens et d’autres restent engagés dans le processus de paix, alors que le gouvernement préfère qu’on le laisse mener sa politique qui vise en réalité à dégager son pays des engagements pris précédemment. Aujourd’hui, il y a des propositions : la balle est dans le camp du gouvernement israélien. L’aide financière, principalement d’ailleurs européenne, est très importante. Les Palestiniens le savent bien. Je comprends que les Etats-Unis puissent évoquer aujourd’hui la menace de se désintéresser des négociations parce qu’ils ont fait énormément d’efforts ces derniers mois, notamment Mme Albright, efforts qui ne sont pas payés de retour. Je comprends cette lassitude. Je souhaite qu’ils persévèrent dans leur engagement comme vous le ferons nous aussi.
Q — Nous avons entendu parler de l’existence d’une initiative européenne en faveur de la relance du processus de paix. Cette initiative a été annoncée lors de la tournée de M. Robin Cook, mais on n’entend plus parler de cette initiative. Quelle est la raison de ce silence ? Cela a-t-il un rapport avec la position américaine vis-à-vis du rôle européen au Proche-Orient ?
R — Attention au malentendu à propos des “initiatives”. Même quand on n’annonce pas “d’initiative” européenne, la France, l’Europe agissent. Il n’y a pas de semaine sans que des ministres européens voyagent dans la région, se concertent avec les Américains, parlent au Proche-Orient, à Paris, Londres, Bruxelles, New York ou ailleurs, avec les dirigeants israéliens ou des dirigeants palestiniens. Tous les jours, des responsables européens prennent des positions (concertées) lancent des idées, fassent des propositions, des suggestions et essaient de convaincre. A certains moments, il faut rassembler tout cela dans un plan encore plus précis.
Q — Y a-t-il quelque chose de plus précis avec M. Robin Cook ?
R — Robin Cook puis Tony Blair ont exprimé des positions européennes fortes, élaborées en concertation. Ils ont rappelé nos attentes et nos propositions. Ils ont soutenu, au nom de l’Europe, les efforts américains. Si la France voit la possibilité pour l’Europe de faire plus, elle le proposera.
Q — Mais y aura-t-il des limites américaines à cette action ?
R — Les Etats-Unis n’empêchent pas les Européens, ni la France, de faire quoi que ce soit. Mais, bien sûr, quand ils mènent une action, ils souhaitent être soutenus. Il faut voir les choses en face : pas plus que les Etats-Unis, l’Europe ne dispose de moyens de contraindre M. Netanyahou, élu par le peuple israélien, qui est populaire et qui n’a pas spécialement besoin de l’Europe. L’Europe est active, elle est déterminée, elle est convaincue. Mais on ne peut pas laisser croire à l’opinion qu’il existe des solutions faciles à ce problème et qu’il suffirait que l’Europe veuille les imposer pour que cela marche. Je sais qu’il y a des intellectuels, notamment dans le monde arabe, qui pensent cela parce qu’ils sont très irrités devant la situation. Je leur dis amicalement que cela n’est pas exact, qu’ils doivent être équitable avec l’Europe. L’Europe et la France ont beaucoup de bonne volonté et beaucoup de volonté — elles ont les deux. Cela ne suffit pas à régler le problème par magie. En même temps, nous ne nous décourageons pas.
Q — Israël vient d’adopter une nouvelle attitude de manœuvre sur les divers volets des négociations en annonçant un retrait conditionnel du sud du Liban. Quel est votre commentaire sur cette proposition israélienne ?
R — Il y a un progrès. Il ne faut pas le nier. Israël ne reconnaissait pas la résolution 425. Depuis quelques temps, le ministre de la Défense et même le Premier ministre israélien, en reconnaissent la validité. C’est positif. Est-ce que cela donne une solution immédiate ? Je ne le pense pas. En effet, la résolution 425 prévoit une évacuation sans condition, alors que les Israéliens ont l’air d’accompagner leur ouverture d’une série de conditions qui, à ce stade, ne semblent pas pouvoir être acceptées par les Libanais. D’autre part, si les Libanais ont le désir bien compréhensible de retrouver leur souveraineté sur le Sud-Liban, ils ne souhaitent pas que cela se fasse au prix de leurs relations avec la Syrie. Ils souhaiteraient donc une approche plus globale. Or la situation entre la Syrie et Israël est bloquée — comme vous le savez — puisque chacun des deux dit qu’il est prêt à reprendre les négociations, là où elles avaient été arrêtées, mais qu’ils n’ont pas la même interprétation du point à partir duquel il faudrait les reprendre. Il y a donc un blocage. Mais on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de mouvement du tout. Cependant, la solution n’est pas encore en vue.
Q — M. Mordechaï a discuté avec vous et avec son homologue français, M. Richard, du rôle que la France pourrait jouer en matière d’arrangements de sécurité au Liban… ?
R — Le président Chirac a déclaré que dans l’hypothèse où Israël, le Liban et la Syrie auraient conclu un accord, la France serait prête à apporter une garantie, y compris militaire, sur le terrain, selon des modalités à déterminer. Néanmoins, la France ne peut pas se substituer à Israël, au Liban et à la Syrie pour conclure l’accord. La France a des relations avec les trois pays et peut être une sorte “d’honnête messager”. Si on peut rendre service, on le fera, mais on ne peut pas négocier à la place des parties.
Q — Mais M. Mordechaï a réellement demandé à la France de jouer un rôle…
R — Il nous a simplement demandé de considérer sa proposition de façon sérieuse. C’est ce que nous faisons en informant le gouvernement israélien de nos contacts syriens et libanais. Cela peut-il aller plus loin ? Arriverons-nous à une véritable application de la résolution 425 ? Je n’en sais encore rien. Mais il faut avoir l’esprit ouvert.
Quelle est la position de la France vis-à-vis de la politique d’alliance au Proche-Orient et surtout de l’alliance stratégique israélo-turque ? Considérez-vous que cette alliance constitue une menace contre les principes de la paix et la sécurité dans la région ?
R — Rien n’empêche la Turquie et Israël de coopérer. Je dirais que tout dépend des objectifs et de l’esprit de cette coopération.
Au Proche-Orient, la France est évidemment favorable à tout ce qui est facteur de paix, de stabilisation, de bon voisinage, de confiance mutuelle et de solution au problème israélo-palestinien. Voilà notre critère d’appréciation des initiatives des uns et des autres.
Q — Quelle est la position de la France vis-à-vis de la politique du « double endiguement » adoptée par les Etats-Unis à l’égard de l’Iran et de l’Iraq ?
R — La politique de la France ne se reconnaît pas dans cette formule américaine. Nous n’employons ce terme ni sur l’Iraq, ni sur l’Iran. Le président Chirac a même parlé au contraire dans une interview récente de double réinsertion. Mais pour y parvenir, il y a deux problèmes différents.
Dans le cas de l’Iraq, les résolutions qui ont été adoptées par le Conseil de sécurité étaient malheureusement indispensables en raison de l’agression du Koweït et de la guerre que cela a provoqué. La découverte des programmes d’armes de destruction massive de l’Iraq a obligé la Communauté internationale à prendre des mesures drastiques. Mais nous disons, nous, Français, que quand les conditions prévues par les résolutions seront remplies, nous n’en rajouterons pas. Nous disons qu’il n’y a pas de résolution cachée concernant le président Saddam Hussein. Nous sommes légalistes ; nous voulons l’application des résolutions, rien que des résolutions. Nous n’en sommes pas là puisque l’Iraq n’a pas encore appliqué toutes les résolutions. Nous estimons qu’il a fait à peu près complètement sur le nucléaire, en très grande partie sur le balistique, pas encore sur le chimique et le bactériologique. Quand on sera au bout de ce programme — qui n’est pas seulement une préoccupation américaine, mais aussi des autres membres permanents, et des pays voisins de l’Iraq, par exemple des pays de la péninsule arabique et des Iraniens — à ce moment-là nous veillerons à faire sortir l’Iraq du tunnel. En attendant, nous faisons tout ce que nous pouvons pour que les conséquences pour la population soient les moins pénibles possibles. C’est pour cela que la France a été tellement active, comme vous le savez, pour élargir le champ d’application de la résolution “pétrole contre nourriture”.
La situation en ce qui concerne l’Iran est différente. Il n’y a pas de sanctions internationales mais seulement des sanctions américaines (du Sénat américain) contre l’Iran. Elles ne s’appliquent qu’aux entreprises américaines.
Q — Mais la compagnie Total a fait un geste contre ce que l’Amérique avait dit ?
R — Non, elle n’a pas fait un geste “contre”. La compagnie Total a passé ce contrat parce que c’était important pour elle du point de vue énergétique et non pas pour faire un geste contre les Etats-Unis. Le gouvernement français, pour sa part, a simplement eu à constater que les lois américaines ne s’appliquent pas aux entreprises françaises. C’est aussi simple que cela. Par ailleurs, notre analyse de la situation en Iran est que l’élection du nouveau président a marqué un tournant. Nous souhaitons accompagner ce mouvement prometteur tout en sachant qu’en Iran les forces disons “archaïques” s’opposent à ce nouveau cours politique. Nous observons cette évolution et nous souhaitons encourager en Iran, ceux qui veulent agir dans le sens de la réouverture à l’extérieur.
Q — Certains analystes considèrent que l’organisation de la Francophonie s’efforce de jouer un rôle politique à côté de son rôle principal dans le domaine culturel. Est-ce bien le cas ? Pourquoi ? La constitution d’une force de prévention des conflits est-elle envisagée dans le cadre de l’action de cette organisation ?
R — La Francophonie, c’est d’abord un espace culturel et un espace linguistique. Le président de la République et le gouvernement, pensent qu’on peut aller au-delà et faire de la Francophonie un espace dans lequel on discute de façon amicale et informelle des grandes questions politiques et diplomatiques. C’est le sens de la fonction qui a été confiée à M. Boutros Boutros-Ghali. Naturellement la Francophonie n’a pas du tout l’intention de concurrencer d’autres organismes qui existent et qui fonctionnent. Mais à partir de ce lien très particulier, et à la fois chaleureux et dynamique, la Francophonie est un plus.
Q — Quelle est la position de la France sur l’élargissement du Conseil de sécurité de l’ONU ? La France pense-t-elle que cette mesure est nécessaire ? Sous quelle forme et quelle façon la France envisage-t-elle cet élargissement ?
R — Nous en sommes bien d’accord : le Conseil de sécurité tel qu’il est n’est plus représentatif du monde actuel. Il était représentatif du monde de 1945-1991. Il faut donc l’adapter. La France trouve logique que l’Allemagne et le Japon soient candidats à un siège au Conseil de sécurité. Je rappelle que l’Italie aussi est candidate. Mais, bien sûr, le Conseil de sécurité ne peut pas être composé seulement de grands pays de l’hémisphère nord. Il faut donc que d’autres pays ou régions importantes du monde y soient aussi si nous voulons faire un Conseil de sécurité représentatif du monde d’aujourd’hui. Il faut une représentation de l’Afrique, de l’Amérique du Sud, de l’Asie (en plus de la Chine), et aussi du monde arabe d’une façon ou d’une autre, puisqu’il est à cheval sur plusieurs continents et qu’on pourrait imaginer une représentation de l’Afrique qui ne le comprenne pas. En même temps, il faut que le Conseil de sécurité demeure efficace, c’est-à-dire que les membres permanents aient le droit de veto. Certains le contestent mais sans droit de veto l’ONU redeviendrait une SDN et il est clair que le monde actuel a, plus que jamais, besoin d’un organe de régulation, la mondialisation comportant beaucoup de risques, de tensions et d’affrontements ou d’implosions d’Etats. Il s’agit, je crois, de principes de bon sens. Tout le monde souhaite, je pense, un Conseil de sécurité plus représentatif, qui, en même temps, demeure efficace. La solution est compliquée puisqu’elle dépend aussi de négociations entre pays africains, entre pays arabes, entre pays latino-américains et entre pays asiatiques. Naturellement nous souhaitons que toutes ces discussions aboutissent au plut tôt.
Q — Quelle est la position de la France vis-à-vis de la crise sanglante en Algérie, notamment après l’échec de toutes les tentatives visant à contenir cette crise ? L’idée d’une intervention étrangère est-elle encore envisagée par la France, après l’échec de l’initiative de l’Union européenne ?
R — La France est très sensible au drame effroyable que connaît l’Algérie. A chaque assassinat, à chaque massacre, l’opinion française est bouleversée, et, naturellement voudrait pouvoir faire quelque chose tout de suite pour aider à mettre un terme à ces malheurs. Alors nous parlons avec les Algériens, nous avons un dialogue politique réel avec l’Algérie, et nous sommes bien obligés de constater qu’aussi bien le gouvernement algérien que la quasi-totalité des forces politiques algériennes ont une conception très intransigeante, identitaire de la souveraineté nationale. Ils considèrent qu’ils peuvent régler leurs problèmes eux-mêmes et ils sont extrêmement hostile à toute démarche qui peut passer pour une ingérence. Tout le monde en a fait l’expérience : la France, bien sûr, mais aussi la présidence britannique de l’Europe, la troïka, des pays arabes, des pays africains, Kofi Annan ou Mme Robinson. Nous souhaitons évidemment que l’Algérie sorte de cette tragédie. En attendant, nous poursuivons un véritable dialogue avec le gouvernement algérien. J’ai rencontré, à Palma, M. Attaf. Pour cela aussi, nous encourageons les échanges de parlementaires. De plus, en ce qui concerne la France, nous poursuivons notre coopération et tous les échanges (franco-algériens), nous augmentons le nombre de visas pour maintenir une relation vivante et forte entre les deux sociétés par delà la crise que connaît l’Algérie d’aujourd’hui. Face à la tragédie actuelle, la France est malheureusement par rapport à ces problèmes dans la même situation que tous les autres pays. Mais je crois à l’avenir de l’Algérie.
Q — Quelle est la position de la France vis-à-vis de la crise de Lockerbie, notamment après le jugement prononcé dernièrement par la Cour de justice de la Haye à ce sujet ?
R — Nous avons pris note de l’arrêt récemment rendu par la Cour internationale de justice sur Lockerbie. Je fais remarquer que la Cour n’a pas statué sur le fond ; elle s’est contentée, à ce stade, de se prononcer sur sa compétence, qui n’est qu’une partie du sujet. Donc les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité qui étaient les résolutions 731, 748, 883 restent applicables, et la Libye doit les appliquer. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, nous ne pouvons pas dire autre chose. Quand il y a des résolutions, il faut les appliquer.
Pour sortir de l’impasse que nous connaissons aujourd’hui, toute proposition compatible avec ces résolutions que je viens de rappeler, et acceptables pour les gouvernements les plus directement concernés, notamment la Grande-Bretagne, doit être examinée. Nous sommes pour ne pas fermer la porte à des propositions intelligentes, à conditions qu’elles respectent les résolutions.
Q — Quelles sont les raisons qui sont à l’origine du refus par la France de l’élargissement de l’OTAN ?
R — En fait, la France n’a pas refusé l’élargissement de l’OTAN. Il y a eu une position en deux temps. Dans un premier temps, la France, le Cocona et le Partenariat pour la paix répondaient bien à la situation. Mais nous avons constaté que tous les pays d’Europe centrale et orientale voulaient entrer dans l’OTAN. Donc acte.
Mais dès lors, nous avons pensé que puisque l’idée d’élargissement s’imposait, il n’y avait pas de raison de la limiter. Lors du Sommet de l’OTAN de juillet dernier à Madrid, nous avons donc plaidé pour que l’OTAN s’élargisse à cinq pays supplémentaires puisque la Pologne, la Hongrie et la République tchèque étaient candidats, mais également la Slovénie et la Roumanie. Nous avons soutenu la Slovénie et la Roumanie, et j’ajoute que nous comprenons également très bien les aspirations de la Bulgarie.
Cependant, il faut rester d’une extrême prudence sur la question balte. Nous voulons par ailleurs que l’OTAN élargie puisse garder de bonnes relations avec la Russie. Ce n’est pas la peine de compliquer les choses sur ce plan. On a dit “oui” à l’élargissement, et nous avons obtenu en contrepartie le Conseil de Partenariat l’OTAN/Russie, lieu de dialogue et de concertation pour éviter les malentendus. Donc pas de vote russe mais il faut réfléchir.
Q — La France espère-t-elle encore obtenir le commandement sud de l’OTAN en dépit du refus américain catégorique à ce sujet qui se fonde sur l’idée qu’il est du ressort de Washington de commander la 6ème Flotte ?
R — Le président avait dit (en 1995) : la France veut bien revenir dans les organes militaires de l’OTAN (dont elle était sortie à l’époque du général de Gaulle), à condition que l’OTAN soit vraiment modifiée dans un sens plus européen. Voilà la première revendication. L’affaire du commandement sud venait en plus. C’est un point d’application de ce raisonnement. La revendication générale est celle d’une alliance à deux piliers rééquilibrée : un pilier américain et un pilier européen. C’est parce que cette condition n’a pas été remplie que le président Chirac, et le gouvernement Jospin, qui a été tout à fait d’accord, ont conclu, ensemble, que la France ne pouvait aller plus loin dans le processus de réintégration, puisque la France n’avait obtenu de réponse, ni sur le rôle des Européens dans l’Alliance, ni sur l’affaire du commandement Sud. Mais la porte reste ouverte et nous restons disponibles. Nous avons des contacts avec l’Amérique tout le temps. La discussion reste ouverte.
Q — Pensez-vous que les réserves formulées par les pays arabes sur les accords de partenariat euro-arabes en matière de sécurité sont le résultat de la signature de l’accord stratégique israélo-turc ? Quelle solution voyez-vous ?
R —Je pense que ces réserves sont liées à l’orientation actuelle de la politique israélienne. Une coopération entre Israël et la Turquie développée par un gouvernement israélien en train d’appliquer les Accords d’Oslo ne provoquerait pas la même inquiétude. La relation entre Israël et la Turquie n’est pas un problème en soi.
Ce que nous souhaitons c’est que les relations entre les différents pays du Proche et Moyen-Orient et de l’Asie mineure soient des facteurs de paix, de stabilité, de solution des problèmes et non pas de tension.
Q — Selon vous, l’accord de partenariat euro-égyptien pourra-t-il être conclu ? Y a-t-il des signes favorables au règlement des différends sur le volet agricole de cet accord ?
R — Vous savez, on ne peut jamais faire de pronostics sur les négociations d’accords parce que cela ne dépend pas des dirigeants politiques. Quand on négocie, on négocie parce qu’il y a des problèmes à résoudre et tant que les problèmes ne sont pas résolus on ne peut pas conclure. On ne peut donc pas se prononcer à l’avance arbitrairement. De plus, il reste des points de blocage, sur le plan agricole, qui expliquent que l’accord ne soit pas encore conclu. C’est un point important pour la relation entre l’Europe et l’Egypte et, d’une façon plus générale, pour toute la relation de l’espace euro-méditerranéen.
La seule chose que je puisse vous dire c’est que nous, la France, nous souhaitons que l’accord soit conclu le plus rapidement possible mais nous ne pouvons pas nous substituer aux négociateurs.