Texte intégral
LE POINT : On ne vous a guère entendu ces dernières semaines…
Philippe de Villiers : Je ne fais pas partie de ceux qui font du « Iepéno-centrisme ». C'est pour cela que je me suis tu. La droite classique s'est elle-même prise dans un piège en reniant ses propres valeurs fondatrices. Quant au Front national, il exprime, à travers des outrances calculées, certaines idées inadmissibles comme la « préférence ethnique ». Il ne faut ni insulter ses électeurs, ni passer des accords avec ses dirigeants, mais le faire baisser. Ce que nous avons réussi à faire en Vendée et dans les Pays de la Loire, simplement en affirmant nos valeurs.
LE POINT : Certes. Mais entre la position d'un Millon et celle des états-majors, laquelle choisissez-vous ?
P. de Villiers : Millon n'a pas à se laisser dicter sa conduite par le terrorisme de gauche. À cet égard, l'intervention de Jacques Chirac a été très malheureuse. Je lui ai dit la semaine dernière, quand il m'a reçu à l'Élysée, que les Français ressentent mal son impuissance. Ce qu'ils attendent de lui, c'est une voix qui ne soit pas celle de Jospin, et une vision pour la France qui ne soit pas celle, déjà ringarde, de Maastricht.
Les gadgets que propose le président sur la modernisation de la vie politique sont hors sujet par rapport aux vrais problèmes : le chômage, l'immigration, la sécurité…
LE POINT : Mais, sur ces questions, vous-même semblez quelque peu hors-jeu…
P. de Villiers : Non, car le débat qui s'ouvre maintenant sur l'Europe va être capital : tous nos problèmes ont une cause ou une trame européenne. Je suis convaincu que le nouveau marqueur de la vie politique française ce ne sera pas les alliances avec le FN, mais la question (ILLISIBLE) souveraineté nationale. La France est en train de se dépouiller de tous ses pouvoirs pour les transférer à d'autres : pouvoir monétaire avec l'euro, juridique et politique avec le traité d'Amsterdam. Et on discute de savoir comment on va moderniser le théâtre d'ombres de la vie publique !
LE POINT : Quel rôle pouvez-vous jouer ?
P. de Villiers : Dans la perspective des élections européennes, il faut que s'organise une alliance des « souverainistes », qui soit un pôle de résistance, avec des hommes tels que Charles Pasqua ou Jacques Calvet, issus aussi bien du milieu politique que de la société civile. Si cette constellation se forme, le FN sera « borduré » à 10-12 % des voix. Avec une seule liste maastrichtienne à droite, il monterait au contraire à 25 % !
LE POINT : Ce qui suppose une autre recomposition que celle qui s'opère sous nos yeux…
P. de Villiers : J'ai toujours dit qu'un jour l'UDF imploserait et que le RPR exploserait. Aujourd'hui, l'UDF est libanisée : chacun de ses leaders est caché derrière sa ruine, avec sa milice.
Dans les mots qui viennent, Amsterdam et la monnaie unique vont être pour le RPR ce que la question des alliances a été pour l'UDF. Une bonne moitié des militants du RPR, attachés à la souveraineté nationale, ont voté « non » à Maastricht. Ils attendent de Philippe Séguin un discours ferme, des actes et des votes. Qui ne viendront peut-être pas, puisque Chirac lui demandera de voter « oui ». Et si Séguin vote « oui » à Amsterdam, c'en est fini du RPR !